Après la prise de conscience du manque de résilience d’un système reposant sur des flux mondialisés, le retour d’une guerre interétatique de haute intensité sur le continent européen pousse à s’interroger sur les ressources qui permettront de l’emporter en cas de conflit. Si la France souhaite gagner la guerre avant la guerre, il lui faut mener la « guerre pour les ressources » dans la phase actuelle de compétition entre puissances, afin de disposer des moyens nécessaires en cas d’affrontement. Pour cela, il est nécessaire de penser la stratégie française d’accès aux matières premières et aux espaces communs, et de demander à la jeunesse de s’engager pour augmenter la résilience de la nation.
Livrer la bataille des ressources stratégiques pour gagner la guerre avant la guerre
Les stratégistes sont prolixes, les officiers de l’École de Guerre (EdG) en témoigneront. Si ces derniers ne devaient retenir qu’une chose de leurs lectures, au-delà des sacro-saints principes de la guerre du Maréchal Foch, c’est probablement qu’il convient de ne pas culminer (1) avant l’adversaire. Tenir, avoir des forces en réserve, rien de nouveau, une évidence que la guerre d’Ukraine vient nous rappeler, crûment. On semble redécouvrir l’attrition humaine et matérielle, ainsi que le sujet de la consommation de munitions (2). Aurions-nous oublié la parabole des jeunes filles prévoyantes (3) ? Si La Fontaine avait un successeur, il croquerait cyniquement l’attitude européenne des trente dernières années… « Que faisiez-vous au temps chaud ? » (4).
Dans un monde où les acteurs ne sont plus solidaires et où la prédation et la guerre font partie du quotidien, il faut éviter l’erreur de modèle consistant à croire que les ressources seront accessibles, comme elles le sont en temps normal, au moment où il faudra employer la force.
Pour se préparer à la guerre, il importe donc d’identifier les ressources qui permettront de combattre, d’analyser le grand jeu des puissances dans ce domaine et de définir une politique garantissant les approvisionnements pour surclasser l’adversaire.
« Que faisiez-vous au temps chaud ? » : l’erreur de modèle
L’illusion du tout, tout de suite
« Au temps chaud » de l’après-guerre froide, nous tirions les dividendes de la paix et vivions dans l’illusion d’une pax americana durable, reposant sur des règles « multilatérales », incontestées du fait de la prééminence de la puissance américaine. Dans ce monde de facto unipolaire, où l’Occident choisissait d’intervenir dans des guerres du fort au faible, il s’agissait d’assurer la stabilité du monde pour garantir que les échanges planétaires puissent être placés sous le signe de l’optimisation. En mathématiques, optimiser signifie trouver les valeurs d’un ou plusieurs paramètres correspondant à l’extremum d’une fonction. En l’occurrence, les vainqueurs de la guerre froide cherchaient les solutions pour atteindre, en toute chose, un coût minimal. C’est ainsi qu’a été lancée la chasse à tout ce qui est immobile, transformant la planète en un monde de flux dévalant les différences de potentiels : flux de matières premières vers les pays aux faibles coûts de transformation, biens de consommation vers les pays riches et capitaux vers les pays à la main d’œuvre bon marché. Exit donc les stocks coûteux et vive la libre circulation des personnes et des biens. Le monde a alors vécu dans l’utopie du « tout disponible tout de suite », oubliant que cette mécanique bien huilée n’était pas robuste à l’aléa. La mécanique des fluides est pourtant catégorique : quand la viscosité augmente, le débit diminue, et réamorcer une pompe demande un effort. L’échouement de l’Ever Given, porte-conteneurs de quelque 20 000 EVP (5) de la société Evergreen, dans le canal de Suez le 23 mars 2021 est illustratif de ce phénomène : bloquant 422 navires de part et d’autre du canal, il a fallu trois jours pour résorber l’embouteillage créé par 6 jours d’immobilisation. Les prix du pétrole ont alors augmenté de 5 % et les pertes du commerce maritime mondial auraient atteint, selon l’assureur Allianz, 6 à 10 milliards de dollars par jour (6).
Un peu comme on oublie, parce que l’on a l’eau courante, que cette ressource n’est pas infinie, nous avons oublié que la machine pouvait se gripper. Dans un système mondial d’interdépendances optimisées, la résilience à l’aléa ne peut reposer que sur une analyse rationnelle de la situation et l’étude d’une solution globale, chacun acceptant de faire passer son intérêt immédiat derrière la recherche du bien commun. Cela suppose une organisation robuste en laquelle les acteurs ont confiance. À défaut, les biais cognitifs et la rationalité limitée des protagonistes risquent de mener à la catastrophe. À vouloir se sauver tout seul, un individu cédant à la peur peut ainsi engendrer un mouvement de panique qui fera périr le groupe. Le phénomène classique de repli sur soi constaté lors de la pandémie de Covid-19 a, par exemple, complètement déréglé le commerce maritime mondial (7), créant des phénomènes de pénurie qui ont, en partie, engendré de l’inflation que l’on peine aujourd’hui à juguler.
Le mythe de la guerre sans attrition
« Au temps chaud » de l’après-guerre froide, nous choisissions nos engagements, du fort au faible, dosant à loisir le niveau d’engagement et de risque consentis, d’autant que l’enjeu n’était en rien existentiel. Le faible nombre de pertes et la mise en scène des chaînes d’information en continu ont contribué à faire oublier le tragique de la guerre. L’extrême supériorité technologique des États-Unis a ainsi permis à l’Occident d’emporter un succès rapide face à l’Irak de Saddam Hussein en 1991. La « quatrième armée du monde » (8) a été vaincue en 120 heures devant les caméras du monde entier, les combats ayant occasionné près de 450 morts chez les coalisés contre 30 000 à 100 000 dans les rangs irakiens (9).
L’aveuglement de l’hubris
Parce qu’au temps chaud des guerres choisies, nous avons surclassé nos adversaires militairement, sans toutefois, en général, « gagner la paix ». Le risque de reproduire les recettes d’hier nous guette. L’histoire regorge d’erreurs stratégiques fondées sur l’incapacité à évaluer la qualité de sa propre armée.
Ainsi, quoiqu’opposé à l’idée d’une confrontation avec la Prusse, Napoléon III n’a pas pu empêcher le déclenchement du conflit qui mena à la défaite de Sedan. Le 17 juillet 1870, Émile Ollivier, président du Conseil, déclarait devant le Corps législatif : « Cette guerre, nous la déclarons d’un cœur léger », à la veille d’affronter les royaumes d’Allemagne du Nord. Parce que la France de 1870 avait mené des guerres, souvent victorieuses (10), sous le Second Empire, elle éprouvait un sentiment de supériorité, mais elle n’avait pas su se préparer à la guerre qui l’attendait. La défaite fut sans appel (11).
