La deuxième génération des engins balistiques (II)
Les engins balistiques soviétiques en service, comme les engins balistiques américains en construction de série ou en essais, sont l’extrapolation des V-2 allemands. On en a perfectionné, et certainement de façon remarquable, le dispositif de guidage ; on a conservé le système de propulsion à liquides ; on a rejeté le principe de l’engin semi-balistique qui, sans l’armistice, allait donner la première solution du bombardement intercontinental. Nous avons essayé de montrer dans un premier article que le relèvement des rayons de destruction ôtait presque tout intérêt à la précision du dispositif de guidage, que la propulsion par poudre surclassait la propulsion par liquides, enfin que la trajectoire semi-balistique de Sänger et Bredt doublait la portée pour une même vitesse en échappant à tous les risques d’interception qui menacent l’engin balistique pur. La série des crash program américains pour une deuxième génération d’engins balistiques, depuis les engins à poudre transposés du Polaris jusqu’à l’unmanned bomber qui sera l’engin semi-balistique, visent à réparer ces erreurs.
Faut-il en conclure que l’influence des techniciens allemands, celle des chefs qui ont été embauchés par l’U.S. Army comme celle de leurs ex-subalternes qui ont dû se contenter de travailler en U.R.S.S., a été néfaste ? On se gardera bien de déprécier l’œuvre des derniers, qui ont contribué à équiper les forces soviétiques d’une arme dont on peut mesurer l’importance au dispositif d’alerte qu’elle impose au Strategic Air Command. Et comment imputerait-on à von Braun et à ses collaborateurs la responsabilité de n’avoir pas mieux défendu l’U.S. Army dans la bagarre perpétuelle qui dresse aux États-Unis depuis treize ans les trois armées de Terre, de Mer et de l’Air ? Si l’on en juge par les précédents du cuirassé et du char, treize ans n’étaient pas de trop aux techniciens germano-américains pour convaincre les responsables d’une organisation militaire que le sous-marin porteur d’engins balistiques est le capital-ship de demain, et que le chasseur-bombardier supersonique équipé d’un engin air-sol aurait pu dispenser depuis dix ans de toute construction de bombardiers lourds.
Mais le succès actuel de l’engin balistique sol-sol ne justifie pas la naissance d’une nouvelle religion dont les rites seraient aussi démodés dans quelques années que peuvent l’être aujourd’hui le char lourd et le porte-avions stratégique.
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