Berlin : quelle crise ?
On ne peut manquer de songer au titre de Graham Green : « La puissance et la gloire » en étudiant le comportement de M. Khrouchtchev. Le rapprochement ne doit pas aller plus loin, mais la juxtaposition des deux mots est, en elle-même, assez significative. Il est bien évident — nul ne peut le nier — que le vol spatial du commandant Titov est un exploit remarquable. Après avoir réussi à mettre en place l’immense appareillage indispensable pour vaincre momentanément la pesanteur, les savants soviétiques ont franchi l’étape physiologique de la lutte de l’homme contre l’espace, de la matière contre le vide.
Avec Gagarine ils avaient montré que l’homme peut s’élancer et devenir satellite à quelques centaines de kilomètres du globe, avec Titov ils viennent de montrer qu’il peut survivre longtemps — et l’antécédent de la petite chienne Laïka permet d’affirmer que l’homme vivra dans l’espace. Mais il convient de distinguer l’exploit lui-même de l’exploitation politique qui en a été faite. Il serait sans doute hasardeux d’affirmer que le commandant Titor a été envoyé dans l’espace pour que M. Khrouchtchev dispose d’arguments supplémentaires sur le plan diplomatique, mais il n’en est pas moins vrai qu’à peine réussi, cet exploit a pris place dans l’arsenal soviétique — comme, avant lui, le lancement du premier Spoutnik, l’expérience réussie avec la chienne Laïka, plusieurs vols scientifiques, puis celui du commandant Gagarine. Alors qu’en fait ces succès mettent en question, d’une part la puissance créatrice des savants russes, d’autre part les rapports établis en U.R.S.S. entre l’enseignement, la recherche et l’industrie, le système de recrutement des étudiants et des chercheurs, les moyens financiers et techniques dont disposent les laboratoires, etc… il a été présenté comme expression du régime communiste lui-même. Militairement il ne modifie pas le rapport des forces entre l’Est et l’Ouest. Psychologiquement il permet à l’U.R.S.S. de marquer un nouveau point.
Cette double signification du vol spatial du commandant Titov nous ramène à l’essentiel des tensions présentes dans le monde — puisque ces tensions sont dominées par la conjonction de ce que le général Stehlin définit comme « le fait nucléaire » et « le fait idéologique ». Et c’est cette conjonction qui, seule, permet d’expliquer la situation présente des tensions Est-Ouest.
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