Qu’en est-il aujourd’hui ? « Nous aurions vaincu par notre force et la puissance de nos armes » lançait crânement, en évoquant la guerre froide, le général Guerassimov à son homologue français lors d’une rencontre à Moscou le 23 décembre 2015. « C’est faux, nous aurions gagné par notre mobilité et notre souplesse ! » (12). Joli sens de la répartie, parfaitement adapté à la situation, car les Russes ne respectent que la force. Cet échange est révélateur de la culture stratégique de chaque nation. Une approche que d’aucuns qualifieraient de clausewitzienne pour la France, avec sa capacité d’adaptation bien connue (ou son goût pour l’improvisation…) et une culture jominienne (13) pour la Russie qui sait pouvoir compter sur la profondeur stratégique de sa population et de son territoire pour tenir.
Notre culture stratégique demeure, mais contrairement au temps de la guerre froide, la masse et les soutiens ont fondu. Parce que nous avons disposé, pendant trois décennies, de la suprématie aérienne sur les théâtres d’opérations aéroterrestres, la vision romantique de la manœuvre, cultivée par les armes « nobles » de la mêlée, tient encore le haut du pavé : « nous sommes très bons au contact car nous avons le sens de la manœuvre » entend-on régulièrement dans les coursives de l’état-major. « Je connais cette théorie » rétorquerait un célèbre espion tricolore, car pour manœuvrer au contact, encore faut-il déboucher à portée de l’ennemi, avec de quoi manœuvrer. N’oublions pas que « le feu tue » (14).
Les réflexions actuelles au sein des armées sur le besoin de masse, de stocks, de capacités de feu dans la profondeur et de moyens sol-air sont révélatrices d’une prise de conscience et d’un changement d’époque. Gageons que l’électrochoc de la guerre en Ukraine saura nous tirer du risque de rejouer la partition d’hier.
La chimère de la mode du moment
Méfions-nous toutefois également des iconoclastes tourmentés par le risque de voir les armées ne préparer que la guerre d’hier. Ceux-là voudraient remiser certains armements au bénéfice de la mode du moment. C’est ainsi qu’après avoir vu en Ukraine des hélicoptères abattus (15), des chars calcinés et un croiseur coulé (16), certains ont conclu que ces matériels majeurs étaient vulnérables et donc dépassés. Élargissons la focale et regardons ce dont se dotent les puissances émergentes ou établies avant de conclure hâtivement.
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À l’heure des choix capacitaires sous contrainte budgétaire, méfions-nous des raisonnements simplistes qui conduiraient à perdre la guerre sans combattre, faute de capacités (17) en nombre suffisant.
« Pas un seul petit morceau… » : la compétition pour les ressources stratégiques
La stratégie est une dialectique des intelligences utilisant la force pour résoudre les différends. Si cette définition traditionnelle de la stratégie est remise en cause aujourd’hui dans le langage courant pour ne définir qu’« une attitude rationnelle en vue d’atteindre des fins préalablement définies » (18), l’historien et stratégiste Hervé Coutau-Bégarie insiste pour que la stratégie « [continue] à reposer sur le conflit violent, sous peine de s’appliquer à n’importe quoi ».
Le retour d’une guerre interétatique de haute intensité sur le continent européen nous rappelle ainsi que la stratégie, sous son acception classique, n’est pas une discipline du passé. Dès lors, se poser la question des ressources stratégiques revient à s’interroger sur celles qui ressortent de la guerre, qui permettent de l’emporter sur un adversaire dans un conflit violent. Cette question, largement absente des différents Livres blancs comme de la Revue stratégique (RS) de 2017 (19), n’est pas dénuée de sens aujourd’hui, d’autant plus si l’on souhaite « gagner la guerre avant la guerre » (20).
C’est d’ailleurs l’un des trois « objectifs fondamentaux » de la Revue nationale stratégique (RNS) 2022 : « Préparer en profondeur l’État aux crises ; développer des ressources humaines et des capacités matérielles pour faire face, en intégrant une réflexion globale sur la question des stocks stratégiques et la diversification des sources d’approvisionnement ; et adapter la communication publique aux enjeux de résilience (21). » Le choc du retour des frontières et du repli sur soi lors de la pandémie de Covid-19, avec l’incapacité d’approvisionner rapidement des masques en grande quantité et, par ailleurs, la prise de conscience des besoins de l’armée ukrainienne pour tenir face à la Russie, ont sans doute été salutaires pour nous préparer au pire. Ainsi, la RNS lance-t-elle les réflexions sur l’économie de guerre (22) en incluant la dimension des ressources stratégiques (23). De son côté, la Commission des affaires étrangères de la Chambre des communes a diligenté une étude sur les matières premières pour permettre à l’économie britannique de gagner en résilience (24).
Pour conduire la guerre, un État aura besoin des ressources qui permettront de :
– savoir pour décider plus vite que l’adversaire (Espace, cloud, IA…) ;
– concentrer les efforts pour surclasser l’adversaire par le choc et le feu (matériel militaire, masse, munitions, mobilité) ;
– faire face à l’attrition humaine et matérielle (compétences, métaux) ;
– fournir de l’énergie, car tout corps, pour fonctionner, en a besoin ;
– subvenir aux besoins essentiels de la population, c’est-à-dire assurer les fonctions du bas de la pyramide de Maslow (25). Pour cela, il s’agira de garantir la sécurité intérieure et de maintenir en fonctionnement les secteurs de l’agroalimentaire, de la distribution, de la santé et du BTP ;
– soutenir les forces morales de la population, ce qui demandera de communiquer (accès à l’espace informationnel).
Ainsi, les ressources stratégiques peuvent-elles être classées en six catégories : l’eau, l’alimentation, les matières premières énergétiques, les métaux, l’accès aux espaces communs et les compétences.
Bien que la génération des compétences soit le sujet de préoccupation principal de la plupart des armées européennes, et que le peuple ukrainien, parce qu’il mène une guerre existentielle, fait une magnifique démonstration de sa capacité à faire bloc (26) et à imaginer des solutions, la question des ressources humaines dans la guerre demanderait une étude spécifique et ne sera qu’évoquée ici.
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Dans son ouvrage Décider et perdre la guerre (27), François Cailleteau, ancien Contrôleur général des armées montre, par de nombreux exemples historiques, que la décision d’engager la force demande mûre réflexion. Ainsi, pour l’auteur, il convient de s’engager avec précaution dans les affaires d’utilité relative, pour rester capable de se réarticuler rapidement vers un engagement subi devenant prioritaire. La Chine applique parfaitement ces principes et use d’autres leviers que celui de la guerre pour mettre la main sur les ressources dont elle a besoin pour garantir sa liberté d’action : elle déploie une stratégie de contrôle de l’ensemble des chaînes de valeurs.
L’eau
D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2019, 11 % de la population mondiale n’ont pas accès à l’eau potable et 40 % risquent de vivre en 2050 dans des régions touchées par une pénurie d’eau (Inde, Chine, Asie centrale, Méditerranée, Moyen-Orient, Afrique subsaharienne…) (28).
La question de l’accès à l’eau est potentiellement génératrice de conflits, car le partage du monde n’a aucun lien avec la géographie des bassins hydrographiques. Ainsi, cette ressource doit-elle être gérée au plan régional pour éviter les tensions entre riverains, à l’instar de ce qu’ont fait le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et la Guinée Conakry en concluant un traité pour une gestion concertée et équitable du fleuve Sénégal en 1972 (29). En outre, ce type de ressource, soumise à la tragédie des biens communs, risque, sans gestion appropriée, d’être gaspillée et de s’épuiser.
