Décédée le samedi 5 août 2023 paisiblement, selon sa famille, à l’âge de 94 ans, Hélène Carrère d’Encausse a été une fidèle contributrice de la RDN ⁽¹⁾ avec un premier article publié dès mai 1957, traitant de la pénétration soviétique au Moyen-Orient, alors qu’elle commençait sa carrière universitaire et qu’elle était encore inconnue des médias. D’où le grand intérêt des textes qu’elle a fourni à la Revue et qui, au fil des années, montrent l’évolution du système géopolitique imposée par l’URSS tant sur son territoire que sur ses pays voisins.

Certes, son intime connaissance de la Russie et de son histoire lui a permis de voir les failles du marxisme-léninisme et de son incapacité à moderniser l’espace russe autrement que par l’imposition des diktats de Moscou par la violence, notamment sous Staline. Un empire trop grand, trop fragmenté ethniquement et soumis à des influences centrifuges ne pouvait fonctionner que par la force et la contrainte.

L’éclatement de cet empire prend ses racines dans cette complexité avec une société qui a toujours subi son sort au gré de minorités agissantes ou de groupes politiques accaparant le pouvoir, hier les Bolchéviques, aujourd’hui, le système mis en place par Vladimir Poutine depuis le début des années 2000. Et si, effectivement, Hélène Carrère d’Encausse a bien vu les failles grandissantes de l’URSS de Brejnev – celui-ci cherchant d’abord à préserver l’immobilisme du pouvoir du Parti communiste –, elle a vu dans l’actuel Président russe, celui qui avait permis le redressement d’une Russie en plein naufrage. Et il est vrai que le bilan de Vladimir Poutine était plutôt flatteur jusqu’à la date funeste du 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine. D’où d’ailleurs la gêne grandissante du Secrétaire perpétuel de l’Académie française au fil des mois d’une guerre illégale et injuste imposée par un Vladimir Poutine voulant réécrire l’histoire de l’Empire russe.

Au-delà de cette évolution négative de Moscou et de cette fuite en avant, les textes rassemblés ici permettent de relire cette histoire séculaire et donc de comprendre – en partie – le fiasco actuel.

Hélène Carrère d’Encausse a largement participé à mieux appréhender l’URSS de la guerre froide mais aussi la transition vers une nouvelle Russie, qui se sentait toutefois humiliée de sa défaite géopolitique. De 1957 jusqu’en 2017 avec son dernier article, soit sur soixante ans, c’est une observatrice passionnante et passionnée qui nous a donné des clés de compréhension et d’analyse de l’Empire russe. ♦

(1) Hélène Carrère d’Encausse a, par ailleurs, été membre du conseil d’administration du Comité d’études de défense nationale (CEDN), éditeur de la RDN, de 1998 à 2003.