Dokumente zum Westfeldzug 1940
Dans le cadre des études officielles du centre de recherches historiques de Stuttgart, l’historien allemand Hans-Adolf Jacobsen vient de publier un gros volume de documents sur la guerre à l’Ouest en 1940.
Jacobsen avait déjà publié en 1958, le premier ouvrage d’ensemble paru en Allemagne sur les opérations qui se terminèrent par l’évacuation de Dunkerque. Ouvrage extrêmement précis et documenté, qui manquait à la série des livres déjà publiés sur ces opérations en France, en Belgique et en Grande-Bretagne.
Son nouveau livre couvre, bien entendu, cette période qui s’étend du 10 mai au 4 juin 1940, mais il se poursuit jusqu’à la conclusion de la deuxième phase des opérations, celle qui commence le 5 juin avec l’offensive sur la Somme et l’Aisne pour s’arrêter à l’entrée en vigueur de l’armistice du 25 juin 1940.
On pourra, dans cet ouvrage, suivre jour par jour, du 10 mai au 25 juin 1940, le déroulement des opérations, successivement à l’échelon
– de l’OKW, Oberkommando der Wehrmacht, état-major du commandant suprême des forces armées allemandes (i.e. Adolf Hitler), grâce au journal du général Jodl, chef des opérations à cet état-major ;
– de l’OKH, Oberkommando des Heeres, grâce aux notes du général Franz Halder, chef d’état-major du commandant en chef de l’armée (général von Bauchitsch) ;
– puis à celui des grands exécutants, c’est-à-dire les trois Commandants de Groupe d’armées, von Bock, commandant la Heeresgruppe B, au Nord, von Rundstedt, la Hgr A, au Centre et von Leeb, la Hgr C au Sud.
Il manquerait, pour être tout à fait complet, les journaux d’opérations de la Seekriegsleitung, c’est-à-dire de la direction de la guerre sur mer et de l’Oberbefehlshaber – commandant en chef – de la Luftwaffe. Cette lacune n’a guère d’importance en ce qui concerne la Kriegsmarine qui n’intervint en fait dans la campagne de France qu’avec ses flottilles de vedettes rapides pendant l’évacuation de Dunkerque. Elle serait plus grave pour la Luftwaffe si elle n’était partiellement comblée par quelques informations qui permettent de se rendre compte des principes qui présidèrent à la direction de la guerre aérienne tant en matière de bombardement stratégique qu’en matière d’appui des troupes au sol.
Cette réserve faite, l’intérêt de l’ouvrage est considérable.
L’auteur n’a apporté aucun commentaire personnel. Les seuls jugements qui apparaissent sont ceux qui figurent dans les journaux personnels des grands chefs, parfois émaillés comme ceux de von Bock notamment, de réflexions fort pittoresques. En somme ce sont uniquement les témoins qui exposent les faits au jour le jour, et la sincérité de leur témoignage nous est garantie par le fait que la plupart de ces documents se trouvaient aux mains des vainqueurs depuis 1945 et n’ont par conséquent subi aucune retouche par la suite, comme c’est trop souvent le cas pour les mémorialistes qui publient dix ou quinze ans après les événements des souvenirs passablement arrangés au vu des connaissances nouvelles. Le mérite principal de ces textes, c’est de nous apporter, parfaitement présenté, une sorte de Livre blanc allemand sur le déroulement des opérations militaires. À ce titre c’est un document capital pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’offensive allemande de 1940.
Sans doute, certains de ces documents étaient-ils déjà connus. Les carnets de Jodl en particulier figurent pour une part aux documents annexes des comptes rendus de Nuremberg. Mais la plus grande partie était encore inédite ; certaines opérations comme celles du Groupe d’armées von Bock pendant la bataille des Flandres étaient généralement fort mal connues en France.
Pour ne pas enfoncer de portes ouvertes, je n’insisterai pas sur l’intérêt qui se rattache à la série des ordres ayant abouti au fameux arrêt des Panzer sur l’Aa le 24 mai, et auxquels l’auteur a justement consacré un chapitre spécial. Les passages les plus intéressants sont ceux qui montrent les hésitations qui se manifestèrent après l’arrivée de Guderian jusqu’à la mer, lorsque l’OKH et l’OKW étaient divisés pour savoir dans quelle direction porter les nouveaux coups, puis l’extraordinaire incohérence avec laquelle fut montée l’attaque finale contre Dunkerque. Le sort de cette place pouvait être réglé en 48 heures… Il fallut huit ou neuf jours à partir de l’ordre d’assaut passé par l’OKH le 26 mai au soir. « Enfin, écrit le colonel général Fedor von Bock le 3 juin, l’affaire de Dunkerque arrive à sa conclusion. Nous aurions pu la régler huit jours plus tôt si l’unité de commandement avait été instituée en temps utile. À Lille il en a été de même. Pourquoi ?… »
Pourquoi l’OKH a laissé jusqu’au 30 mai une moitié des forces qui assiégeaient Dunkerque, dirigée de Charleville par Rundstedt et l’autre, de Belgique par Bock, avant de placer la direction des opérations entre les mains du général von Küchler commandant la 18e Armée ? ; on peut se le demander en effet. Mais l’on n’est sans doute pas très loin de la vérité en pensant que les trois quarts des 342 000 hommes qui furent extirpés de Dunkerque par les marines alliées doivent pour une large part leur délivrance à cette erreur surprenante.
Il est impossible d’entrer dans le détail de ces journaux de marche où il y a, à chaque page, quelque chose d’utile à glaner. On lira avec intérêt les directives de l’offensive sur la ligne Somme-Aisne, les discussions que sa préparation a suscitées. On notera que cette machine de guerre qui nous parut si remarquable dans son application n’était pas à l’abri des tiraillements internes. On le savait déjà par la lecture des mémoires de Guderian ou de Manstein. Mais le journal de Bock notamment est, sur ce point précis, spécialement instructif. Il est aussi réconfortant parfois par ses appréciations élogieuses sur l’attitude au feu des combattants français.
Un chapitre particulier a été consacré aux combats pour la ligne Maginot qui se prolongèrent, on le sait, jusqu’au 30 juin au soir, les garnisons des forts encerclés refusant de se rendre.
L’ouvrage se termine sur quelques données statistiques, précédées par le communiqué d’ensemble de l’OKW dans lequel il faut retenir un paragraphe spécial intitulé : Les raisons du succès allemand.
« Lorsque les Alliés expliquent notre victoire par une supériorité matérielle écrasante, dit ce paragraphe en substance, ce n’est pas la vérité historique. Seule la Luftwaffe était nettement supérieure à leur aviation… Il faut chercher les causes de notre victoire dans le dynamisme révolutionnaire du IIIe Reich et dans une meilleure utilisation des moyens… »
Nous n’avons probablement pas grand-chose à répondre à cela.
Il n’est pas inintéressant non plus de donner pour finir les chiffres des pertes allemandes comparées avec celles de la Grande Guerre :
Campagne 1940 : 156 492 dont 27 074 tués
Verdun 1916 : 810 000 dont 41 000 tués
Somme 1916 : 417 000 dont 58 000 tués
Offensive de mars-avril 1918 : 240 000 dont 35 000 tués
On trouvera enfin en annexe le texte des différentes conventions d’armistice signées avec la Hollande, la Belgique et la France, ainsi que l’énumération des combats auxquels ont pris part les différents groupements et armées allemands.