Les ressources connues en eau douce naturellement disponibles s’élèvent à 2,8 % de la quantité d’eau mondiale, le reste étant contenu dans les océans. La réponse apportée par certains pays riches consiste à dessaler l’eau de mer. Pour les États côtiers, dont la France, la question de l’accès à l’eau en cas de crise revient, en partie, à un problème industriel (déploiement de la technologie de désalinisation et de réseaux de distribution) et d’approvisionnement en énergie.
L’alimentation
En 2020, 12 % de la population mondiale étaient en situation d’insécurité alimentaire et 660 millions de personnes pourraient connaître la faim en 2030 (30). S’il est possible d’améliorer la productivité naturelle des terres agricoles (fertilisation, irrigation), le rendement n’est pas une fonction linéaire de la fertilisation. De fait, la sécurité alimentaire d’un pays repose sur sa capacité à maîtriser une surface donnée de terres agricoles allouées aux besoins de la population, idéalement sur son sol, à défaut hors des zones de conflit potentiel. Ainsi, depuis l’an 2000, les transactions internationales portant sur des parcelles de plus de 200 hectares ont concerné près de 5 % des terres cultivées dans le monde, dont la moitié concerne des cultures non alimentaires (31). Les cinq pays les plus visés sont l’Indonésie, l’Ukraine, la Russie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Brésil. Les investisseurs, majoritairement privés, proviennent en premier lieu des États-Unis et d’Europe occidentale puis d’Asie du Sud-Est (32).
De la même manière, il convient de maîtriser sa Zone économique exclusive (ZEE) pour éviter la prédation des ressources halieutiques par d’autres. Cela demande de disposer de moyens d’observation et d’action dans ces zones pour y faire respecter sa souveraineté comme la réglementation visant à garantir le renouvellement de la ressource.
Les matières premières énergétiques
Depuis que l’on sait convertir l’énergie solaire en électricité, il n’y a théoriquement plus de problème de production d’énergie puisqu’il suffirait d’implanter des champs de panneaux solaires dans le Sahara sur une surface grande comme deux fois la Suisse pour produire l’équivalent de la consommation mondiale d’énergie (33). La théorie n’est toutefois pas la pratique, car une fois produite, l’électricité doit être distribuée ou stockée, notamment lorsque sa production est intermittente. À cela s’ajoutent les questions de stratégie qui supposent de produire tout ou partie chez soi ou chez ses alliés. Enfin, les sources d’énergie primaires ne sont pas adaptées à tous les usages. En raison de leur importance dans le mix énergétique mondial, la compétition pour exploiter les gisements d’hydrocarbures demeure féroce. En témoignent l’appétit suscité par les gisements gaziers découverts en Méditerranée orientale (34) ou l’attrait renouvelé pour l’Arctique (35) à la faveur du réchauffement climatique.
Pétrole
Si le moteur thermique est simple à produire, son existence est remise en cause par la transition énergétique car l’acceptabilité sociale de l’emploi des énergies fossiles diminue en Occident (36). Il est toutefois probable qu’il demeure le moyen principal de propulsion et de production d’énergie des armées dans les cinquante prochaines années, car la densité énergétique du pétrole, à complexité de mise en œuvre équivalente, est inégalée (37). Le moteur à explosion est, en outre, particulièrement adapté pour fournir la mobilité nécessaire à la conduite de la guerre (38). L’approvisionnement en pétrole devrait donc conserver une importance stratégique. Toutefois, si le prix du pétrole se stabilisait durablement au-delà des 100 à 120 $ le baril, il deviendrait rentable de produire de l’essence de substitution – à partir du charbon (39) ou du gaz, par exemple. De même, la recherche sur les carburants de synthèse pourrait apporter des solutions, même si la production sera vraisemblablement très énergivore.
On estime que le Moyen-Orient recèle la moitié des réserves mondiales de pétrole (40). Cette région du monde et la sécurité des voies d’approvisionnement sont donc cruciales pour maintenir les flux de pétrole brut vers l’aval de la chaîne de valeur, à savoir le raffinage, dont plus du tiers est assuré par la Russie, les États-Unis et la Chine, ce qui fait peser d’autres risques. Par exemple, une partie de la demande en diesel était importée de Russie, compte tenu de l’incapacité des raffineries françaises à la soutenir. Avec la guerre en Ukraine, il a fallu compenser en se tournant vers l’Inde, dont les besoins internes sont en croissance. Avec une forte demande et une offre réduite, l’impact sur les prix s’en ressent.
Gaz
Mieux réparties, les réserves de gaz se concentrent néanmoins entre le Moyen-Orient, la Russie et ses satellites (de l’ordre de 80 %). 38 % de la production mondiale est assurée par la Russie et les États-Unis. Pour cette ressource, le problème principal est son transport, assuré traditionnellement par gazoducs dont les réseaux emportent des enjeux géopolitiques majeurs (41). Le sabotage sous-marin de North Stream 2 en est un excellent exemple (42). Toutefois, le développement du transport maritime de Gaz naturel liquéfié (GNL) permet de contourner cette « géopolitique des tubes ». C’est ce qu’a réalisé l’Allemagne, en un an, pour se passer du gaz russe (43).
Uranium
La production d’uranium est dominée par le Kazakhstan (43 % en 2017) (44) mais les réserves mondiales sont relativement bien réparties, puisqu’on en trouve sur tous les continents : Afrique (Niger, Namibie, Afrique du Sud), Amérique (Canada, Brésil), en Australie ainsi qu’en Eurasie (Kazakhstan, Chine, Russie). Le Niger revêt ainsi pour notre pays un intérêt tout particulier. En cas de conflit, l’approvisionnement en uranium ne devrait pas être une difficulté pour la France, car ses alliés traditionnels en disposent (45) et qu’il est relativement simple de faire des stocks, car le combustible prend peu de place : la France dispose d’une dizaine d’années de stocks de combustibles pour ses réacteurs civils (46).
Les métaux
« Dans une guerre, il n’y a plus de grands métaux abondants ou de petits métaux critiques, puisque tous sont stratégiques » (47) titrait Le Monde le 15 avril 2022. Si dans les années 1980, nos sociétés fonctionnaient avec douze éléments du tableau de Mendeleïev, nous utilisons aujourd’hui plus de 45 métaux dans notre vie quotidienne (48). Les téléphones portables, l’électronique, notamment pour les systèmes d’armes ou l’industrie de la mobilité bas carbone, utilisent en effet, en petites quantités, ces matériaux, au premier rang desquels on retrouve le nickel, le cobalt, le lithium et les terres rares (49).
La production mondiale des six « grands métaux industriels » (50) est extrêmement concentrée. À titre d’exemple, la Chine produit les 2/3 de l’aluminium et l’Afrique du Sud près de la moitié du chrome et 40 % du manganèse (51). L’Europe, quant à elle, n’en produit aucun. Cette concentration engendre, en cas de conflit, un risque important de hausse des prix et un besoin potentiel, pour les industriels de défense, de devoir modifier leurs approvisionnements. Dès lors, l’enjeu est d’être capable d’encaisser le choc le temps que le marché se réarticule.
