N.-B. — Cet article a été écrit avant les derniers événements d’Algérie. Quels que soient les sentiments que l’on porte sur ceux-ci, il est évident qu’ils ont été, dans une large mesure, le résultat de la crise morale de l’Armée, et c’est pourquoi cet article contribuera à les expliquer dans leurs causes profondes.
Notes sur les fondements d’une doctrine de Défense nationale
L’intégration de la Défense Nationale dans les préoccupations majeures des gouvernements qui se succèdent au gré des fluctuations parlementaires n’a pas encore été réalisée, aussi paradoxal que cela puisse paraître, eu égard aux tâches défensives que nous devons assumer outre-mer et à notre appartenance à l’alliance atlantique. Voilà un des faits essentiels dont il faut tenir compte pour étudier le problème central de notre politique militaire. Est-ce à dire que les questions de Défense Nationale ne recueillent pas l’attention qu’elles méritent ? Il serait sans doute injuste de l’affirmer : mais s’intéresser à la Défense Nationale est une chose, poser correctement les problèmes qui la concernent en est une autre. La question essentielle — la seule, à vrai dire, qui se projette sur l’avenir — se situe au-delà des discussions sur le montant des crédits militaires ou sur le volume des effectifs, quelle qu’en soit pourtant la signification. Il ne suffit pas, pour la poser, de disserter sur « le malaise de l’armée » en optant pour les facilités de l’anecdote. En effet la « question essentielle » met en jeu, simultanément, ce qu’est la Défense Nationale, ce que l’on pense d’elle dans les différents milieux dirigeants, la manière dont on considère ses liaisons avec les autres secteurs de la vie nationale, etc…
Notre but, dans le présent article, n’est pas de prendre parti dans certaines des controverses présentes, mais d’esquisser les fondements sur lesquels devrait, pour être cohérente, reposer une politique de Défense Nationale, donc de préciser les bases conceptuelles à partir desquelles devraient être étudiées les possibilités, élaborées les décisions, tendues les volontés. En effet un problème, en quelque domaine que ce soit, ne peut recevoir une solution convenable que si ses éléments initiaux ont été précisés correctement, en eux-mêmes et dans leurs liaisons organiques.
Il nous paraît assez significatif qu’à peine installé dans ses fonctions, chaque nouveau ministre laisse entendre qu’il faut réformer les structures, poser la question des choix. Il se peut que dans certains cas des considérations personnelles entrent en jeu — tout « plan » doit avoir un auteur ! — mais si l’on revient constamment à des discussions sur les structures, si celles-ci alimentent les controverses, deviennent périodiquement l’objet de polémiques, c’est précisément parce que l’opinion publique et les milieux politiques ont le sentiment que les solutions adoptées jusqu’ici ne répondent pas aux impératifs, que notre potentiel défensif n’est pas ce qu’il devrait et pourrait être, sur le plan des idées et sur celui des moyens.
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