Armes atomiques et non atomiques dans la défense de l'Eurafrique
Ainsi donc, il faut à l’Eurafrique des institutions politiques et une nouvelle doctrine de guerre (1). Mais il lui faut aussi une nouvelle stratégie et, quand nous l’aurons définie, une nouvelle organisation et une nouvelle tactique de ses Armées. L’Europe, vue de Washington, avons-nous écrit, apparaît comme une simple tête de pont. Quoi de plus naturel, quoi de plus raisonnable pour un stratège du Pentagone ? Cette vision particulière demeurerait sans mauvaise conséquence s’il existait pour lui faire équilibre, au sein de l’Alliance Atlantique, une véritable pensée politique européenne, maîtresse elle aussi de sa stratégie.
Or cette pensée ne s’exprime pas à l’OTAN. Dans les débats les plus solennels et les plus graves tenus sur l’affaire de Suez, nous avons vu, avec le cœur plein de honte, l’énergie européenne se dissoudre en de médiocres confrontations de politiques de provinces. Aucune vue de l’avenir, aucune intelligence de l’histoire n’a soulevé le Conseil. Cependant un système militaire ne se détermine qu’en fonction de la politique qui l’inspire. La stratégie se subordonne aux desseins des hommes d’État. Ne nous étonnons pas de devoir aujourd’hui proclamer que la division de l’Europe, dont les États-Unis ne sont certes pas responsables, fausse la stratégie du monde libre.
Depuis la signature du traité de l’Atlantique-Nord et jusqu’à une date récente (2), la stratégie de l’OTAN s’est à peu près uniquement donné pour but la défense de l’Europe contre une attaque brusquée soviétique. C’était une vue singulièrement étroite. Aussitôt nouée l’Alliance Occidentale et prises les premières mesures de défense, une attaque de l’Europe sur le front de l’Est devenait, de toutes les possibilités offertes à la stratégie du Kremlin, la plus hautement improbable. Elle était contraire à l’art de la guerre car on n’attaque pas un ennemi en son point le plus fort si l’on a la possibilité de le frapper en un point plus faible et par là de contourner sa position. Elle était peu vraisemblable du point de vue politique. Comment imaginer en effet le Gouvernement des Soviets s’engageant dans une aventure où il risquerait de ruiner en un seul coup les conquêtes et les réalisations prolétariennes accomplies depuis quarante années ? Enfin, l’attaque soviétique en Europe contredisait la doctrine communiste. Selon celle-ci, la conquête du monde doit se faire par la subversion. L’action la plus payante est l’action clandestine. L’Armée Rouge ne demeure puissante que pour servir aux pressions politiques sur l’Europe même, cependant que l’action révolutionnaire agit sur le flanc de celle-ci et l’enveloppe par le Moyen-Orient et l’Afrique.
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