En 2023, la commission européenne estimait à 34 le nombre de matières premières critiques, croisant deux critères : l’importance économique et la difficulté d’approvisionnement (52).
Sur les 12 principaux métaux utilisés dans les systèmes optroniques du Rafale, plus de la moitié fait partie de ces ressources critiques, dont le cobalt produit principalement en République démocratique du Congo (78 % (53)), le tantale produit principalement au Rwanda, ainsi que le germanium, l’indium et l’yttrium produits principalement en Chine.
Au-delà de la question de la localisation des ressources, il convient de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, c’est-à-dire les compagnies minières, les raffineries, les manufacturiers et les utilitaires.
Avec l’explosion de la demande en métaux, les chaînes d’approvisionnement sont en compétition. Or, la production européenne est marginale et non centrée sur le besoin actuel. En outre, la chaîne de transformation est très concentrée, notamment en Chine (lithium, cobalt, nickel, terres rares) car la France a souhaité « délocaliser [ses] pollutions » (54). À titre d’exemple, la France raffinait des terres rares, mais plutôt que de « gérer » la radioactivité induite, la production a été abandonnée dans les années 2000.
Les Européens sont ainsi dépendants de leurs compétiteurs pour leurs approvisionnements en métaux et les chaînes d’approvisionnement sont fragiles. À cet égard, les crises se multiplient et leur fréquence augmente (55).
L’accès aux espaces communs (mer, air et Espace, espace informationnel)
L’accès aux espaces communs est une problématique parfaitement identifiée en raison de l’importance prise par les espaces cyber et extra-atmosphérique dans la vie quotidienne et du développement des capacités de déni d’accès physique déployées par la Russie et la Chine, notamment (56). Pour que demeure, dans ces espaces, le principe de liberté, les nations occidentales ont opté pour une stratégie reposant sur deux axes : maintenir ou promouvoir des règles de droit, et développer des capacités permettant de contrer les pratiques de ceux qui voudraient s’approprier ces espaces. La compétition internationale s’y exprime par le biais de l’intimidation.
Dans les champs de confrontation traditionnels, le dialogue stratégique se joue dans le déploiement de capacités de déni d’accès (bouclier anti-missile par exemple) et dans les démonstrations de puissance (raids d’avions à long rayon d’action russes, tirs de missiles balistiques par la Corée du Nord…).
Dans l’espace et les grands fonds, les Russes ont démontré (57) leur capacité à aller opérer au plus près de satellites ou câbles sous-marins, les Chinois, les Russes et les Américains ont détruit un satellite par un tir de missile (58). Les prospectivistes imaginent le futur de l’exploitation de ces milieux grâce au développement de petits réacteurs nucléaires modulaires. L’enjeu stratégique est de taille pour la France, puisque sa capacité de frappe en second repose sur la maîtrise des accès à l’espace et aux grands fonds.
Enfin, dans l’espace informationnel, parce qu’il donne accès instantanément à la quasi-totalité de la population mondiale, on ne compte plus les entreprises de déstabilisation et actions d’influence visant à façonner les esprits de l’adversaire, tels les films de propagande anti-française et pro-russe de la SMP Wagner au Sahel. L’enjeu réside dans la capacité à démontrer la vérité, ce qui revient à un combat asymétrique, car le cerveau humain est plus enclin à propager le mensonge que la vérité (59). Demain, la guerre cognitive visera directement l’intellect des cibles, la teneur et la forme des messages n’ayant déjà plus, à cause des deep fake (60), qu’une valeur relative, du fait des progrès croissants de l’IA.
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Les ressources étant finies, et y accéder coûtant parfois très cher, elles suscitent la convoitise des puissants. La « guerre » pour les ressources a-t-elle déjà été gagnée par les deux grands ? Que peuvent faire la France et l’Europe pour ne pas la perdre ?
« Quand la bise fut venue » : que faire ?
« Pour soutenir un effort de guerre dans la durée (forte consommation de munitions, attrition, etc.) le meilleur compromis est à rechercher en agissant sur trois leviers principaux : la constitution de stocks stratégiques (matériels complets mais aussi matières premières et composants critiques) ; la relocalisation des chaînes de production les plus sensibles ; et la diversification des approvisionnements (61). »
Pour se préparer à l’affrontement, il convient d’adopter une stratégie d’accès aux ressources pour garantir la capacité à encaisser le choc le temps de mettre en place une production autonome, trouver d’autres voies d’approvisionnement ou des matières de substitution.
Pour la France, il s’agit de redéfinir sa politique énergétique et sa politique minière, de mettre en place une diplomatie des matières premières et, dans le cadre des travaux sur l’économie de guerre, de prévoir le stockage des métaux nécessaires à l’industrie de défense (62). Dans le domaine des ressources humaines il convient de préparer la nation tout entière à l’éventualité d’un conflit en suscitant l’engagement de la jeunesse pour gagner en résilience.
Redéfinir la politique énergétique nationale
La prise de conscience de l’impossibilité de résoudre l’équation énergétique nationale sans revenir sur l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique français (63) devrait relancer notre politique de planification énergétique. Il y a urgence, compte tenu de l’état de nos centrales nucléaires. Les inconvénients environnementaux de chaque source d’énergie doivent être analysés de manière globale pour ne pas céder au dogmatisme des lobbies. Les questions de sécurité doivent être traitées sans compromis et en toute transparence, mais sans aversion au risque. Les initiatives privées visant à développer des mini-réacteurs nucléaires pourraient être encouragées en s’inspirant des États-Unis. Pour susciter l’innovation, le National Research Lab anime un écosystème d’entreprises en créant les conditions de la compétition : le secteur public lance un concours avec un cahier des charges ouvert afin de laisser place à l’imagination des entreprises puis fournit les installations d’essais pour une certification rapide.
En outre, pour renouer avec une politique énergétique, les recherches sur la maîtrise de la fusion nucléaire et les conditions d’un passage à l’échelle pourraient être accélérées. Toutefois, on ne fera pas l’économie de se doter de réacteurs de quatrième génération d’ici à ce que la fission fournisse notre électricité.
Enfin, si la solidarité européenne en matière d’énergie est nécessaire et sera précieuse en cas de conflit, l’indexation des tarifs de l’électricité sur le prix du gaz pourrait être revue pour prendre en compte le risque géopolitique, la récente crise énergétique ayant poussé certains États à quitter le dispositif.
Pour les armées, l’enjeu réside dans la bonne prise en compte des besoins énergétiques des systèmes militaires modernes, pour éviter l’impasse qu’ont connue les Américains lorsqu’ils ont développé le croiseur Zumwalt (64). Les armes à énergie dirigée, qui pourraient être la solution pour contrer la menace des drones et des munitions rôdeuses, demanderont un bon dimensionnement des capacités de production et de stockage d’électricité déployées en opérations. L’US Army réfléchit, par exemple, à se doter de petits réacteurs (65) transportables. Cette solution doit être confrontée à deux réalités : les compétences nécessaires et le besoin de protection. Pour le deuxième aspect, il est possible d’opter pour des générateurs à sel fondu car ils peuvent être enterrés.
