La bombe thermonucléaire tactique
La bombe thermonucléaire est-elle destinée à demeurer une arme de destruction massive, frappant indistinctement les combattants et les populations civiles, les belligérants et les neutres, par la dispersion, à dose mortelle, jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres, des résidus de la réaction ? Ou peut-elle devenir, au même titre que la bombe atomique, une arme tactique dont les effets, assurément plus étendus, pourraient néanmoins être déterminés avec assez de précision pour qu’elle soit utilisable dans les opérations terrestres, navales et aériennes ?
Les accidents survenus à l’équipage du Fukuryu Maru lors de l’explosion expérimentale du 1er mars 1954 ne facilitaient guère la tâche des promoteurs de la bombe thermonucléaire tactique. Déposant devant une commission sénatoriale, le général James M. Gavin, directeur du « Research and Development » de l’armée américaine, évaluait, en juillet dernier, à quelques centaines de millions de victimes, dont la plupart en pays alliés ou neutres, les effets d’une attaque thermonucléaire contre l’U.R.S.S.
La réplique de l’amiral Lewis L. Strauss, président de l’Atomic Energy Commission, n’a pas tardé. Rendant compte de la plus longue série d’explosions thermonucléaires qui ait été conduite dans le Pacifique, l’amiral annonçait d’importants progrès qui, pour la première fois, n’étaient pas attribués à la puissance accrue des explosions et à l’étendue corrélative des destructions humaines et matérielles. La nouveauté tenait à la réduction des risques de la « retombée » des résidus radioactifs. Les effets de la bombe pourraient dorénavant être localisés avec précision ; les cendres provoquant des accidents mortels à des centaines de kilomètres seraient éliminées ; le relèvement de radioactivité atmosphérique incriminé par les généticiens serait très atténué. Ce serait en somme, selon les journalistes qui assistaient à la conférence de presse, sans partager entièrement les vues optimistes de l’amiral Strauss, une bombe qui n’aurait rien perdu de sa puissance de destruction, mais serait devenue « propre et hygiénique ».
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