Problèmes économiques et méditerranéens de l’Italie
La renaissance et le développement de la puissance économique italienne constituent un des faits les plus marquants des quinze dernières années. Relativement peu touchée par la deuxième guerre mondiale sur le plan humain (310 000 morts et 135 000 disparus), notre voisine avait été dévastée, au cours du repli des armées allemandes, par une lutte que les Allemands avaient qualifiée de « guerre au centimètre » ; même la vallée du Pô n’avait pas été épargnée. Avec ses moyens économiques limités et sa pénurie de matières premières, l’Italie semblait donc vouée à une laborieuse « après-guerre », d’autant que le problème du Midi italien, le Mezzogiorno, restait entier.
Dans cette région qui, d’après un romancier italien, commence à Eboli, à 82 km au Sud de Naples et qui, par les Abbruzes, s’étend jusqu’à la province des Marches — au nom significatif — vit 40 % de la population ; mais en 1945 on n’y rencontrait que 32 % de la population active et seulement 20 % de la population industrielle. Or, la production du Mezzogiomo n’atteignait que 35 % des produits agricoles italiens, tandis que la consommation ne représentait pour la viande que 18 % de celle de l’Italie, pour l’énergie électrique 15 % et pour le gaz 10 % : le métier le plus symbolique des Pouilles à la Sicile restait celui de l’aquiolo, le marchand d’eau… L’Europe comptait donc elle-même une région sous-développée et l’Italie portait un fardeau qui la mettait hors d’état de supporter un nouvel amenuisement de ses ressources pour contribuer à la relance du pays.
D’autre part, le nouveau régime ne présentait guère plus de garanties de stabilité que notre IVe République. Une majorité de 20 voix avait permis à Alcide de Gasperi de prolonger pendant huit ans ses différentes formations ministérielles ; mais ses successeurs avaient vu cette majorité se réduire à quelques voix, parfois une seule. L’application parlementaire de la démocratie avait consisté de plus en plus à reconduire de trimestre en trimestre un « ministère de saison thermale » habituellement conçu pour expédier les affaires courantes. Certes, la personnalité du Président Gronchi dominait l’Exécutif, mais le Montecitorio n’affirmait pas la maturité démocratique nécessaire. Cependant la pérennité de la combinazione permettait toujours à une majorité quasi-déficitaire de se retrouver in extremis : à cet égard l’habileté de M. Segni, président du Conseil, dépassant en subtilité nos « manœuvres de couloir », a été, à maintes reprises, d’une grande efficacité. Pourra-t-elle continuer longtemps à se manifester avec le même succès ?
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