Cartographier les risques et mettre en place une diplomatie des matières premières
Malgré l’emballement médiatique actuel, symbolisé notamment par la manifestation contre la bassine de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres (66), la France est un pays doté de belles réserves d’eau (67). Sa souveraineté alimentaire pourrait, en parallèle, être garantie, puisque « l’amont agricole, […] pourrait fournir 98 % de la production nécessaire pour satisfaire la demande interne » rapporte La Tribune (68) à la lecture d’une étude du think tank Utopies. En cas de conflit et en s’organisant, notre pays a donc les moyens de subvenir aux premiers besoins de sa population.
On l’a vu, les chaînes de valeur des matières premières énergétiques et des métaux sont concentrées. Pour se prémunir d’une rupture d’approvisionnement en cas de conflit, la mise en place d’une diplomatie des matières premières s’impose. Elle viserait à diversifier nos importations et à nouer des partenariats garantissant nos approvisionnements. À cet égard, l’Afrique, riche en ressources, pourrait avoir une place toute particulière. En incitant les entreprises françaises à investir en partenariat avec les pays africains pour exploiter leur sous-sol de manière raisonnée et respectueuse de l’environnement comme des populations, la France pourrait sécuriser ses approvisionnements tout en prenant une part active au développement de ce continent, enjeu majeur de ce siècle.
En matière de propulsion, les armées devront faire face à un double risque : la réduction du nombre d’entreprises européennes produisant des moteurs thermiques du fait des objectifs affichés par l’UE, et la part croissante de biocarburants utilisés par les armées américaines, ce qui risque, sans un travail normatif concerté au sein de l’Otan, de réduire l’interopérabilité des forces. Là encore, des discussions avec nos partenaires sont nécessaires pour trouver des solutions concertées. Celles-ci doivent inclure la question du raffinage pour garantir l’indépendance de l’Alliance dans ce domaine, quitte à revendre un éventuel surplus au secteur privé.
Faire des stocks
Pour encaisser le choc d’un renversement du marché, la France dispose de stocks stratégiques en hydrocarbures dont la gestion est assurée, pour la partie militaire, par le Service de l’énergie opérationnelle (SEO) – anciennement Service des essences des armées – qui sait, en outre, acheter auprès de fournisseurs étrangers et s’appuyer sur l’Otan pour délivrer du carburant aux forces.
De la même manière, il semble nécessaire de mettre en place un organisme français ou européen permettant d’acheter et de stocker les métaux dont l’approvisionnement n’est pas jugé sûr, à l’instar de ce que font les États-Unis avec leur Defence Logistics Agency, organe du Department of Defence (DOD) qui achète, stocke et revend aux entreprises américaines les métaux dont elles ont besoin (69).
Pour renforcer l’autonomie de notre industrie de défense, il conviendrait de cartographier l’ensemble de la chaîne de valeur. Or, il est extrêmement difficile d’identifier les sous-traitants de rang 3 ou 4 et de savoir où ceux-ci s’approvisionnent en matières premières. Il faut donc prendre le problème dans l’autre sens et stocker les matières qui présentent un risque identifié. Tungstène et terres rares, compte tenu de leur dépendance à la Chine sont ainsi nos vulnérabilités principales.
À la suite du « rapport Varin » (70), Vincent Donnen, économiste, observe que « le basculement de notre dépendance aux hydrocarbures en une dépendance aux métaux est en cours. […] Ces métaux sont nombreux et les différences de puretés, de formes et de spécifications de ceux-ci en font un univers infiniment plus vaste et complexe que celui des hydrocarbures ». Il propose en outre « de faire appel à des compé-tences spécifiques pour comprendre la dynamique des marchés, des innovations technologiques et gérer ces stocks » (71). Si un tel projet (72) voyait le jour, la Direction générale de l’armement (DGA) devrait être partie prenante.
Définir une stratégie minière
Au-delà, s’il fallait faire face à une impossibilité d’acheter à l’étranger, il pourrait être nécessaire de produire en France. Les besoins de l’industrie de défense pourraient être pris en compte dans la nouvelle stratégie minière appelée de ses vœux par la représentation nationale : « une nouvelle stratégie minière ne relève pas de l’utopie car on connaît bien les conditions techniques, organisationnelles, économiques, financières et juridiques du succès des investissements qu’il faut entreprendre » (73). Car notre sous-sol n’est pas aussi pauvre qu’on le pense (74).
En outre, la solution d’exploiter le gaz de schiste ne doit pas être écartée a priori, même si les conditions géologiques européennes ne sont pas toujours favorables à son exploitation (75).
Si la France s’est dotée d’une stratégie pour la maîtrise des fonds marins et développe des moyens d’intervention jusqu’à 6 000 m (soit 97 % des fonds mondiaux) à l’horizon 2025 (76), elle fait le choix de la précaution et milite pour ne pas autoriser l’exploitation des nodules polymétalliques sans étude d’impact environnemental solide. La compétition mondiale en la matière est néanmoins lancée et il semble utile de ne pas pécher par excès d’angélisme en préparant les capacités techniques permettant d’exploiter ces ressources et en ne laissant pas échapper les concessions accordées par l’Autorité internationale des fonds marins. L’adoption du « rapport Levet » (77) par le Secrétariat général pour la mer (SG Mer) démontre toutefois que ces enjeux sont bien pris en compte.
Éviter le gaspillage et recycler
Enfin, pour les matières premières non énergétiques, investir dans le recyclage permettrait d’éviter le gaspillage en réexploitant ce qu’on a déjà, et de réduire les dépendances le moment venu (15 des 17 terres rares sont présentes dans un téléphone portable ; l’aluminium peut se recycler à 90 % (78)). Cela demande des investissements suffisants pour rendre les filières rentables. C’est ce que note Franck Galland, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), pour le domaine de l’eau : « Pour faire face aux enjeux sécuritaires liés à l’eau, il faut investir massivement dans des offres alternatives : les stations de dessalement, la réutilisation des eaux usées, la recharge artificielle des nappes, la recherche de réserves souterraines… Ce qui n’interdit pas la sobriété et la réparation des réseaux avec, aujourd’hui, dans certaines parties du monde, des pertes de l’ordre de 50 % à cause des fuites… (79) »
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Toutes ces mesures ne sauraient prémunir la France de défendre ses capacités de production industrielle sur son sol et de relocaliser celles qui font défaut.
Contrer le déni d’accès aux espaces communs
Pour défendre une forme de régulation mondiale des espaces communs et continuer à y opérer en cas de conflit, il est nécessaire de développer des capacités militaires du haut du spectre dans le champ physique et de rester au meilleur niveau en matière de cyberdéfense.
