Limitation des armes à grand pouvoir de destruction
Réussissant à contrôler de plus en plus étroitement les effets destructeurs des armes nucléaires, les techniciens de l’atome créent une situation nouvelle. Progressivement, serait rejeté dans le passé le dilemme maintes fois évoqué au cours de ces dernières années : ou la guerre généralisée avec usage indiscriminé de quantités considérables de projectiles nucléaires, ou la concession, voire la capitulation. Sans recourir, comme en Corée, à d’importants effectifs, il serait maintenant possible de proportionner l’ampleur des moyens de combat à la nature des conflits. Il serait fait plein usage du nouvel explosif — désormais contrôlé dans ses effets — pour réduire le nombre des combattants tout en disposant d’un pouvoir de destruction à la mesure de la lutte.
À l’Ouest, les nations possédant des armes nucléaires cherchent naturellement à exploiter les possibilités qui leur sont ainsi offertes. D’une part, le « contrôle » s’exerce sur les effets de « fall out », ainsi que l’a annoncé, en juillet dernier, l’amiral Strauss, président de la Commission de l’énergie atomique américaine. D’autre part, il semble que la gamme des projectiles nucléaires disponibles s’élargirait à la fois dans le domaine des grandes et des petites puissances, autorisant ainsi une certaine adaptation des effets de destruction à la dimension des objectifs. Cela signifie que la césure entre l’explosif nucléaire et l’explosif moléculaire classique diminue et que le premier deviendrait utilisable là où il apparaissait que seul le second l’était. Sinon dans une même proportion que l’accroissement de la puissance de feu fournie par la fission ou par la fusion de l’atome, du moins dans une large mesure, des réductions d’effectifs apparaissent alors réalisables. Des économies sont escomptées tandis qu’un important potentiel humain se trouverait libéré qui pourrait être affecté à d’autres tâches. Ainsi la sécurité, sous toutes ses formes, qu’il s’agisse d’un enjeu vital ou d’une action seconde, se trouverait acquise à meilleur compte, et selon une forme particulièrement séduisante pour le monde occidental, puisqu’elle serait fondée sur l’exploitation de toutes les ressources de la science et de la technique et qu’elle limiterait la part du combattant, du moins en ce qui concerne le nombre.
Au cours du mois de juillet — mais avant la nationalisation du canal — la presse annonçait une révision des conceptions sur lesquelles la Grande-Bretagne avait fondé son organisation militaire et faisait allusion aux projets du gouvernement tendant à limiter à deux grandes unités terrestres les forces britanniques stationnées sur le continent. Le « Monde » du 20 juillet écrivait : « L’impression générale (aux États-Unis) est que M. Dulles a confirmé la profonde tendance de l’administration de s’en tenir à la stratégie dite des « représailles massives » mais « sélectionnées ». Le Secrétaire d’État a pratiquement repris hier de vieux arguments selon lesquels le développement technologique dans le domaine des armements devait permettre aux États-Unis d’intervenir dans les guerres locales sans avoir à utiliser des armes de destruction massive. L’usage des armes atomiques tactiques doit compenser… la faiblesse numérique de l’Occident ».
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