Russie : la confiance retrouvée
« La disparition de l’URSS est la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle. » Ce propos de Vladimir Poutine aura été compris hors de son pays comme l’expression d’une nostalgie, voire du regret pour l’Empire disparu. Parfois même comme une allusion à l’action future. Ces interprétations excessives négligent l’essentiel, le désarroi du Président russe devant le nouveau paysage politique, une Russie dévastée, livrée au chaos intérieur et inexistante sur le plan international. En 2017 ce discours appartient au passé. Ce que dit désormais Vladimir Poutine, c’est la confiance que lui inspire le redressement russe, particulièrement sur la scène du monde où le pays a retrouvé son statut de puissance.
Pour comprendre ce passage du désarroi à la confiance retrouvée, il n’est pas inutile de considérer les objectifs que se fixe la Russie dans le domaine international, et leur hiérarchie. Ils figurent dans « la définition de la politique étrangère de la Fédération de Russie » approuvée par le Président russe et rendue publique le 30 novembre 2016. Premier domaine de l’intérêt national russe, « l’Étranger proche », terme forgé en 1991 pour définir l’ensemble des États souverains issus de l’Empire soviétique et séparés de la Russie par la « catastrophe géopolitique ». Ensuite, la Communauté des États indépendants (CEI) définie par Boris Eltsine comme la forme institutionnelle de l’Étranger proche, puis la Communauté économique eurasiatique. Les relations avec le monde occidental viennent en quatrième position, suivies par l’ensemble de l’Arctique et la zone Asie-Pacifique et ensuite seulement par le Moyen-Orient.
L’assurance que manifeste désormais Poutine tient au constat que le bouleversement de l’équilibre mondial des dernières années a ouvert aux ambitions russes de nouvelles possibilités. Tout d’abord, le monde unipolaire qui avait succédé à la guerre froide, et où la Russie n’avait pas trouvé place, a disparu, il a été remplacé par un monde multipolaire, caractérisé par l’irruption de la Chine, de l’Inde et d’autres pays d’Asie. La puissance n’est plus seulement américaine ou occidentale. Cet élargissement du monde à l’Asie a entraîné en Russie un changement d’orientation géopolitique lié à une perception nouvelle de sa nature, de son statut international et de ses intérêts. Depuis l’ouverture de la Russie sur l’extérieur, il y a plus de trois siècles, elle s’était toujours perçue comme pays situé aux confins de l’Europe, dont la vocation était de se rapprocher de l’Europe et de s’européaniser. Cette conception a été bousculée par l’entrée en scène de l’Asie, et à une préhension nouvelle du monde occidental, celle d’un monde en crise. Cette réévaluation qui concerne particulièrement l’Europe – incertaine aujourd’hui de son identité, de sa culture et de ses racines – a eu pour conséquence le basculement de la diplomatie russe vers l’Asie. Dans un premier temps, au début du siècle et dans les premiers mandats de Vladimir Poutine, ce fut une réorientation surtout tactique, moyen de chantage sur l’Occident. Désormais, la Russie assume aussi son destin, sa nature asiatique. La partie asiatique du pays, longtemps considérée comme un « boulet », un monde barbare, est perçue comme une chance. C’est sur elle que la Russie prend appui pour se réorienter, accepter un destin asiatique et se développer. La Russie a trouvé en Asie un partenaire qu’elle a longtemps cru lui être un dangereux concurrent, que Staline lui-même craignait, c’est la Chine. Ce pays est aujourd’hui pour la Russie un grand partenaire économique et un grand investisseur. Moscou et Pékin qui, il y a peu encore, se défiaient autour de projets grandioses, la Route de la soie des Chinois et la Communauté économique d’Eurasie portée par Moscou cherchent désormais à les combiner et à coopérer.
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