Russie - La longue route de la Russie vers l’Organisation mondiale du commerce (OMC)
Le 16 décembre 2011, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) accueillait officiellement la Russie dans ses instances genevoises. La signature, le mois précédent, d’un accord bilatéral entre la Russie et la Géorgie avait levé le dernier obstacle sur la route de Moscou à Genève et la Douma dispose maintenant jusqu’à juin 2012 pour ratifier une adhésion historique.
Après 18 années de négociation (battant au passage le record de 14 ans précédemment détenu par la Chine), le pays deviendra dès lors le 154e État-membre de l’Organisation présidée par Pascal Lamy. Lequel déclarait d’ailleurs le jour de la signature de l’accord que « jusqu’à l’adhésion de cet important pays, nous ne pouvions pas véritablement être l’Organisation ‘‘mondiale’’ du commerce ». Après l’échec du cycle de négociations de Doha, cet élargissement vers l’Est apporte en effet un nouveau souffle à l’OMC qui couvre désormais 97 % du commerce mondial. Surtout, il met fin à l’isolement de la Russie, dernière grande économie absente de l’OMC, rompant avec l’idée d’un certain particularisme intrinsèquement russe, que chantait déjà le poète Fiodor Tioutchev au XIXe siècle : « On ne peut pas comprendre la Russie par la voie de la raison/ On ne peut pas la mesurer/ Elle a un caractère particulier/ On ne peut que croire en elle ». La Russie, neuvième économie mondiale et premier exportateur d’énergie, est désormais officiellement intégrée à la mondialisation.
Toutefois, comme le souligne Elvira Nabiullina, ministre du Développement économique de la Fédération de Russie, « rejoindre l’OMC n’est pas une fin en soi, mais un début ». Les économistes de la Banque mondiale, Thomas Rutherford et David Tarr, estiment que l’entrée de la Russie dans l’OMC apportera au pays 3,7 % de croissance du PIB supplémentaire lors des cinq prochaines années et 11 % à long terme. Alexeï Koudrine, l’ancien ministre des Finances démissionnaire en septembre passé, considère pour sa part que l’adhésion fournira entre 3 et 4 % de croissance additionnelle au pays lors des dix prochaines années. D’après l’étude de la Banque mondiale, les bénéfices de cette adhésion pour l’économie nationale pourraient être classés en trois catégories : a) 72 % des gains seraient liés à l’amélioration de la qualité et à la baisse des prix des services, qui devraient contribuer à accroître la profitabilité et la compétitivité des sociétés russes ; b) 18 % à la réduction du prix des biens grâce à la baisse des tarifs douaniers ; c) 10 % au meilleur accès des sociétés exportatrices russes aux marchés étrangers (notamment de métaux et d’engrais, les deux secteurs représentant ensemble 20 % des exportations du pays, tandis que les barrières douanières sur l’énergie sont déjà peu élevées). En effet, l’OMC offre désormais à l’État russe un arsenal juridique pour défendre les droits et intérêts de ses entreprises si des États venaient à dresser inopinément de nouvelles barrières commerciales. Pour maximiser ces bénéfices, la Russie devra aussi améliorer son climat des affaires, le pays étant aujourd’hui classé 120e sur 183 dans l’indice « Doing business » de la Banque mondiale. De ce point de vue, l’OMC offre à Moscou l’occasion de mettre en place un environnement commercial et juridique plus prévisible et transparent, indispensable pour attirer davantage d’investissements directs étrangers (IDE).
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