1958-1959 : Un tour d’horizon
Il existe, dans les grands quotidiens, un journaliste à qui revient, en décembre, la charge de rédiger le traditionnel survol de l’année finissante. C’est généralement une corvée assez fastidieuse. Pour 1958, exception à la règle : l’évocation de tant de faits, d’événements se succédant à la cadence de notre époque d’accélération échappe au convenu. On se meut avec aisance dans un air épique. Les optimistes n’ont eu qu’à laisser courir leur plume. Les pessimistes honnêtes, faute de pouvoir se lamenter sur les mois récents, envisagent l’avenir avec pas mal de crainte. Quant à l’opinion publique, dans l’euphorie des fêtes où l’argent ne manque pas, elle fait crédit à 1959, deux votes approbatifs ayant donné bonne conscience à l’immense majorité des citoyens. Un examen réaliste des chances de la France justifie pleinement cette confiance populaire. Ce n’est point faire injure aux Français que de dire qu’ils ont le culte de la personnalité, donc du plébiscite. Maurice Barrés, bien avant la guerre de 14, interrogé dans la célèbre enquête sur la Monarchie, disait déjà : « La France est poignarde », exprimant par là qu’elle a le goût d’une poigne vigoureuse et souple.
Ce goût, ce besoin fournissent l’explication de l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle. Souvenons-nous de ces mornes années où le pays réel s’écarte, de plus en plus, d’un pouvoir dont il vérifie, mois après mois, l’incapacité, l’absence de grandes vues. Clairement ou d’instinct, selon le degré de formation de chacun, on discerne qu’un régime touche à son terme, sans bien savoir comment ce terme sera amené.
L’Histoire reconnaîtra aux Algérois du 13 mai le mérite d’avoir déclenché un mouvement auquel la Métropole était foncièrement prête à adhérer à la condition pourtant qu’il ne lui fut pas imposé par l’extérieur de nos frontières. Ce fut là le rôle décisif de l’armée d’Algérie. Son chef, le général Salan, sut prendre en charge et discipliner un mouvement qui menaçait de tourner au désordre. Durant ces heures capitales, il fit preuve d’énergie et de souplesse, d’une exacte connaissance des hommes et de beaucoup de bon-sens. À ceux que sa réussite dans un rôle inattendu aura surpris, rappelons que sa carrière comprend une longue période vouée, sous Mandel, aux renseignements touchant l’outre-mer français et, au-delà de celui-ci, le monde entier. Rappelons aussi l’autorité et l’habileté du chef militaire pendant les campagnes de France et d’Allemagne, et, en Indochine son rôle actif dans des moments d’une difficulté extrême. Notons aussi pour caractériser les jours succédant au 13 mai, que l’armée d’Algérie avec une simplicité naturelle obéit aux règles de la hiérarchie, condition normale de son unité.
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