La bataille de Stonne, Mai 1940 : Un choc frontal durant la campagne de France
Lire ce livre, c’est exorciser un passé lourd, celui d’un désastre militaire, celui de mai-juin 1940, une débâcle installée dans le patrimoine militaire français comme une tache indélébile. Cet épisode militaire calamiteux de mai-juin 1940 marque toujours l’inconscient collectif français au point de lui faire redouter aujourd’hui encore une surprise stratégique. Pour s’en prémunir, on établissait dans les années 60 une combinaison à base d’arme nucléaire et de construction européenne. Mais aujourd’hui on trouve toujours cette crainte en arrière-plan de cette nouvelle exigence stratégique de connaissance et d’anticipation clairement indiquée dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.
De quoi s’agit-il ? D’un des combats les plus durs, les plus disputés et les plus méconnus de la campagne de France, un combat dans lequel périrent 3 000 soldats français et trois fois plus d’Allemands pour la possession d’un des verrous situés à la sortie des Ardennes. Tenir coûte que coûte le bastion de Stonne, c’était pour l’armée française préserver le front en cours de reconstitution sur l’Aisne et empêcher le débordement de la ligne Maginot par l’Ouest. Pour les forces allemandes, c’était se mettre à l’abri d’une contre-offensive par le Sud qui ruinerait la percée de Sedan et le coup de faucille vers la Manche du Plan Manstein. Il en résulta un combat quasi ininterrompu de 12 jours qui opposa chars français et allemands en grand nombre, pour le contrôle par l’infanterie motorisée de cette butte modeste mais stratégique qui commandait au Sud de Sedan le débouché sur l’Aisne. La butte changea de main plus de 15 fois. Ce fut un combat acharné au rythme effréné qui mit aux prises principalement deux unités fraîchement constituées et déployées, la 3e Division d’infanterie motorisée (DIM) du général Bertin-Boussu et la 3e Division cuirassé de réserve (DCR) du colonel Buisson avec le régiment d’élite « Grossdeutschland » du colonel von Schwerin et les 1re et 10e Panzerdivision du général Guderian. Un combat dans lequel l’artillerie française se montra décisive contribuant par son engagement à bloquer deux divisions allemandes sans cesse renforcées et qu’Hitler viendra en personne inspecter le 24 mai. Une bataille que l’un des survivants allemands, le général Oignez, compara aux combats pour Verdun et qui restera une des trois batailles « qu’il n’oublierait jamais, Stonne, Stalingrad, Monte Cassino ».
À la lecture détaillée du livre que nous donne Jean-Paul Autant après une enquête minutieuse, on découvre avec surprise un front qui tient, qui manœuvre et qui utilise habilement des moyens modernes, chars, artillerie contre un adversaire audacieux et sans cesse recomplété mais stoppé dans son élan. On découvre des hommes valeureux, entreprenants et compétents qui ne comprendront pas la défaite et se poseront longtemps la question de savoir ce qu’il serait advenu de la percée des Ardennes s’ils avaient contre-attaqué le 15 mai, comme ils en pressentaient la possibilité. C’est d’ailleurs la question que Guderian posera à Buisson en allant le rencontrer dans un camp de prisonniers après juin 1940.
Comme Jean-Paul Autant, je puis dire de ces combattants oubliés, « c’étaient des braves et mon père y était » (au 67e RI). ♦