L’auteur inventorie et compare les modalités des coopérations d’armement, qu’elles soient circonstancielles et artisanales ou conduites au sein de l’Otan ou de l’UE. En attendant mieux, en l’absence de volonté collective structurée et pérenne et du fait de la concurrence industrielle euro-américaine, il plaide pour le développement de coopérations ad hoc.
La maîtrise des coûts par la coopération
Les coopérations intergouvernementales de circonstance prendront-elles le pas
sur la coopération au sein de l’Otan et de l’UE ?
La satisfaction des besoins capacitaires des nations européennes, et de la France en particulier, est à un point critique. D’un côté, la facture des équipements ne cesse de croître sous l’effet de la hausse du coût de possession des matériels existants et de l’expression de nouveaux besoins capacitaires, par exemple dans la cyberdéfense ou la défense antimissile balistique. De l’autre, à cause de la crise économique et financière, les ressources pour financer ces besoins diminuent. Quelle solution apporter à ce problème si l’on souhaite maintenir nos ambitions stratégiques ? La recherche de marchés d’exportation, l’arrêt de la course à la technologie ou la coopération peuvent contribuer à la solution, sans qu’il soit possible de penser que chacune de ces voies soit à elle seule la bonne solution.
La coopération résulte d’un choix souvent poussé par des considérations économiques mais jamais sans fondements politiques. Elle offre des possibilités aux pays dont la taille ne permet pas ou plus de développer tout l’éventail des capacités. Elle trouve forme au sein de l’Otan, de l’UE, ou par d’autres initiatives qui ne relèvent pas de ces organisations, et qui peuvent être qualifiées de circonstancielles. Chacune de ces modalités offre des avantages et des inconvénients. Or, les avantages certains d’organisations comme l’Otan et l’UE ne semblent plus séduire aujourd’hui la France face au pragmatisme de solutions ad hoc.
Après avoir précisé les buts et les mécanismes de la coopération, nous rechercherons la logique de répartition des programmes avant de dégager quel modèle semble le mieux adapté dans le contexte actuel.
La coopération est désormais la règle en France, comme l’impose la dernière version de l’instruction relative à la conduite des programmes d’armement (1) qui demande en cas d’abstention de justifier pourquoi la coopération n’est pas jugée appropriée. Or, à y regarder de plus près, les coopérations sont difficiles à monter et parfois plus coûteuses. En dehors de gains immédiats d’interopérabilité, quelles sont les raisons qui poussent à coopérer ?
Les coopérations d’armement sont souvent justifiées
in fine plus par des arguments politiques qu’économiques
Coopérer ne va pas sans de lourdes difficultés. L’expérience montre que le risque de dérive des coûts d’un programme multinational est réel. La synchronisation des besoins des états-majors est un prérequis important. Les réglementations nationales peuvent également constituer un frein. Surmonter ces difficultés est nécessaire pour tirer les bénéfices de la coopération qui allège le fardeau des dépenses d’armement. Ce fardeau est réel car le prix des programmes ne cesse d’augmenter, en particulier à cause de la complexification des matériels. Or, la mutualisation et le développement de plus grandes séries apportent indéniablement une réduction du coût unitaire.
Cependant, la justification des dépenses militaires n’est pas qu’économique mais bien plutôt politique et stratégique. Ainsi, pour la recherche et le développement (R&D) qui pèse directement sur la souveraineté, on peut observer que les retombées économiques des investissements en R&D militaire n’apportent pas de façon évidente des retombées économiques civiles positives. En effet, sur la période 1945-1973, 1 milliard de francs investi entraîne un ralentissement d’un quart de point (0,27) de la croissance du PIB (2) ; mais il est vrai que la création de grands groupes avec des compétences duales favorise désormais le passage dans les deux sens des innovations et des financements. Il est donc possible de dire, concernant la coopération dans le domaine capacitaire, que « le but peut aussi être dans le chemin ».
