Editorial
Éditorial
C’est le mois d’Eurosatory, comme tous les deux ans. Cette année, c’est également le mois où commence une nouvelle législature avec un Parlement renouvelé dont la mise en place va clore un long épisode politique. Beaucoup de préoccupations de défense viennent à l’esprit en ce mois de juin : la transition afghane, l’effervescence sahélienne, l’Europe militaire, la Russie poutinienne, la défense antimissile et la cyberdéfense et, comme cela a été dit ces derniers mois, bien entendu, la croissance économique et la contrainte budgétaire.
Eurosatory offre une occasion de se pencher sur les leçons opérationnelles apprises sur le terrain d’engagements récents, sur les innovations technologiques sorties des laboratoires des industriels (1), sur l’évolution des conditions du combat terrestre, sur ce que les forces armées doivent être capables aujourd’hui d’accomplir au sol. C’est un rendez-vous essentiel pour faire un point militaire et prendre une meilleure conscience des convergences nécessaires pour consolider cette base industrielle et technologique européenne sans laquelle il est difficile d’asseoir un projet de sécurité commune et de réelle communauté de destin.
Dans le paysage stratégique, dessiné en 2008 par le Livre blanc et qui sera réévalué prochainement, il y a l’attention à la vulnérabilité cybernétique de la France (2) qui constitue pour beaucoup une priorité dépassant la protection antimissile de notre pays et de l’Europe. Cette nouvelle approche de la défense et de la sécurité par la réduction résolue de nos vulnérabilités intrinsèques, plutôt que par l’engagement de menaces devenues trop diffuses pour être contrées, marque d’ailleurs un tournant décisif dans notre posture stratégique. Elle pourrait servir de fil conducteur aux nécessaires entreprises de la sécurité européenne.
Aux bénéfices que nous tirons de la mondialisation, trop vite dénoncée alors qu’elle nous permet de garder une prospérité, certes en berne mais enviable au 5e rang de l’économie mondiale, sont associées de nouvelles dépendances qui sont autant de vulnérabilités que nous partageons avec nos voisins européens et maghrébins : les domaines cybernétiques, spatiaux, maritimes sont devenus vitaux pour nos libertés. Il faut donc les contrôler et les défendre avec résolution, leur affecter des moyens humains et techniques suffisants et nous organiser collectivement pour faire face à ces nouveaux enjeux transversaux de la sécurité du pays. Ce sont eux les vrais vecteurs de la précarité stratégique de la France du XXIe siècle beaucoup plus que l’évolution heurtée de voisinages à l’Est ou au Sud de l’Europe, avec lesquels nous composons nos destins depuis des siècles. Avec eux, une coopération confiante est un objectif à notre portée si nous savons sortir d’un occidentalisme défensif et promouvoir avec méthode un vaste espace stratégique stabilisé de l’Atlantique à l’Oural et du Cap Nord au Sahel.
Voilà une feuille de route possible et une perspective stratégique de moyen terme pour éclairer une législature qui commence dans le brouillard économique. ♦
(1) Voir les réflexions publiées à l’occasion d’Eurosatory en coopération avec Theatrum Belli, p. 8.
(2) Voir le dossier complémentaire de réflexions approfondies sur ce thème, p. 7.