À propos du Kosovo (décembre 1999)
Le 20 juin dernier, la fin de l’opération « Force alliée » était officiellement proclamée. Depuis, les bons points ont été fort justement distribués et les motifs de satisfaction largement commentés. Le Kosovo n’en reste pas moins aujourd’hui au premier plan de nos préoccupations. La difficulté des tâches confiées tant à la Kfor qu’aux autorités civiles chargées de rétablir un minimum d’administration se révèle dans toute son ampleur. La tournure prise ainsi par les événements mérite commentaires.
La genèse des opérations
Face à l’aggravation, ces dernières années, de la situation au Kosovo, les Européens, pour une fois unanimes, ont su pourtant faire preuve de détermination pour contraindre les parties en cause à engager des négociations. Bien décidés à recourir à la force… si la situation l’exigeait absolument, mais ne disposant pas eux-mêmes des moyens militaires adaptés à l’ambition de leur politique, ils ont dû se tourner une fois de plus vers le « grand allié ». Celui-ci allait alors peser lourd sur la négociation, comme il le fera par la suite sur la conduite de la stratégie, par Otan interposée. À Rambouillet, il offrait une médiation musclée, en brandissant la menace d’un vigoureux recours à la force contre toute partie qui refuserait les accords proposés. Le 18 mars, devant l’intransigeance des Serbes renforcée par la sévérité de certaines conditions alliées, les négociations étaient rompues. Le schéma prévu était appliqué. Les frappes aériennes étaient déclenchées le 24 mars. L’opération « Force alliée » commençait.
L’objectif était de contraindre Milosevic à accepter le retrait de ses forces du Kosovo et d’admettre le déploiement d’une force alliée sur le territoire de la province. C’étaient là les conditions jugées indispensables pour atteindre le but politique que les Alliés s’étaient fixé, à savoir ramener la paix au Kosovo tout en assurant une cohabitation acceptable entre Serbes et Albanais. Si l’autonomie de la province était également prévue, toute idée d’indépendance était unanimement écartée. Le résultat est connu. Les frappes aériennes ont eu pour effet de faire plier le leader serbe. Grande première de l’histoire ! Pour la première fois en effet, des forces aériennes permettaient d’atteindre, à elles seules et en frappant avec des armes exclusivement classiques, un objectif stratégique majeur et ce dans le cadre d’une action mettant en cause un État souverain bien décidé à se défendre et disposant pour cela de moyens respectables. L’impact énorme de la puissance aérienne dans la conduite des crises et conflits actuels que la guerre du Golfe avait déjà révélé, était confirmé. Plus remarquable encore : ces résultats étaient obtenus sans pertes significatives. La qualité de la planification opérationnelle (1), celle des moyens mis en œuvre en ont été les raisons. Se sont ajoutés la maîtrise de la guerre électronique dont ces forces ont fait preuve, le professionnalisme des équipages, et aussi la chance que ces derniers ont eue parfois contre une artillerie sol-air « à la soviétique », c’est-à-dire dense et mobile, une artillerie qui est restée active jusqu’au dernier jour de l’opération.
L’action aérienne et ses conséquences immédiates
Succès donc incontestable, mais succès qui a exigé onze semaines d’action quasi ininterrompue, de jour et de nuit, durée fort longue, contraire à toutes les prévisions et dont les conséquences ont pesé et pèsent encore sur la suite des événements. Il était entendu en effet que les choses iraient vite et que Milosevic céderait dès les premières frappes. Question de jours… Pour certains même, le leader serbe n’attendait que le début des frappes pour justifier auprès de son peuple le retrait de ses forces du Kosovo !
Sous-estimer la durée nécessaire à l’action aérienne offensive pour que celle-ci produise, au niveau stratégique, tous ses effets, relève certes d’une tendance historique. Du visionnaire Douhet aux « patrons » du Bomber Command et de l’USAAF pendant la Seconde Guerre mondiale, les exemples dans ce sens ne manquent pas. Dans le cas de « Force alliée », la sous-estimation a été flagrante et grave à l’échelon politique, qu’il s’agisse d’évaluer la détermination de Milosevic, la force du nationalisme serbe ou même le degré de solidarité des pays slaves… Russie comprise. Comment expliquer autrement qu’Européens et Américains aient pu annoncer publiquement qu’ils limiteraient leur action à cette offensive aérienne, tournant ainsi le dos à l’une des règles les plus élémentaires de la stratégie, à savoir ne jamais dire à l’adversaire ce que l’on ne fera pas ? Comment expliquer autrement que les frappes aient été conduites, au début, avec un volume de forces bien modeste, eu égard à la dimension du théâtre et au potentiel militaire dont disposait l’adversaire ?