Le développement des organisations ayant vocation à soutenir la coopération
ne saurait masquer le faible nombre de projets d’importance à venir
La coopération trouve forme dans des organisations ad hoc créées pour la circonstance, ou bien au sein de l’UE ou de l’Otan. La coopération de circonstance conduit à la création de bureaux de programmes particuliers, souvent soutenus par l’une des agences de programmes des pays partenaires. Le pays hôte peut ainsi offrir un soutien contractuel et réglementaire, technique et logistique. La France a une longue histoire de coopération bi ou multilatérale avec ses partenaires principaux, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Les récents accords de Lancaster House de décembre 2010 constituent une avancée importante mais unique.
Dans l’Otan, lorsque les nations ont un besoin qui ne peut être rempli par ses structures, elles créent une organisation ad hoc pour y répondre. Cette organisation est soutenue par une agence qui s’appuie sur des modes de fonctionnement spécifiques. L’agence réalise l’acquisition de capacités, la fourniture de services fondés sur une expertise ou la coordination d’entités nationales. Elle intervient dans la R&D et l’acquisition de capacités.
Les agences d’acquisition sont nécessaires pour livrer des matériels achetés sur étagère, généralement par des pays européens aux États-Unis, c’est le cas de la NAGSMA (3) (Global Hawk), de la NAMA (4) (C-17) ou encore de la NAPMA (5) (E3-A) ; soit dont le besoin n’a pas été harmonisé par l’Otan mais qui a été ensuite confié à une agence de l’Otan (comme pour l’Eurofighter avec la NETMA (6)) ; soit dont le besoin a été harmonisé entre pays membres puis confié à une agence otanienne (la NAHEMA (7) en est l’unique exemple car le programme NH90 est issu d’études menées par le NIAG (8)).
Les agences d’acquisition sont regroupées, à compter du 1er juillet 2012, au sein d’une structure ayant vocation à mutualiser leur soutien et en exploiter les synergies. La NAMSA joue un rôle particulier puisqu’elle regroupe plusieurs programmes, en phase de soutien en service, dans une logique d’agence de soutien multinationale. Elle doit constituer le deuxième pôle auquel seront agrégées les agences de l’Otan impliquées dans le soutien. Le troisième pôle regroupera les projets lancés autour de l’information et de la communication.
L’Otan joue également un rôle important pour la R&D, coordonnée par ACT (Allied Command Transformation), avec l’aide de divers organismes (Research and Technology Organisation, NATO Undersea research center…).
Elle a, depuis le Sommet de Lisbonne et grâce à l’initiative Smart Defence, mis l’accent sur plusieurs projets : l’amélioration des défenses contre les cyberattaques, l’élargissement du système de commandement et de contrôle aériens de l’Otan, l’augmentation des capacités en Afghanistan pour l’échange de données ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance), la lutte contre les engins explosifs improvisés.
En dehors du cas particulier de la DAMB (9), aucun véritable programme ne semble se concrétiser pour le moment.
L’UE a une organisation qui s’appuie sur, outre l’État-major de l’Union européenne (EMUE) et le Comité militaire de l’Union européenne (CMUE), de nombreux organes internes et externes. La Commission européenne joue un rôle central dans la définition du cadre réglementaire européen. Le « Paquet Défense » constitue une avancée majeure dans l’harmonisation de ces règles. Ensuite l’Agence européenne de défense (AED) est au centre de l’action capacitaire en tant qu’organe de l’UE, pour ce qui relève de la stratégie européenne des moyens y compris dans sa dimension industrielle, la Base industrielle et technologique de défense (BITD). L’AED exerce un rôle de régulation supranationale assez limité, en raison du caractère intergouvernemental de l’Agence, et surtout car cette tâche est déjà assurée par la Commission. Elle joue aussi un rôle en fédérant les différents acteurs. L’idée de coordonner les développements capacitaires, ou d’en coordonner les lacunes, est l’objet de l’initiative européenne de mutualisation et de partage (connue sous le nom de pooling and sharing), équivalent européen de la « défense intelligence » alliée (Smart Defence).
