Histoire et stratégie
Nous avons appris que la stratégie était l’art d’amener les moyens militaires à la bataille : l’objet de toute action militaire était la destruction des forces armées adverses, dont le plus sûr moyen était leur annihilation physique. L’apparition des armements nucléaires a permis de transformer ce qui n’avait guère été jusqu’à présent qu’une clause de style en une effroyable, mais réelle possibilité.
Liddell Hart, dans un ouvrage important dont la traduction française vient de paraître (1) et dont le titre anglais : « Strategy » est transcrit en français sous une forme à la fois plus explicite et cependant moins exacte : « Histoire mondiale de la stratégie », prend le contre-pied de nombreuses vérités jusqu’à présent admises. Cette prise de position mérite qu’on s’y arrête, puisqu’elle est celle d’un penseur et d’un écrivain qui fait autorité en matière militaire. Elle s’appuie sur un raisonnement initial que l’on peut ainsi résumer : la menace de l’emploi des armements nucléaires augmente la probabilité des guerres limitées, menées à l’aide d’armements classiques et dans lesquelles il convient d’éviter le déclenchement de la puissance de destruction atomique ; il en résulte que l’agresseur — de même que, par corollaire, la victime de l’agression — doit faire preuve d’une plus grande habileté stratégique qu’autrefois ; elle exige une « reconversion de la stratégie » et d’autre part des « propriétés intelligentes qui l’élèvent au-dessus de l’application brute de la force » ; l’intelligence est indispensable à l’application des méthodes indirectes, qui sont « l’essence de la stratégie ». Pour démontrer ce dernier point, Liddell Hart s’appuie sur des exemples historiques choisis dans tous les temps, convaincu et voulant convaincre que « l’histoire de la stratégie est essentiellement un tableau de cas concrets de l’approche indirecte et de son évolution ». Plus généralement, il constate que « l’approche indirecte » est « une loi de la vie dans tous les domaines » et s’élève par conséquent au niveau d’une « vérité philosophique ».
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