Le général Raymond Duval : 1894-1955, par un témoin de sa vie
Le 22 août 1955, le général Duval, commandant supérieur des troupes du Maroc se tue, aux commandes de son avion de liaison. Nous sommes au surlendemain de la tragédie d’Oued-Zem et de Kourigba. Il venait prendre contact avec ses troupes et avec la population, profondément troublée et inquiète. Ainsi disparaît, dès l’origine d’une période décisive pour le Maroc sous mandat français, un de ceux dont les hautes qualités humaines pouvaient peut-être infléchir le proche avenir.
C’est « un témoin de sa vie » qui, dans cette plaquette, trace une esquisse du portrait du disparu et évoque les grandes étapes de son existence. Dans des termes où l’on sent l’intervention du cœur autant que du plus pénétrant jugement, le Maréchal Juin préface l’ouvrage.
Modeste et droit, volontaire et généreux, maître de lui et ardent, c’est avec ces vertus que Raymond Duval aborde la vie et, par les voies les plus orthodoxes, s’élève vers les sommets de la hiérarchie. Les seuls récits de ses évasions seraient à présenter comme des exemples exaltants. La guerre, en Italie et en France, révèle le chef apte à dominer les plus difficiles événements. Mais c’est au cours de sa carrière africaine qu’il trouve, comme pour un couronnement de sa vie, un domaine à sa mesure.
Ce que l’on pouvait encore attendre de lui apparaît sous sa plume. Il faut citer ce fragment d’une lettre écrite le 12 août 1955 au Maréchal Juin : « Je suis, ce qui est normal, prisonnier de mon personnage… considéré comme le tenant de la politique de la force brutale, alors que je reste convaincu de son inefficacité absolue. Par contre, depuis des années, je prône l’importance essentielle de l’action psychologique, de la reconquête morale des masses marocaines, de la reprise du contact par la base plus encore que par les élites. Mais je n’ai convaincu personne et nous subissons la volonté, le plan de l’adversaire. Tout cela finira très mal, mais j’aurais, je crois, accompli mon devoir de soldat et de Français jusqu’au dernier jour de ma carrière militaire. »
Écoutons aussi « l’appel » (c’est lui-même qui le dit) qu’il lance aux élèves du Prytanée militaire de La Flèche lors de la distribution des prix de juillet 1952 : « Si vous venez en terre d’Afrique et quelle que soit votre destinée – officier, ingénieur, fonctionnaire ou chef d’entreprise, – vous serez en contact avec des hommes étrangers à votre genre de vie, à votre façon de penser, avec votre langue même, mais avec des hommes.
« Vous affirmerez votre ascendant de chef par la fermeté et la justice. Mais vous ne gagnerez la confiance et ne ferez œuvre durable que par un effort sincère du cœur. »
Et si nous voulons pénétrer dans les ressorts profonds de son âme c’est à ses « Instructions » qu’il faut faire appel : « La prospérité et le confort ne sauraient suffire à nous combler. Je suis las des polémiques, des exclusives, des fanatismes ! L’homme est animé d’abord par des sollicitations invisibles. L’homme est gouverné par l’esprit. »
Monument de piété à la mémoire d’un ami cher, ce livre est aussi un nécessaire rappel des services exceptionnels d’un grand serviteur du pays. Par-dessus tout aussi, l’évocation de cette noble existence est un exemple, « une leçon lumineuse laissée à ceux qui cherchent des raisons de vivre ». ♦