Dans le domaine des télécommunications, du fait de la multiplicité des systèmes, il semble plus rentable de s’appuyer sur l’achat de services auprès d’opérateurs privés que sur des capacités militaires, en s’assurant que nos compétiteurs ne cherchent pas à créer les conditions d’un monopole. Considérant que la valeur ajoutée réside dans la donnée et pas dans le tuyau, il est nécessaire de conserver des capacités de cryptage de très haut niveau.
De la même manière, vu la croissance exponentielle du nombre de satellites d’observation, les données (visuelles, infrarouges, électromagnétiques) devraient être accessibles à faible coût dans un futur proche. C’est la capacité à compiler toutes ces données pour « sortir le signal du bruit » qui permettra de décider plus vite que l’adversaire. Ainsi, c’est dans les ressources informatiques et la capacité à vérifier ou préciser une information, par une mise en réseau de tous les capteurs nationaux, qu’il faut investir. Enfin, pour faire face à l’éventualité d’une attrition de nos capacités spatiales, il convient de cultiver la « frugalité numérique » et de maintenir des capacités et savoir-faire en matière de communications radio classiques.
Pour maintenir nos capacités de frappe en second, l’accès aux grands fonds et à l’espace extra-atmosphérique sont nécessaires. La dualité civile-militaire en matière de lanceurs spatiaux et de chaufferies nucléaires doit être conservée pour maintenir les savoir-faire industriels nationaux.
Trouver des marges de manœuvre en demandant à la jeunesse de s’engager
Pour pallier le manque d’effectifs et le besoin de sécurisation du territoire en cas de conflit de haute intensité, disposer de forces complémentaires pourrait être une solution, à l’instar de ce que fait l’Estonie en fondant sa résilience sur l’engagement au sein de sa Ligue de défense (80). Des volontaires sont entraînés à renforcer les différents services de l’État en cas de crise ou d’invasion. En France, la promotion de la phase d’engagement du Service national universel (SNU) pourrait permettre de développer des compétences en matière de défense civile pour faire face à des rétroactions sur le territoire national en cas d’engagement des armées à l’extérieur. En outre, une partie d’une classe d’âge pourrait recevoir une formation militaire pour alimenter le vivier de recrutement des armées comme celui des réserves (81). Enfin, en dirigeant vers les politiques publiques prioritaires l’aide apportée par le biais d’une année d’engagement et en demandant aux entreprises des secteurs en tension d’accueillir certains jeunes en apprentissage, il serait possible d’accroître la résilience de la nation.
Gagner la bataille du narratif
Pour mobiliser ces compétences en cas de conflit, il sera nécessaire de gagner la bataille des perceptions. Les moyens de communiquer vers les individus ne devraient pas manquer, car ce besoin sera partagé par les deux camps. C’est en revanche la capacité à conserver sa valeur à la parole publique qui fera la différence. Confiance du peuple en ses chefs et unité nationale seront les maîtres-mots. Cela ne se décrétera pas. Cela demandera de regarder la réalité en face, de dire la vérité et de transmettre la volonté de vaincre.
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Toutes ces actions s’inscrivent dans le temps long et demandent d’investir dans de nombreux domaines, la défense ne se limitant pas au seul champ militaire. Consentir à un effort de défense cohérent, et disposer des ressources nécessaires pour soutenir un engagement armé dans la durée marquent la détermination à ne pas se faire imposer une tierce volonté. En matière de souveraineté, la détention de la dette d’un État par des compétiteurs peut limiter sa liberté d’action dans le temps de la compétition ou de la contestation (82) mais devient moins contraignante en cas d’affrontement. Le moment venu, ce sont les avoirs financiers nationaux, les réserves des banques centrales (83) et le fait de disposer d’alliés qui compteront. À cet égard, les liens transatlantiques et ceux qui unissent les pays de l’UE sont précieux. Cela ne doit pas empêcher d’entretenir des partenariats en dehors de ces espaces pour éviter que nos compétiteurs n’élargissent leur sphère d’influence.
Conclusion
Préparer la guerre demande anticipation et constance, et un effort budgétaire à la hauteur des menaces, ce qui doit être considéré comme un investissement. Il est en effet plus rentable de dissuader un adversaire d’employer la force que de devoir conduire une guerre, toujours coûteuse puisqu’elle détruit, par essence, plus de valeur qu’elle n’en crée.
Face à l’incertitude du monde et la multiplicité des scénarios envisageables, il y a fort à parier que les événements continueront à nous surprendre, non pas que les crises n’auront pas été imaginées, mais qu’elles se produiront dans un espace-temps non anticipé. Il convient donc de gagner en résilience, c’est-à-dire de penser l’impensable pour être capable, le jour où nous serons surpris, d’encaisser le premier choc et d’adapter rapidement les forces de la nation pour les ordonner vers un but précis.
Si la France souhaite gagner la guerre avant la guerre, il lui faut mener la « guerre pour les ressources » dans la phase actuelle de compétition entre puissances, afin de disposer des moyens nécessaires à la conduite de la guerre. Seul un renforcement homogène de nos leviers de puissance permettra de conserver une défense cohérente, prérequis pour instiller l’idée d’une France crédible et déterminée dans l’esprit de l’adversaire, et le convaincre ainsi qu’il a plus à perdre qu’à gagner s’il tentait de contourner, par le bas, la puissance conférée par la dissuasion. ♦
(1) Culminer : avoir lancé toutes ses forces dans la bataille. Celui des deux adversaires qui culmine avant l’autre ne réussira théoriquement pas à renverser la situation.
(2) On se souviendra toutefois que le sujet de la consommation de certaines munitions a fait couler beaucoup d’encre électronique au sein du ministère des Armées. C’était à l’époque des conflits du fort au faible, dans lesquels le fort peut se permettre de doser l’effort consenti.
(3) Évangile selon Saint-Matthieu, chapitre 25, versets 1 à 13. Le passage se termine par les mots de Jésus : « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ».
(4) La Fontaine (de) Jean, « La cigale et la fourmi », Fables, 1668.
(5) EVP : équivalent vingt pieds, taille standard d’un conteneur.
(6) Agence France Presse (AFP), « L’Ever Given quitte le canal de Suez après 100 jours d’immobilisation », L’Express, 7 juillet 2021 (www.lexpress.fr/).
(7) Le prix du transport maritime de conteneurs a par exemple été décuplé. Voir « World Container Index », Infogram (https://infogram.com/world-container-index-1h17493095xl4zj).
(8) Merchet Jean-Dominique, « La “quatrième armée du monde” en lambeaux », Libération, 17 mars 2003 (https://www.liberation.fr/). En termes d’effectifs, l’armée irakienne était devenue la quatrième armée du monde, après la Chine, l’Union soviétique et les États-Unis.
(9) « Première guerre du Golfe (1990-1991) », Le Monde diplomatique (www.monde-diplomatique.fr/).
(10) Guerre de Crimée (1853-1856), seconde guerre de l’opium (1856-1860), campagne de Cochinchine (1858-1862) et campagne d’Italie (avril-juillet 1859).
(11) Blandenet Jean-Baptiste, « Que peut-on encore apprendre de la guerre de 1870 ? », Conflits, 25 avril 2020 (www.revueconflits.com/). Voir également : Crépin Annie, « Le système de défense de la France à l’épreuve de la guerre de 1870 », Chemins de mémoire, Ministère des Armées (www.cheminsdememoire.gouv.fr/).
