Le Commonwealth britannique et la guerre
Il y a peu de mots dans le domaine des relations internationales qui soient susceptibles d’interprétations aussi variables que le mot « empire ». Chacun, selon son parti ou sa nationalité, y enferme un contenu idéologique divers et souvent contradictoire. L’une des difficultés initiales que l’on éprouve à comprendre l’Empire britannique vient précisément de ce que l’étiquette d’« empire » n’est plus que la survivance verbale d’un passé entièrement révolu. Mais les Anglais sont traditionalistes et c’est pourquoi ils continuent de désigner sous le nom de « British Empire » ce qui n’est plus en réalité que le « British Commonwealth of Nations », en d’autres termes, la mosaïque de territoires administrés par le Royaume Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande ou par les Dominions : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Union Sud-Africaine et Eire. Cet ensemble bigarré comprend des États indépendants (ceux que nous venons de citer), des États semi-indépendants comme l’Inde, la Birmanie, la Rhodésie, et enfin ce que l’on appelle l’« Empire dépendant », vaste agrégat de catégories hétérogènes : colonies de la couronne, protectorats ou territoires sous mandat.
L’indépendance des Dominions — jadis colonies de peuplement — a été le fruit d’une lente mais irrésistible évolution. Le mémorandum Balfour, de 1926, puis surtout le statut de Westminster de 1931, ont sanctionné une autonomie consacrée par les faits en reconnaissant au gouvernement de ces peuples la souveraineté complète sur leur territoire, et à leur Parlement une pleine et décisive autorité dans tous les domaines de l’existence nationale. En théorie, comme en pratique, les Dominions sont libres ; ils ne sont « britanniques » que par certains éléments de leur population et par leur intégration au « British Commonwealth of Nations ». Plusieurs, l’Australie et l’Union Sud-Africaine par exemple, sont même des puissances coloniales.
À côté de ces pays arrivés, semble-t-il, au terme de leur évolution politique, l’Empire britannique comprend des États semi-indépendants, ou plus exactement à mi-chemin de l’indépendance. Le plus représentatif d’entre eux est l’Inde qui, avec son immense territoire, ses 400 millions d’habitants, constitue un empire à elle seule. Elle a un système de gouvernement extrêmement complexe, né de la variété de sa population où se mêlent Hindous de toutes castes et mahométans irréductibles, né aussi de la diversité des régimes qui y coexistent : les onze provinces de l’Inde anglaise, unies en un Gouvernement fédéral, n’englobent que les trois quarts des habitants, un quart se trouvant dans les États sous protectorat des souverains locaux. La vie de cet assemblage hétéroclite a été réglée par l’Acte du gouvernement de l’Inde de 1919, premier pas vers une démocratisation du pays, lequel a mis entre les mains des indigènes une partie du pouvoir et accordé dans la substance, sinon dans la forme, la plupart des principes essentiels du statut de Dominion. À partir de cette date, par exemple, l’Inde a joui d’une complète autonomie fiscale et obtenu un siège à la Société des Nations. Un nouvel Acte, en 1935, a largement étendu ces avantages ; il n’a malheureusement pas pu être entièrement appliqué à cause des difficultés suscitées par le « Parti du Congrès », le manque de cohésion entre l’Inde anglaise et les protectorats et les exigences de la guerre. Cet Acte créait des gouvernements responsables dans les provinces et un gouvernement fédéral souverain, sauf en ce qui concerne les affaires étrangères. En fait, le pouvoir se trouvait réparti entre les fonctionnaires anglais, les assemblées indigènes et les autorités communales. Compromis temporaire que les deux parties souhaitaient voir cesser, mais grâce auquel la vie du pays a réussi à être assurée, par l’aménagement des transports et l’organisation d’une industrie en pleine extension.
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