De la décision
Les idées exprimées dans ces pages ont certainement germé dans l’esprit de nombreux anciens combattants de la guerre de 1914-1918 déçus par la faiblesse de nos réactions nationales pendant les douloureux événements de 1940. Dès ce moment apparaissait la nécessité d’un réveil de l’esprit d’initiative des cadres de la nation. Nous l’espérions à la Libération. Au contraire, les années qui se sont écoulées depuis ont été marquées par l’évolution inverse ; une réglementation aveugle et niveleuse s’est développée au point que nos cadres supérieurs, ravalés au rang de subalternes, se dégradent peu à peu par la servitude imposée de demander la permission pour les affaires les plus insignifiantes, si minimes qu’elles ne sont pratiquement traitées que par des rédacteurs de l’échelon supérieur.
Dès lors se trouve justifiée, auprès des administrations civiles et militaires une campagne d’opinion comparable à celle qu’avait entreprise, dans l’armée, peu avant la guerre de 1914, le colonel de Grandmaison. Cet officier supérieur, craignant que l’esprit administratif développé par une longue période de paix eût amorti le goût de l’action, s’était proposé de réveiller la combativité des chefs militaires en les poussant à l’offensive comme l’avaient déjà fait Danton et Carnot. Dès le début de la Grande Guerre, une application inconsidérée de sa tactique a entraîné des pertes excessives et jeté quelque discrédit sur sa doctrine, mais l’étude historique des deux guerres nous oblige à convenir que sa parole a été le levain de la victoire de 1918. Aussi, après avoir, comme mes compagnons d’arme, médit de ce précurseur, je n’hésite pas aujourd’hui à rendre à sa mémoire l’hommage qu’il mérite.
C’est dans cet esprit qu’a été abordée l’étude du problème de la décision, problème qu’il convient de poser dans toute sa portée sans espérer l’épuiser. La décision, en effet, met en jeu les ressorts les plus mystérieux de notre être conscient : elle est peut-être le test, certainement l’incarnation de la vie spirituelle ; elle met en cause des questions métaphysiques que l’homme discute depuis des millénaires sans les élucider. Je ne puis donc prétendre qu’à faire partager mes préoccupations morales avec l’espoir que d’autres, continuant le même effort, parviendront à pousser cette analyse plus avant.
Il reste 92 % de l'article à lire