Le Tome II des Mémoires de Sir Anthony Eden paraît avant le Tome I, l’auteur ayant jugé que son témoignage sur les faits les plus récents intéresserait davantage les lecteurs, et ayant cherché, en les racontant, à se guérir des blessures morales que lui ont infligé les affaires de Suez.

Sir Anthony n’a rien voulu laisser dans l’ombre, de son action personnelle et des motifs qui l’ont inspirée, pendant qu’il était secrétaire d’État au Foreign Office et Premier ministre. Il en résulte que cet épais volume de Mémoires est davantage une source d’études pour les historiens futurs qu’un commentaire direct pour les contemporains. Ceux-ci retiendront, surtout, sans doute, les passages dans lesquels l’auteur traite des principales questions dont il a eu à s’occuper : les lecteurs français, les chapitres relatifs à la Conférence de Genève, qui allait mettre fin à la guerre d’Indochine, et aux événements de Suez, depuis « le vol » dont Nasser s’est rendu coupable le 26 juillet 1956 jusqu’au cessez-le-feu et au repli des troupes franco-anglaises.

Au lieu de suivre un ordre strictement chronologique, Sir Anthony a groupé par chapitre les faits relatifs aux mêmes événements. Ce classement par sujet a des avantages évidents. Il n’est pas non plus sans inconvénient ; peut-être provoque-t-il une certaine lenteur dans le récit, et ne rend-il pas suffisamment compte des inter-réactions entre des événements pratiquement simultanés. C’est davantage, pourrait-on dire, un historien qui parle, qu’un mémorialiste.

À ces remarques sur la forme, il serait bien prétentieux d’en ajouter sur le fond. Le lecteur n’est évidemment pas suffisamment informé pour juger de celui-ci. Il doit accepter le témoignage qui lui est présenté. Ce témoignage porte sur l’histoire de ces quinze dernières années. Il est inutile de souligner son intérêt et sa valeur. Peu d’hommes politiques ont occupé aussi longtemps et d’une façon aussi continue que M. Eden la scène politique internationale ; peu d’entre eux seraient donc capables de fournir sur une telle somme d’événements une telle somme de précisions. ♦