Par la suite, les moyens ont été, il est vrai, sérieusement augmentés (2). Les frappes n’ont cependant eu ni la vigueur ni la densité auxquelles on aurait pu s’attendre surtout au début. Leurs points d’application ont été le plus souvent modulés en fonction des réactions de Milosevic, en fonction aussi des divergences qui ont pu naître, au niveau politique, au sein de l’Alliance, où les décisions quant au choix des objectifs étaient collégiales. Les aléas météos n’ont pas arrangé les choses, pas plus que le souci fort compréhensible d’épargner certains objectifs à caractère civilo-militaire, ou dont le caractère ne pourrait pas être clairement déterminé en cours de mission. Le principe de concentration des efforts, fondamental dans la stratégie aérienne, en a souffert. Quant aux manœuvres plus ou moins subtiles, comme le déploiement des hélicoptères Apache qui n’en finissaient pas d’arriver, elles pouvaient être interprétées comme autant d’hésitations au plus haut niveau politico-militaire sur la stratégie à adopter. Tout cela n’a pu qu’amener Milosevic à douter de la détermination des Alliés et à renforcer son attitude de refus face aux exigences de ses adversaires.
Dans la conduite même des opérations, des contraintes sévères ont été imposées par l’échelon politique aux planificateurs et aux exécutants. Le concept de la « guerre zéro mort », cher aux Américains, en a été l’une des raisons essentielles : d’où l’obligation notamment d’effectuer les raids à haute altitude face au danger de l’artillerie sol-air à courte portée. La restriction n’a pas gêné outre mesure, sauf par mauvaise météo, l’action aérienne contre les objectifs d’infrastructure, au Kosovo… et en Serbie. Elle a été en revanche très pénalisante pour la recherche et l’attaque – prioritaires au début – des forces déployées au Kosovo, forces rompues à l’art du camouflage, du leurrage et de la dispersion, et ce dans une région caractérisée par son relief et ses couverts.
Conséquence majeure : l’action aérienne n’a pas empêché Milosevic de manœuvrer et de provoquer l’exode massif des Kosovars albanais. Elle ne l’a pas empêché parce que c’était impossible pour elle dans les conditions énoncées. Et les Alliés de se retrouver avec des centaines de milliers de réfugiés sur les bras, événement là encore totalement imprévu, dont la gestion s’est révélée particulièrement difficile ; événement qui a bien failli coûter à l’Alliance le soutien de l’opinion publique, et ce à quelques semaines des cérémonies marquant son cinquantenaire ! L’affaire a certes fini par se retourner contre son auteur. Les images de la détresse des réfugiés, diffusées et commentées à longueur de journées par les médias, ont contribué à masquer les effets de la prolongation des frappes, notamment l’augmentation, faible mais tout de même très sensible, des bavures dont les populations kosovares et surtout serbes ont été victimes. L’alerte n’en a pas moins été chaude.
Succès et désillusion
Grâce à l’action aérienne, les unités serbes ont dû finalement quitter le Kosovo et céder la place à la Kfor. Le résultat est considérable. L’objectif essentiel, à savoir le retour à la paix, est cependant très loin d’être atteint. La poudre a parlé, trop longtemps contre toute attente. Les dommages de part et d’autre en république fédérale de Yougoslavie ont été considérables. Les haines se sont exacerbées, celles des Kosovars albanais… et celles des Serbes, en Serbie même, où nombre d’opposants à Milosevic reprochent beaucoup plus à ce dernier l’humiliation qu’il a fait subir à son peuple par ses échecs que les violences commises par ses sbires au Kosovo. La tournure des événements dès la fin de « Force alliée » a encore aggravé une situation déjà dramatique au départ. Les Albanais chassés de leurs terres sont en effet revenus en masse et très vite, créant une situation confuse et dangereuse, et elle aussi inattendue. Objets au moment de leur exode d’un vaste élan de solidarité en Europe, animés à leur retour par des sentiments de vengeance que l’on peut comprendre, beaucoup d’entre eux se sont crus tout permis. Et les maisons serbes de brûler à leur tour. Et les attentats contre les Serbes de se multiplier. Et ceux-ci de fuir. Exode massif là encore, dont les médias se font l’écho, mais un écho cette fois d’une étonnante modération.
