John Doe, notre frère. Jeux et destins des USA
L’auteur est français, devenu américain d’adoption. Il a vécu plus de trente années aux États-Unis en véritable Américain. John Doe, c’est le Jacques Bonhomme des Français : c’est donc l’Américain moyen, l’homme de la rue. Par-dessus ce symbole, l’auteur entreprend un tour d’horizon critique de la société, du gouvernement, de la politique, de l’orientation des esprits, des goûts, des mœurs, de l’American Way of Life en un mot, si chère aux cœurs des citoyens des États-Unis. Les jugements sont sévères. L’on sent cependant que le sentiment moteur est une grande déception, faisant suite à une admiration déçue.
Sur le fond, l’auteur reprend quelques-uns des thèmes évoqués par Duquel dans ses scènes « des temps futurs », mais plus largement développés. Bien des appréhensions, des regrets, des craintes font aussi écho aux observations si pertinentes de Siegfried. Aussi bien, pour ne pas risquer de trahir ses intentions, préférons-nous lui donner la parole et le laisser fixer lui-même l’esprit, la portée et les limites de son étude.
« …Nul doute que l’auteur de John Doe doive s’attendrir toujours sur les images qu’il garde des villages américains où il vécut, où subsistait une atmosphère coloniale charmante et d’authentique noblesse, villages qui étaient beaux d’une beauté un peu rude mais si humaine datant d’avant “l’American Way of Life”, villages où la vie était dominée par l’esprit de bon voisinage et de bienveillance. Pourquoi n’avouerait-il pas même avoir aimé jusqu’aux sinistres métropoles de fer, de briques et de vacarme où il dut travailler ? Personne enfin mieux que lui ne sait qu’il existe aux États-Unis des cœurs loyaux, sincères, généreux…
« On peut, tout en chérissant un peuple, juger mauvais son gouvernement (visible ou occulte), à raison de telle philosophie pernicieuse et de tel mode de vie corrupteur qu’il lui aurait imposé. Et ce n’est pas être injuste, ni malfaisant envers le peuple américain que de penser que, mal guidé, il fait fausse route et qu’il y a danger pour d’autres à le suivre.
« Le présent livre n’est pas un pamphlet anti-américain. Ceux qui croiraient le contraire se tromperaient. Il s’agit essentiellement de la relation ou du compte rendu, par un ami de l’Amérique, d’une longue expérience américaine. L’auteur avait cru à vingt ans, qu’en Amérique l’homme s’était épanoui tel une fleur heureuse. Ce n’était que légende. Mais il sait qu’on ne tue pas les légendes et il pense qu’on ne doit pas y porter atteinte. Il subsistera encore longtemps une légende américaine. Nul doute que celle-ci ne survive au présent témoignage. Mais nous voudrions, si c’était possible, que cette légende redevint belle. »
Il n’est pas possible de lire John Doe sans être tenté de donner aux considérations de Per Klemgan une portée universelle. Ce ne sont plus les États-Unis dont il s’agit. C’est une de ces civilisations de la haute histoire, arrivée au sommet de sa course. Les raisons de son ascension vertigineuse vont-elles se retourner contre elle et devenir les éléments de son effondrement ? Nous assistons à l’une des phases de la vie cyclique des grandes collectivités humaines. Que l’on y prenne garde d’ailleurs, les mêmes menaces pèsent sur nous ! N’entend-on pas déjà dans le lointain le piétinement des foules primitives, fortes d’être restées plus près de la nature, qui se rassemblent, prêtes à venir planter leurs tentes sur les ruines de nos usines, de nos laboratoires, de nos musées ?.. ♦