Elle concerne la formation des pilotes d’hélicoptères (lancée depuis trois ans) et de transport, le soutien médical (hôpital de campagne « rôle 2 » (10)) à l’horizon 2013-2014, le ravitaillement en vol (développement de capacité et soutien), la surveillance maritime (comme élément de la capacité de reconnaissance, avec l’objectif de produire une visualisation globale de la situation maritime).
L’AED s’appuie sur l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement (Occar) pour conduire les programmes d’armement qu’elle a réussi à faire émerger. Le programme ESSOR (11), harmonisé par l’AED, est passé ainsi sous maîtrise d’ouvrage de l’Occar. Les programmes d’armement réalisés ainsi en coopération comprennent par exemple l’A400M (avion de transport militaire européen de nouvelle génération), les Fremm (Frégates multimissions), le SAMP/T (Système sol-air moyenne-portée terrestre) ou encore le Tigre (hélicoptère de combat). Cette organisation régie par traité a un fort tropisme européen mais elle reste à ce jour en dehors des structures de l’UE. Son rattachement ne semble de toute façon pas souhaitable si l’on veut maintenir le dynamisme et l’initiative des pays les plus engagés en matière de défense, hors des inconvénients d’une organisation à 27 membres. En R&D, le rôle de l’Agence est ambitieux mais peu significatif, eu égard aux faibles investissements consentis (12).
Partant de ce survol des organisations en service et de leurs réalisations, identifions maintenant l’organisation la mieux à même de répondre aux besoins français, en examinant d’abord la logique de répartition passée.
La répartition des programmes obéit à des contraintes pragmatiques de court terme
Il semble qu’il n’y ait pas de réelle logique dans la répartition des programmes malgré des tendances déduites des relations entre Otan et UE. Cette répartition répond davantage à une approche réaliste des pays impliqués qui ont fait des choix pragmatiques en leur temps mais qui ne répondent pas nécessairement à une logique d’ensemble. Rechercher cette logique a posteriori est illusoire. C’est ce même pragmatisme qui conduit au choix d’organisations ad hoc lorsque les États jugent que ni les structures de l’UE, ni celles de l’Otan ne peuvent satisfaire leur besoin. Ainsi, s’il n’y a pas beaucoup à dire sur la coopération entre les agences ad hoc d’une part, et l’UE ou l’Otan d’autre part, en revanche, les relations entre l’Otan et l’UE dans le domaine capacitaire méritent d’être explorées et précisées. Avec la montée en puissance de l’UE comme acteur du domaine capacitaire, des initiatives ont été lancées pour coordonner ses actions avec l’Otan. On peut citer en mai 2003, la première réunion du Groupe Otan-UE sur les capacités à la suite des accords Berlin + de 2002.
Plus généralement, et d’après le général Abrial (13), les relations entre l’ACT et l’AED sont excellentes et ont permis des rapprochements récents, par exemple pour le chantier de modernisation des flottes d’hélicoptères Mi détenus par les pays d’Europe centrale et orientale. Pour l’Otan, cela a permis de satisfaire des besoins de court terme, en lien direct avec les opérations menées en Afghanistan. L’AED s’inscrit plutôt sur le moyen et long terme, par exemple par un plan prospectif portant sur une flotte commune d’appareils de transport (European Air Transport Fleet). Cela dit, il semble qu’il y ait aussi de nombreuses exceptions avec l’existence au sein de l’Otan d’un bon nombre de programmes de long terme structurants pour l’industrie et notre souveraineté (comme la DAMB) et au sein de l’UE de projets de court terme destinés à soutenir les opérations de l’Otan (le laboratoire contre-IED par exemple). Les relations AED-Otan restent néanmoins peu formalisées. Il n’existe aucun accord de coopération entre l’AED et l’Otan, alors que nombre de leurs activités respectives devraient conduire à le faire. Les tâches de coordination incombent là encore aux nations. Par ailleurs, une concurrence naturelle naît entre l’Occar et certaines agences de l’Otan qui sont en mesure d’offrir des services similaires. Cette concurrence trouve ses limites dans les attributions de l’Occar qui excluent les tâches de maîtrise d’œuvre. Lorsque nécessaire, l’Organisme s’appuie dans le domaine du soutien sur la NAMSA.