Dans cette affaire, les rebelles de l’UCK donnent le « la ». Considérés il n’y a pas si longtemps encore comme des marxistes peu fréquentables émules du sinistre Hodja, ou comme de dangereux ultra-nationalistes, ils ont été souvent présentés, pendant l’opération, comme des héros luttant pour l’indépendance de leur territoire. Rien d’étonnant alors qu’ils se posent aujourd’hui comme les futurs cadres d’un État indépendant. Rien d’étonnant qu’ils aient rechigné à rendre leurs armes, si toutefois, ils les ont vraiment toutes rendues, malgré les larges délais généreusement accordés par les Alliés. Stupéfiant en revanche qu’ils se voient aujourd’hui officiellement chargés de constituer le « corps de protection du Kosovo » ! La province est ainsi en passe de devenir de facto ethniquement « pure », albanaise cette fois. Son indépendance apparaît inéluctable, amorce possible d’une nouvelle déstabilisation de la région, donc de nouveaux conflits. D’un certain point de vue, la situation est plus grave qu’elle n’était avant « Force alliée ». Celle vers laquelle on tend n’a en tout cas plus rien à voir avec l’objectif initialement fixé : assurer l’autonomie d’un Kosovo où Serbes et Albanais pourraient vivre dans un climat de paix. La victoire de juin 1999 a dès lors un goût fort amer.
Solution politique ou… la guerre !
À partir de là, un climat de polémique n’a pas manqué de s’instaurer. Que l’on en vienne à regretter le non-recours à une action aéroterrestre est une chose, non critiquable en soi. Que l’on en vienne à minimiser l’efficacité des frappes aériennes en général, voire à ironiser sur leur précision, compte tenu de quelques « bavures » qui se sont produites, en est une autre, inacceptable et totalement injustifiée. La polémique est d’ailleurs bien vaine. L’expérience montre que chaque armée est toujours appelée à intervenir, d’une façon ou d’une autre, dans un conflit. Les soldats de la Kfor en savent quelque chose. Le propos ne dispense cependant pas d’une réflexion sur les missions de nos armées. Tout se passe en effet comme si l’objectif prioritaire de nos forces n’était plus, en l’absence, pour l’instant, de toute menace directe, la défense du territoire national ou celui d’Alliés, mais la défense de la démocratie et des droits de l’homme, là où elle s’impose. La professionnalisation des armées et les facilités qui en sont la conséquence pour les interventions extérieures ne font que renforcer la tendance.
Le but politique est généreux, et ambitieux. Il ne saurait être discuté ici. Sa poursuite n’en présente pas moins des risques. Risque d’en revenir au temps des croisades, lesquelles n’ont pas toujours laissé dans l’histoire un bon souvenir, car synonymes de conquêtes et de guerres. Risque de dispersion, tant les motifs d’intervention pour la cause évoquée se multiplient sur la planète. Risque enfin et surtout d’être entraînés dans des situations difficiles à maîtriser, comme cela vient de se produire. Les récents événements montrent en particulier que vouloir imposer par la force le respect des droits de l’homme à un État souverain n’exerçant en outre aucune menace extérieure est une entreprise redoutable. La meilleure solution dans un tel cas de figure est d’évidence l’action politique, avec éventuellement sanctions diplomatiques et économiques à la clé. C’est le moment de rappeler que fin 1996, ce n’étaient pas 150 000 personnes qui manifestaient dans les rues de Belgrade contre Milosevic – comme cela s’est produit le 19 août dernier –, mais plus de 200 000 ! Et ces manifestations monstres se sont poursuivies jusqu’en février 1997. Le pouvoir du président Milosevic a vacillé. Les actions des Européens pour appuyer le mouvement de contestation ont été fort discrètes. Le président de la République fédérale de Yougoslavie était alors considéré comme un acteur important pour la mise en œuvre des accords de Dayton. Ainsi a sans doute été ratée une occasion d’éviter le dérapage qui n’a pas manqué de se produire ensuite.
