L'auteur expose ce que sera la « Communauté Européenne », les raisons majeures de sa création, les grandes lignes de son organisation et les conditions de son application. Il était particulièrement qualifié pour traiter ce problème car il remplissait les fonctions de Secrétaire général de la délégation française aux négociations qui se sont déroulées à Bruxelles sur l'Euratom et le Marché Commun ; il a été mêlé à tous les débats concernant ces deux institutions en tant que chargé de mission au Cabinet de M. Maurice Faure, ancien ministre ; enfin il occupe actuellement au Quai d'Orsay les fonctions de sous-directeur des Organisations européennes.
La France devant le Marché commun (I)
Il n’est pas de congrès, d’assises syndicales ou politiques, de réunions rotariennes, de conseils d’administration où le problème du Marché Commun ne soit évoqué tantôt comme un danger, tantôt comme un espoir. De cette perspective, la nation elle-même, au moment d’imprimer à son destin un cours nouveau, doit prendre la pleine mesure. Le Marché Commun n’est plus, en effet, un simple projet, une idée grandiose mais lointaine. Il est d’ores et déjà un fait, une donnée qui s’impose. Quelques exemples le démontrent.
Signé à Rome le 25 mars 1957, ratifié par le Parlement français en juillet de la même année, le Marché Commun est une réalité juridique qui oblige les six États qui en sont signataires : l’Allemagne, l’Italie, les trois pays du Benelux et la France. En Europe comme au-dehors, la constitution d’un espace économique aussi vaste et puissant n’a pas été sans susciter quelque inquiétude. Les Six ont dû se consulter, s’expliquer et déjà négocier de concert avec le monde extérieur : le Marché Commun est ainsi devenu une réalité diplomatique. Partout, notamment en France, industriels, banquiers, agriculteurs se préparent ; les entreprises se concentrent ; des contacts sont pris avec l’Allemagne, l’Italie, le Benelux : par là le Marché Commun devient une réalité psychologique.
En janvier prochain un premier abaissement de 10 % des droits de douane, un premier élargissement de 20 % des contingents en fera une réalité économique, sensible à la plupart des entreprises françaises. Aux intéressés, cette réalité semble hélas ! fort complexe. Deux cent quarante-huit articles, quatre annexes, neuf protocoles et une convention d’application, concernant tous les secteurs de l’activité nationale ; des clauses de sauvegarde, des traitements particuliers, des listes de produits, des globalisations de contingents ; autant de précisions techniques qui déroutent le néophyte et lui cache l’essentiel, lequel est cependant relativement simple et clair. C’est en répondant aux trois questions les plus fréquemment formulées que se dégagent peut-être le plus nettement les idées-forces sur lesquelles repose le Marché Commun :
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