(12) Guibert Nathalie. Qui c’est le chef ?, Robert Laffont, 2018, p. 43.
(13) D’Antoine de Jomini (1779-1869). Suisse, général de brigade, membre de l’état-major de Napoléon Ier puis d’Alexandre Ier de Russie, après avoir trahi la France. Il fut l’auteur d’un Précis de l’art de la guerre, traité enseigné dans les écoles militaires.
(14) Mots de Philippe Pétain. Les hécatombes des premières semaines de la Grande Guerre donnèrent raison à celui qui était opposé à la doctrine de l’offensive à outrance et préconisait de donner une place centrale à l’artillerie, dont l’efficacité avait été démontrée lors de la guerre de 1870.
(15) Hertig Tristan, « En Ukraine, de plus en plus d’hélicoptères russes sont abattus », RTS, 26 octobre 2022 (https://www.rts.ch/info/monde/13492719-en-ukraine-de-plus-en-plus-dhelicopteres-russes-sont-abattus.html).
(16) Quénelle Benjamin, « Le croiseur Moskva a coulé, un revers pour la Russie », Les Échos, 14 avril 2022 (www.lesechos.fr/).
(17) On entend ici « capacité » selon l’acception du domaine « capacitaire » (c’est-à-dire le « monde » des programmes d’armement). Une capacité est un matériel entretenu et soutenu, servi par des militaires entraînés appliquant une doctrine d’emploi. Le Céma est garant de la cohérence capacitaire des armées.
(18) Coutau-Begarie Hervé, Bréviaire stratégique, ARGOS 2013, 112 pages, § 49.
(19) Si au paragraphe 177, la Revue stratégique pointe que la « préservation des chaînes d’approvisionnement en matériel de défense est […] un point de vigilance », il n’est pas question de sécuriser nos approvisionnements en matières premières. Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN), Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, 2017, 111 pages (https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/174000744.pdf).
(20) Burkhard Thierry, Vision stratégique du chef d’état-major des armées, octobre 2021 (www.defense.gouv.fr/).
(21) SGDSN, Revue nationale stratégique, 2022, article 113.
(22) Au salon Eurosatory, le président de la République a annoncé l’entrée des industries de défense et de l’économie française, au regard de la guerre en Ukraine, dans une « économie de guerre ». Macron Emmanuel, « Déclaration sur les industries d’armement françaises et européennes », Villepinte, 13 juin 2022 (www.vie-publique.fr/).
(23) RNS, 2022 op. cit., art. 127 : « Enfin, la crise sanitaire et le conflit ukrainien ont montré l’importance de disposer de sources d’approvisionnement sûres et redondantes. Ainsi, des relocalisations de filière de production et de recyclage sur le territoire européen et national doivent être encouragées et soutenues pour remédier aux dépendances les plus critiques en matériaux, composants, etc. Ce sujet fait l’objet d’un travail approfondi dans le cadre des travaux sur l’économie de guerre. »
(24) Conférence au CHEM d’Alicia Kearns, Member of Parliament, Chair of the Foreign Affairs Select Commitee - House of Commons.
(25) Connue également sous le nom de « pyramide des besoins ». Le bas de la pyramide de Maslow correspond aux besoins physiologiques.
(26) Sa résistance a imposé de lourdes pertes dans les rangs russes : le chiffre de 188 000 morts côté russe, depuis le début du conflit est évoqué. Voir Coutansais-Pervinquière Amaury, « Guerre en Ukraine : la Russie va mobiliser 400 000 soldats, selon le renseignement britannique », Le Figaro, 31 mars 2023 (www.lefigaro.fr/). Cela représente près de 500 morts par jour. À ce rythme, l’armée de Terre française ne tiendrait que 6 mois (la force opérationnelle terrestre compte 77 000 hommes). Si l’on considère les pertes britanniques aux Malouines (258 morts et 777 blessés en 6 semaines de conflit), l’armée de Terre française tiendrait moins de 18 mois (sans compter les blessés).
(27) Cailleteau François, Décider et perdre la guerre, Économica, 2021, 128 pages.
(28) Mérenne-Schoumaker Bernadette, Atlas mondial des matières premières, Autrement, 2020, 96 pages.
(29) 286 bassins hydrographiques sont à cheval sur plusieurs pays, 158 font l’objet d’accords internationaux. Cela concerne 153 États (Atlas mondial des matières premières).
(30) « La sécurité alimentaire en 9 questions », Vie publique, 27 juillet 2022 (www.vie-publique.fr/).
(31) Mérenne-Schoumaker Bernadette, op. cit.
(32) Ibidem.
(33) Giraud Pierre-Noël et Ollivier Timothée, Économie des matières premières, La Découverte, 2015, 128 pages, p. 29.
(34) Sémon Adrien et Mavrommatis Eleni, « EastMed et le marché du gaz en Europe et en Méditerranée », Cahiers de la RDN, « Les enjeux de sécurité en Méditerranée orientale », juillet 2021, 112 pages, p. 102-106 (www.defnat.com/).
(35) Sauvage Grégoire, « Comment l’Arctique est-il devenu un enjeu géostratégique majeur ? », France 24, 20 mai 2021 (www.france24.com/).
(36) Parlement européen, « Tout savoir sur l’interdiction de l’UE concernant la vente de voitures neuves à essence ou à diesel à partir de 2035 », 8 novembre 2022 (www.europarl.europa.eu/).
(37) L’uranium a une densité énergétique supérieure, mais conduire une chaufferie nucléaire est autrement plus compliqué que de démarrer un moteur thermique.
(38) Le ministère des Armées lance néanmoins la production de véhicules hybrides et s’est fixé l’objectif, en matière de développement durable, de consommer mieux, moins, et sûr. Le moteur hybride pose toutefois la question de l’efficacité opérationnelle : plus lourds, les véhicules consomment davantage, et il faut développer une chaîne logistique spécifique.
(39) Les armées allemandes ont utilisé de l’essence de charbon pendant la Seconde Guerre mondiale.
(40) Les ressources sont des stocks de matières, soit mal connus, soit non exploitables à des coûts acceptables. On appelle réserve un volume de substance découvert et évalué, et dont le coût de développement est inférieur à une valeur donnée. Voir Giraud Pierre-Noël et Ollivier Timothée, op. cit., p. 25-26.
(41) L’UE importe 74 % de son gaz par gazoduc en 2019, en provenance de la Russie (31 %), de la Norvège (28 %) et de l’Algérie (5 %). La même année, le GNL représente environ 25 % du gaz importé de l’UE, en provenance du Qatar (28 %), de la Russie (20 %), des États-Unis (16 %) et du Nigéria (12 %). Voir le rapport BP Statistical Review of World Energy 2020 (www.bp.com/). Il en est fait mention dans l’Actualisation stratégique 2021 du ministère des Armées (www.defense.gouv.fr/).
(42) A. B., « Sabotage des gazoducs Nord Stream : ce que l’on sait, ce qui reste flou », L’Express, 8 mars 2023 (www.lexpress.fr/).