L’Otan et l’UE sont plus propres à la gestion de projet que les coopérations de circonstance
Au final, l’Otan a des avantages propres : elle est bien adaptée pour des achats sur étagère de matériel américain et pour les projets urgents ayant vocation à soutenir les opérations en cours. L’UE est la solution idéale pour le maintien de la souveraineté notamment industrielle. Les coopérations de circonstance, qui ne permettent pas de tirer tous les bénéfices à attendre de la coopération, sont là pour rattraper les projets qui, pour des raisons diverses, ne peuvent être accueillis ni par l’un ni par l’autre.
D’abord, il convient de préciser que la spécialisation de l’UE ou de l’Otan sur l’une ou l’autre phase d’un programme d’armement est une fausse bonne idée, car elle implique un transfert de responsabilité entre agences en cours de programme, ce qui est précisément ce que tous les pays souhaitent désormais éviter. Il est donc préférable qu’une organisation donnée assure, du début à la fin, le suivi complet d’un projet.
La coopération ad hoc n’offre pas d’inconvénient majeur mais montre rapidement ses limites. Ce type de coopération garantit une solution sur mesure à chaque besoin. En s’appuyant sur l’agence nationale de programme du pays hôte, elle offre l’avantage de structures légères, mais en contrepartie, les procédures employées sont propres au pays hôte. Dans le cas de structures de programme autonomes, cette solution perd de sa légèreté et l’ensemble des procédures doit être réinventé à chaque nouveau programme et la dynamique des organisations de circonstance dépend fortement du contexte politique. La coopération bilatérale entre la France et le Royaume-Uni s’est ainsi essoufflée après 1998, pour être relancée en 2010 avec les accords de Lancaster House.
Inconvénient majeur des organisations ad hoc qui doivent se réinventer ex-nihilo, la perte d’expérience d’un programme à l’autre pose clairement une limite aux ambitions de coopération atteignables. Pour franchir ce seuil, il est souhaitable de fonder son action sur une structure pérenne. Il est donc préférable de choisir une coopération institutionnalisée pour les mêmes raisons qu’aujourd’hui l’ensemble des membres de l’UE (hors Royaume-Uni) souhaite créer un QG européen. D’ordinaire équitable, ce mode de coopération ne garantit pas non plus l’équilibre entre les différents partenaires. Ainsi, l’évolution de l’organisation retenue par les États-Unis pour deux programmes majeurs d’exportation, le F-16 et le F-35, passe d’un extrême à l’autre. La coopération pour le F-16 en « étoile » s’appuie sur une communauté d’utilisateurs formalisée par un mémorandum multilatéral intégrant toutes les parties. À l’inverse, la coopération sur le F-35 est des plus cloisonnées ; elle voit la passation d’accords bilatéraux sur mesure avec chacun des pays membres, en fonction des droits ouverts par les investissements consentis par ces pays en R&D.