Dans le même cas de figure et en l’absence de solution politique, le déploiement de forces de maintien ou de rétablissement de la paix offre une autre possibilité de calmer les choses. Le schéma est connu. Encore faut-il que le pays en cause donne son accord à un tel déploiement. Dans le cas contraire, comme celui de la Serbie, seules deux solutions restent envisageables : ou bien on renonce et l’on en revient à une éventuelle solution politique ; ou bien on contraint par la force le pouvoir en place à admettre le déploiement prévu. Contre un pouvoir résolu dont les intérêts majeurs sont, selon lui, en cause, un tel recours conduit nécessairement à ce qu’il faut bien appeler la guerre, guerre sans doute le plus souvent limitée, mais guerre quand même. Il est bien difficile en effet de parler de « crise » quand on en vient à larguer des dizaines de milliers de munitions pendant des semaines au-dessus d’un pays comme cela vient de se produire ! Cette guerre-là, les Européens, de toute façon ne pouvaient pas la faire seuls, au Kosovo, par manque de moyens. Les Américains, eux, voulaient bien la faire, mais sans pertes, concept du « zéro mort » oblige. D’où impasse. Pour en sortir, la stratégie des frappes aériennes, basée sur l’engagement des seules forces aériennes et des missiles offrait une solution séduisante : pas de pertes significatives ; précision, donc efficacité impressionnante des frappes ; « dommages collatéraux » limités ; souplesse dans l’action offensive.
Trois conditions nécessaires
Stratégie séduisante aux avantages indiscutables, mais stratégie qui, par-delà son récent succès, vient quand même de montrer ses limites, tout comme elle les montre encore aujourd’hui en Irak. Ainsi, les contraintes opérationnelles créées par le souci du « zéro mort » ont-elles des conséquences sérieuses, largement commentées ici, sur l’efficacité de l’action offensive. Ainsi, l’idée de neutraliser l’appareil politique d’un pays par des frappes, tout en épargnant la population est-elle une illusion. Les pertes civiles pendant « Force alliée » ont été effectivement limitées, comparées aux quelque 18 000 bombes et missiles largués, ce qui est tout à l’honneur des équipages dont le sang-froid a été soumis à rude épreuve. Elles n’ont pas été pour autant négligeables. S’y ajoutent les destructions opérées au Kosovo et surtout en Serbie contre les infrastructures : ponts, centrales électriques, usines, raffineries… Un coup sévère a été ainsi porté à l’économie de régions déjà pauvres. C’est dire que le niveau de vie des populations s’en ressentira gravement, et pour longtemps. Nous aurons à en payer la facture.
La durée de l’action aérienne offensive, enfin, se révèle un facteur à la fois difficile à maîtriser et pénalisant : difficile à maîtriser parce que tout dépend de l’effet des frappes sur la détermination des décideurs politiques du pays en cause, effet dont l’évaluation reste incertaine ; pénalisant parce que toute prolongation des frappes incite à élargir le domaine de l’action offensive et à augmenter ainsi à la fois la probabilité de bavures et surtout les risques de dérapage du conflit, comme l’ont montré les réactions d’une Russie pourtant bien faible… et celles d’une Chine pourtant bien lointaine !
Atteindre dans un minimum de temps le but politique fixé apparaît, dans ces conditions, difficile. Difficile, mais, à coup sûr, impossible si trois conditions ne sont pas remplies : réaliser des frappes précises bien sûr, mais d’emblée massives et concentrées selon un ordre de priorité rigoureux sur des objectifs choisis en fonction de leur intérêt stratégique ou opératif, là où les frappes aériennes ont toute leur efficacité, ce qui suppose cohésion et unité de vue des décideurs politiques et militaires ; admettre l’éventualité de pertes, pertes les plus réduites possibles, mais pertes tout de même, afin d’éviter des règles d’engagement trop contraignantes ; être prêts enfin à déclencher des opérations non limitées à l’action aérienne au cas où celle-ci se prolongerait d’une façon excessive et, de toute façon, en laisser planer la menace ! Pendant l’opération « Force alliée », ces conditions n’ont pas été respectées. D’où les onze semaines d’offensive avec les conséquences que l’on sait.