(43) Deboutte Gwénaëlle, « L’Allemagne met les gaz sur la construction de ses terminaux GNL », L’Usine nouvelle, 21 septembre 2022 (www.usinenouvelle.com/).
(44) Mérenne-Schoumaker Bernadette, op. cit.
(45) D’autant que les réserves australiennes représentent 30 % des réserves mondiales. Ibidem.
(46) Entretien de l’auteur avec Nicolas Mazzuchi, directeur de recherche au Centre d'études stratégiques de la Marine.
(47) Julienne Didier, Le Monde, 15 avril 2022.
(48) Entretien de l’auteur avec Nicolas Mazzuchi.
(49) Les terres rares regroupent 17 métaux : scandium, yttrium et les 15 lanthanides. Découvertes au début du XIXe siècle dans des oxydes (appelés « terres » en français) assez rares à l’époque. Ce sont en fait des métaux très réactifs qui ne se trouvent quasiment jamais à l’état pur dans la nature.
(50) Aluminium, chrome, cuivre, fer, manganèse, zinc.
(51) Mérenne-Schoumaker Bernadette, op. cit.
(52) Commission européenne, Study on the Critical Raw Materials for the EU 2023 Final Report.
(53) En 2021. Voir « Principaux pays producteurs de cobalt dans le monde de 2013 à 2021 », Statista (https://fr.statista.com/statistiques/565284/cobalt-production-miniere-par-pays-principaux/).
(54) Entretien de l’auteur avec Nicolas Mazzuchi.
(55) 2010 : crise des terres rares qui conduira le Japon à se tourner vers une nouvelle chaîne de production impliquant l’Australie et la Malaisie. À cette époque, la France se dote du Comité de transformation des métaux stratégiques. 2014 : crise de l’aluminium après la mise sous sanction d’un oligarque russe. 2020 : l’arrêt des échanges lié à la crise de la Covid-19 induit une forte hausse des prix. 2021 : l’échouement de l’Ever Given induit une augmentation des prix. 2022 : la guerre en Ukraine engendre une crise sur le titane (2 mines en Ukraine).
(56) Actualisation stratégique 2021, p. 18 : « La globalisation de la compétition implique également l’extension des champs de confrontation, en particulier dans les domaines qui se prêtent aux agressions ambiguës. Le cyber et l’espace constituent désormais des champs assumés de rivalité stratégique permanente, voire de conflictualité ». « Dans ces espaces de confrontation sans frontières, identifiés dans la RS 2017, la Chine et la Russie sont les plus actives, mais des puissances régionales se montrent également virulentes et profitent de l’accessibilité inédite du spatial comme du faible coût de certains modes d’action dans le cyberespace, souvent via des groupes non-étatiques affiliés ».
(57) AFP, « La France accuse la Russie de tentative d’espionnage par satellite », Le Monde, 7 septembre 2018 (www.lemonde.fr/).
(58) Tir anti-satellite américain le 13 septembre 1985, tir chinois en 2007, tirs russes en 2015 et 2021.
(59) Levitin Daniel. Neurologue. Université McGill. « Notre cerveau est quasiment fait sur mesure pour croire aux fausses nouvelles ».
(60) Deep fake : « hyper trucage », enregistrement audio ou vidéo réalisé ou modifié grâce à une intelligence artificielle.
(61) RNS 2022, op. cit., art. 122.
(62) Ces propositions ont été faites dès 2016. Voir : Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Les enjeux stratégiques des terres rares et des matières premières (Rapport), 19 mai 2016, 197 pages (https://www.senat.fr/rap/r15-617-1/r15-617-11.pdf).
(63) Mazzucchi Nicolas : « En France, une centrale nucléaire fonctionne 85 % du temps, une éolienne 24 % ». Conférence au CHEM.
(64) Zumwalt : classe de croiseurs américains furtifs et fortement automatisés conçus pour le bombardement de cibles à terre, en remplacement des cuirassés de la classe Iowa. L’explosion des coûts de développement de ces bâtiments ont conduit l’US Navy à n’en construire que trois sur les sept prévus, sans qu’ils ne soient totalement opérationnels.
(65) Les Small Modular Reactors (SMR) sont des réacteurs nucléaires d’une puissance inférieure à 300 MW électrique selon la définition de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
(66) Parmentier Audrey, « Méga-bassines : pourquoi Sainte-Soline est au cœur des tensions ? », L’Express, 25 mars 2023 (www.lexpress.fr/).
(67) Woessner Géraldine, « Le vrai scandale de l’eau », Le Point, 16 mars 2023 : « Les ressources dont disposent la métropole suffisent largement à couvrir ses besoins : environ 30 milliards de mètres cubes sont prélevés chaque année sur les 180 à 200 Md de mètres cubes d’eau utile transitant sur le territoire. »
(68) Gamberini Giulietta « Autonomie alimentaire : la France pourrait satisfaire plus de 100 % de ses besoins (contre 60 % aujourd’hui) ». La Tribune, 26 avril 2022.
(69) Le Japon a fait le même constat en créant le JOGMEC, fusion de la Japan National Oil Corporation et la Metal Mining Agency of Japan.
(70) Varin Philippe, Investir dans la France de 2030 (rapport), Ministère de la Transition écologique, 10 janvier 2022 (www.gouvernement.fr/).
(71) Donnen Vincent, « Vers une ère métallisée : renforcer la résilience des industries par un mécanisme de stockage stratégique de métaux rares », Note de l’Ifri, mai 2022.
(72) L’idée défendue ici rejoint le projet porté par Thierry Breton, le niveau européen semblant adapté à l’enjeu, avec un point d’attention : que la défense ne soit pas oubliée.
(73) Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, op. cit.
(74) Le Bureau de recherche géologique et minière travaille à la mise à jour de la cartographie.
(75) En 2012, les réserves exploitables de gaz de schiste en Pologne se sont révélées bien moindres qu’escompté. Voir Pinon Xavier, « Gaz et pétrole de schiste : intérêts économiques et impact sur l’environnement », 14 février 2023 (https://selectra.info/energie/guides/environnement/gaz-schiste).
(76) Stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins, février 2022, 53 pages (www.defense.gouv.fr).
(77) Levet Jean-Louis, Stratégie nationale d’exploration et d’exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins, 2020.
(78) Entretien de l’auteur avec Nicolas Mazzuchi.
(79) Pilleyre Jérôme (propos recueillis par), « L’eau, une source potentielle de conflit dans le monde », La République du Centre, 22 mars 2023.
(80) « Estonian Defence League » (https://www.kaitseliit.ee/en/edl).
(81) Pour mémoire, l’objectif est de doubler la réserve des armées (pour atteindre 80 000 réservistes) en 2030. Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 (https://www.calameo.com/read/00055811576cd50d2a57c).
(82) Le triptyque « compétition, contestation, affrontement » a remplacé, sous l’impulsion du Céma, le traditionnel « paix, crise, guerre » pour décrire les relations géopolitiques actuelles.
(83) La banque de France dispose de la quatrième réserve d’or du monde (plus de 2 400 t soit 100 G€).