C'est une réflexion sur le commandement au sens plein du terme qui est proposée ici, avec les contraintes qu'impose le nouvel environnement de défense qui l'on fait lentement dériver vers le management. La complexité de la conduite des organisations actuelles requiert des chefs militaires qui avec lucidité et caractère organisent la confiance.
Les relations difficiles du commandement et du management
Gouvernance : le mot est à la mode car même s’il a une origine vieux-française, il a été réintroduit par l’usage anglo-saxon. Or, il faut bien constater la réticence qu’il suscite chez beaucoup d’officiers, qui voient dans ces choses plus des figures imposées que des aides réelles au commandement. Surtout, l’opinion courante affirme régulièrement que « commandement et management, ce n’est pas la même chose ». Je ne cache pas que je l’ai longtemps dit, comme beaucoup. Et cela reste en partie vrai. Il reste qu’il faut un peu creuser les choses et aller au-delà de la formule, certes rassurante, mais qui ne convainc pas toujours le civil. Force est de constater que la pratique du commandement a radicalement évolué et se présente, dans une majorité de cas, comme du management.
Au fond, il faut revenir aux sources et bien distinguer le commandement des hommes (à la guerre, à la paix) et le management des organisations qui accompagne cette continuité. Ce travail analytique a été peu conduit, il paraît pourtant essentiel pour apprécier le rôle du chef dans les environnements complexes.
La plénitude du commandement s’est évanouie
À l’origine était le rapport Bouchard (1). Ce rapport d’un député, en prélude à la loi de 1882 sur l’administration de l’armée, examinait les raisons de la défaite ignominieuse de 1870. Comment en effet concevoir qu’une armée, élevée aux principes napoléoniens tout au long du XIXe siècle, ait pu déchoir à ce point ? De ce moment-là date la création de l’École de guerre, décidée afin d’imiter le modèle allemand qui avait montré ses vertus (2). Mais la loi de 1882 a surtout posé un principe essentiel, qui a sous-tendu l’organisation des armées pendant plus d’un siècle, celui de la « subordination des services au commandement ». De là vient l’autonomie organique des armées, de là vient la « plénitude du commandement » qui confiait au chef de corps l’autorité sur l’ensemble des services administratifs et pas seulement sur les opérations. Cela entraînait que les colonels, dans leurs garnisons, devaient s’occuper non seulement de l’entraînement mais aussi de matières « vulgaires » comme l’administration, les finances ou l’infrastructure.
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