L’expérience ainsi acquise ne saurait mettre en cause la stratégie des frappes aériennes en elle-même. Celle-ci a ses vertus. Elle a aussi ses limites, et sa conduite doit répondre à des conditions particulières. L’ensemble vient d’être rappelé. Le propos ne condamne pas non plus, d’une façon plus générale, les actions aériennes dites « indépendantes » – notamment offensives –, souvent mal comprises sinon mal admises. Bien au contraire. De telles actions ont aujourd’hui une efficacité sans commune mesure avec celle qu’elles avaient hier, dès lors qu’elles sont déclenchées en prélude à des opérations combinées, ou lorsqu’elles visent à précipiter un processus politico-militaire déjà largement engagé. L’histoire toute récente nous en donne des exemples, depuis les cinq semaines d’offensive aérienne dans le Golfe, lesquelles ont ouvert une voie royale à l’action aéroterrestre des cinq derniers jours, jusqu’aux frappes de l’automne 1995 en Bosnie après les revers subis par les Serbes en Krajina. Et ce fut la paix à Dayton.
Des conclusions qui s’imposent
Ce développement ne signifie pas qu’une action aéroterrestre au Kosovo aurait été a priori plus aisée et plus décisive. Pertes et destructions auraient même été certainement plus nombreuses et la durée des opérations beaucoup plus longue, pour un résultat tout aussi incertain. On en revient à la nécessité de bien mesurer l’opportunité d’un recours à la force dans une situation comme celle qui vient d’être vécue contre la Serbie. En toute hypothèse, vouloir restaurer la démocratie ou les droits de l’homme dans un pays souverain à coups de bombes ou, d’une façon plus large, au son du canon, paraît une entreprise dangereuse dont le résultat a toute chance de se situer à l’inverse de celui escompté. C’est là une première conclusion.
Une autre s’impose, d’ordre politique celle-là. Dans l’affaire du Kosovo, les Européens ont en effet pris conscience de leur faiblesse militaire. D’où l’appel aux Américains. La leçon a été claire. Dès le 3 juin avant même la fin de l’opération, les chefs d’État réunis à Cologne ont alors reconnu la nécessité pour l’Union européenne de disposer d’une force militaire autonome, crédible et capable d’agir sans le concours des États-Unis et indépendamment de toute action de l’Otan. Déclaration louable – et ambitieuse – qui va dans le sens des intérêts des Européens et des Américains eux-mêmes. Ces derniers en effet, au cours du siècle prochain, auront probablement fort à faire du côté du Pacifique et du continent asiatique pour ne pas avoir, en plus, à intervenir tous les quatre matins à la rescousse d’une Europe incapable militairement de traiter par elle-même les problèmes qui lui sont propres.
Toute la question est de savoir si les Européens sont décidés à payer la facture, c’est-à-dire s’ils sont prêts à stopper la décrue jusqu’ici constante de leurs budgets de défense afin de réaliser les moyens qui leur manquent. Sans cela, la déclaration de Cologne restera, comme tant d’autres, lettre creuse et l’Europe de la défense un mythe sans consistance. Au moment où une nouvelle encoche est annoncée dans notre propre budget des armées, la question ainsi posée en guise de dernière conclusion paraît singulièrement opportune.
Octobre 1999 ♦
(1) La planification et le contrôle des missions ont été assurés par le commandant des forces aériennes alliées Sud-Europe (Comairsouth), PC à Vicenza.
(2) De l’ordre de 400 appareils seulement au début de l’opération dont 120 pour l’attaque. Environ 700 appareils dont 340 pour l’attaque un mois plus tard et un millier à la fin : chiffres sans aucune comparaison avec ceux de la guerre du Golfe.