L’Europe a l’ambition de dépasser ce seuil. Au sein de l’Europe, l’Occar est associé à l’AED dès la phase d’harmonisation du besoin et de préparation du montage industriel, pour assurer la continuité du processus de réalisation capacitaire. Les synergies entre programmes produisent des économies d’échelle. Ainsi, le personnel en charge de la maîtrise d’ouvrage est regroupé au sein d’une unique agence afin de mutualiser certaines fonctions, par exemple dans les domaines de la gestion des ressources humaines, des finances ou de la sécurité. Les relations avec la maîtrise d’œuvre s’en trouvent facilitées, avec l’atteinte d’une taille critique qui facilite les négociations avec les plus grosses industries. En outre, d’autres occasions peu vent naître d’une coopération institutionnalisée, comme l’application du principe de renoncement au juste retour, programme par programme. Toutefois, le regroupement d’États plus ambitieux au sein de l’Occar ne saurait faire oublier les difficultés qui persistent. Ces États se montrent encore en faveur d’une approche nationale dans le but de protéger leur industrie. Ce réflexe est renforcé par les difficultés à préparer sur le long terme des projets communs qui conduisent mécaniquement à des logiques nationales, seules capables d’aboutir lorsque le besoin se fait finalement sentir.
L’Otan a fonctionné paradoxalement sur un modèle ad hoc, en créant des agences de programme autonomes, sous le contrôle exclusif des pays participants. Le coût et le fonctionnement de ces agences méritaient d’être améliorés, comme cela a été identifié par la vaste réforme en cours. Le modèle de décision otanien basé sur la règle du consensus peut être source de blocage, notamment en raison des positions parfois contestées de la Turquie. Les agences de l’Otan bénéficient plus globalement d’avantages liés à la « machinerie Otan » et à ses procédures. Ces avantages reposent également sur les exemptions fiscales pouvant couvrir l’ensemble de la vie d’un programme. Les administrations fiscales nationales sont cependant de plus en plus regardantes sur ces conditions dérogatoires dans le contexte de crise économique actuelle. Par ailleurs, l’essentiel des récents projets majeurs est constitué d’achats de matériel américain par les Européens. Comme déjà précisé, notre souveraineté s’appuie aussi sur notre capacité à disposer pour notre politique de moyens en toute indépendance.
Dès lors, quelles tendances peuvent être dégagées pour l’avenir ?
Le manque de volonté politique freine l’émergence de projets structurants
Aujourd’hui en panne de projet structurant, les ambitions de l’UE pourraient se concrétiser avec le temps et une meilleure prise en compte de la problématique capacitaire. L’UE s’efforce de lancer des programmes dimensionnants pour son industrie mais peine, à l’exemple de l’AEJPT (14), à les faire émerger. Cependant, les organisations en place sont encore jeunes et l’ensemble des leviers créés par les traités, comme par exemple la Coopération structurée permanente, n’a pas été utilisé pour relancer ces projets.
La Commission n’a pas mis tout son poids dans les questions capacitaires, domaine qui relève a priori de l’intergouvernemental. Ainsi, elle pilote un budget R&D colossal qui exclut les applications militaires. C’est également un acteur clé du projet de « ciel unique européen », auprès duquel les militaires devront faire valoir leurs intérêts vis-à-vis des compagnies civiles.
La participation aux projets capacitaires otaniens peut être forcée
par l’application systématique de la règle du financement commun des programmes
L’Otan peine également à faire émerger des projets lourds, à l’exception de la DAMB. Il semble bien que l’application de la règle du financement commun à ce projet ait finalement contribué à remporter la décision de participation de la France et probablement d’autres pays. Or, dans un contexte de concurrence industrielle exacerbé entre l’Europe et les États-Unis, une généralisation de ce principe de financement est un échec pour l’Europe de la défense.
En effet, la DAMB est un projet majeur porté sur les fonds baptismaux lors des deux derniers sommets de l’Otan. Il y a été retenu un financement commun pour les systèmes de commandement et de contrôle de la capacité ALTBMD (15) et leur élargissement à la défense territoriale. Ce choix incite les membres de l’Otan à participer activement au projet auquel ils seront associés financièrement, quelle que soit leur implication, notamment industrielle. Or, la DAMB a des implications particulièrement sensibles dans ce domaine car elle nécessite des investissements importants en R&D et pose le risque pour les pays non-partenaires d’un décrochage technologique.
