Union française - La situation en Afrique du Nord - La réorganisation de l'Afrique occidentale française (AOF) et de l'Afrique équatoriale française (AEF)
Afrique du Nord
Algérie
Le démantèlement des organisations du Front de libération nationale (FLN) s’est poursuivi au cours du mois de mars 1957 grâce à de nombreuses arrestations tant en Algérie que dans la métropole. Les milieux musulmans les plus divers ont été touchés par ces arrestations, et on a pu constater à cette occasion que la rébellion avait gagné à sa cause une partie importante de l’élite intellectuelle musulmane.
Les embuscades se sont multipliées et ont fait des victimes dans les rangs de nos forces ; cependant les engagements militaires ont continué à tourner à l’avantage de nos troupes et les pertes rebelles ont été sévères. L’action de la police, et particulièrement à Alger celle des parachutistes du général Massu, la création d’un dispositif de protection urbaine associant des civils requis aux forces de sécurité pour la protection de la population ont fait reculer le terrorisme dans les agglomérations.
À l’Assemblée nationale, au cours du débat de politique générale qui a duré du 20 au 29 mars 1957, des craintes se sont exprimées et de vives critiques n’ont pas été épargnées au Gouvernement. Les partis modérés, tout en approuvant la politique militaire du Gouvernement, refusent d’entériner les « engagements » moraux qu’il a pris à la dernière Assemblée générale des Nations unies, et dénoncent la déclaration gouvernementale du 9 janvier 1957. Les partis de la majorité s’inquiètent de voir le Gouvernement s’immobiliser dans la position définie depuis plusieurs mois, cessez-le-feu et élections libres, et réclament des mesures nouvelles dans le domaine politique. Enfin, une partie de l’opinion publique s’agite et se pose des cas de conscience au sujet des méthodes employées dans la pacification et la lutte contre les leaders politiques du FLN : l’inculpation de M. Servant-Schreiber et la demande du général de Bollardière d’être relevé de son commandement ont illustré à la fin de mars le malaise que fait peser sur les consciences la prolongation du conflit. Ce malaise existe aussi chez les musulmans, et les officiers musulmans servant dans l’armée française l’ont exprimé par une lettre au Président de la République.
M. Lacoste, ministre-résidant, a défendu à la Chambre la politique algérienne du Gouvernement et s’est déclaré convaincu que la pacification aura fait un pas décisif dans les trois mois qui viennent. La majorité restreinte dont a bénéficié le Gouvernement lors du vote de confiance du 29 mars (221 voix contre 181 et 110 abstentions) lui fait obligation d’obtenir pendant ce délai des résultats substantiels.
Tunisie
La convention judiciaire franco-tunisienne a été paraphée le 9 à Tunis. Le même jour était signé un accord concernant le statut du personnel enseignant, le contrat-type qui sera proposé aux fonctionnaires français et la liste de ceux qui seront remis à la disposition de la France.
La fête de l’indépendance tunisienne a été célébrée le 20 mars. M. François Mitterrand, garde des Sceaux, y représentait le gouvernement français. Le ministre français fut contraint de quitter Tunis avant la fin des cérémonies, les chefs algériens du FLN ayant été admis dans les tribunes officielles, contrairement aux assurances données.
M. Bourguiba s’est entretenu avec les chefs des rebelles algériens et semble avoir cherché à les amener à une acceptation des élections libres proposées par le gouvernement français. Ses efforts n’ont cependant pas été couronnés de succès : le porte-parole du FLN a en effet, dans une déclaration publique, réaffirmé que le FLN exigeait une reconnaissance par la France de l’indépendance de l’Algérie avant toutes conversations.
Maroc
Revenant d’Accra, où il a assisté aux fêtes de l’indépendance, M. Balafrej, ministre des Affaires étrangères du Maroc, a affirmé, au cours d’une interview donnée à Dakar, que son pays n’avait aucune visée expansionniste. Cependant, M. Allal el Fassi poursuit dans la presse sa campagne en faveur du « Grand Maroc ».
L’affaire des officiers français capturés par les bandes incontrôlées du Sud marocain a été portée devant l’opinion publique par le colonel Bourgoin, ancien chef des parachutistes de la France libre, et devant l’Assemblée nationale par de nombreux parlementaires. Le sultan du Maroc et son gouvernement ont compris, devant l’émotion française, que leur prestige se trouvait en balance dans cette affaire, et le 30 mars 1957, le lieutenant Perrin était rendu aux autorités françaises ; aucune certitude n’a pu être obtenue concernant le sort du capitaine Moreau.
Afrique noire
Le décret pris en application de la loi-cadre et réorganisant l’Afrique occidentale française (AOF) et l’Afrique équatoriale française (AEF) a été adopté définitivement le 2 mars 1957 par l’Assemblée nationale. Les territoires de l’AOF et de l’AEF sont dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière ; leurs institutions comprennent désormais un chef de territoire, un conseil de gouvernement, une assemblée territoriale. Toutefois « afin de coordonner leur action en matière économique, financière, sociale et culturelle et de développement et de gérer leurs intérêts communs, les territoires sont formés en deux groupes qui sont dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière » ; les institutions des groupes comprennent un chef de groupe de territoire et une assemblée dite grand conseil.
La réorganisation de l’AOF et de l’AEF aboutit en fait à une décentralisation politique et à une déconcentration administrative, les assemblées territoriales voyant d’autre part s’accroître leurs attributions. ♦