Dans le contexte d’une baisse du budget de la défense aux États-Unis, les industriels américains cherchent désormais davantage de débouchés à l’export. Il faut donc s’attendre à une concurrence industrielle accrue, même si elle avait déjà atteint un niveau très important. L’effet d’éviction des projets américains comme le F-35 ou l’AGS (16) sur les budgets de R&D européens en est un exemple majeur. Comment ainsi encore interpréter la récente fourniture de matériels américains aux forces armées grecques pour un prix symbolique ?
Il y aura fort à faire pour maintenir la souveraineté européenne capacitaire dans les années à venir. Sur ce dernier point des progrès ont, semble-t-il, été accomplis, car la déclaration finale du Sommet de Chicago laisse une véritable place à la reconnaissance des actions de l’UE en matière capacitaire.
En l’absence de progrès marquant de l’UE, la France n’a d’autre choix que de développer des coopérations de circonstance avec ses partenaires historiques, en particulier avec le Royaume-Uni, avec lequel elle a de nombreux intérêts communs. Un peu plus d’un an après la relance de la coopération franco-britannique, la dynamique de cette relation permet d’espérer des retombées concrètes.
* * *
Le développement capacitaire en commun est entravé par des difficultés nombreuses mais les bénéfices que l’on peut tirer de cette coopération sont une des solutions à l’insoluble équation budgétaire visant à faire plus et mieux avec moins. Cette « voie étroite » reste encore bien incertaine. Il est évident qu’une coopération à 27 (UE) ou 28 (Otan) est impossible aujourd’hui. Et le poids des États-Unis rendant toute coopération inégale, notre souveraineté reste mieux préservée à un niveau européen restreint. Reste à déterminer le bon niveau de coopération. La Coopération structurée permanente de l’UE est en théorie idéale pour encadrer ce genre d’initiative. Elle semble pourtant aujourd’hui au point mort. Reste donc l’in usable coopération de circonstance, qui a encore de beaux jours devant elle, et cela d’autant plus si l’on considère la répulsion naturelle des Britanniques envers l’AED.
Longue vie aux accords de Lancaster House !
(1) Instruction générale n° 125/DEF/EMA/PLANS/COCA – n° 1516/DEF/DGA/DP/SDM relative au déroulement et à la conduite des opérations d’armement, du 26 mars 2010.
(2) D’après Jean-Paul Hébert : Stratégie française et industrie d’armement ; FEDN, 1991.
(3) NATO Alliance Ground Surveillance Management Agency.
(4) NATO Airlift Management Agency.
(5) NATO Airborne (Early Warning and Control) Programme Management Agency.
(6) NATO Eurofighter and Tornado Management Agency.
(7) NATO Helicopter Management Agency.
(8) NATO Industrial Advisory Group.
(9) Défense antimissile balistique.
(10) « Rôle 2 » est la désignation de l’Otan pour un hôpital de campagne de niveau intermédiaire conçu pour la réception, le triage et le traitement de patients traumatisés.
(11) European Secure Software Radio qui vise à développer un standard partagé de radio logicielle.
(12) Le budget opérationnel de l’AED est d’environ 8 millions d’euros, projets de R&D compris. Il est maintenu constant hors inflation et augmentation des coûts de fonctionnement. Les projets de R&D portent essentiellement sur un laboratoire de lutte anti-IED (Improvised Explosive Device) et sur un démonstrateur de drone et de guerre des mines.
(13) Visioconférence à l’École de Guerre, le 1er décembre 2011.
(14) Advanced European Jet Pilot Training ayant pour but le développement du remplaçant européen de l’Alpha-Jet.
(15) Active Layered Theatre Ballistic Missile Defense : programme de l’Otan devant aboutir à l’horizon 2020 à la mise en place de capacités antimissiles balistiques.
(16) Alliance Ground Surveillance : programme Otan déjà cité.