Pour l’Europe
Dans ce petit ouvrage, le Président Schumann a juxtaposé des fragments de discours, d’articles, de déclarations en vue de donner de la conception d’une Europe unie une idée claire. Partant d’une constatation de moins en moins discutée sur l’absurdité du morcellement de l’Europe et le danger de ses conséquences, le Président Schumann démontre que l’Europe doit être d’abord une communauté de culture. Cette communauté ne peut s’établir que sur des bases chrétiennes, parce que le christianisme a inspiré, imprégné et consolidé la civilisation européenne, mais aussi parce qu’il est d’essence démocratique.
Une démocratie n’est pas fonction d’un régime politique ; c’est une attitude spirituelle qui admet l’égalité des hommes, convient qu’une vérité ne s’approche que progressivement, reconnaît la valeur des idées personnelles et régionales. La démocratie correspond donc aux besoins d’une Europe dont il serait illusoire de penser que les frontières ethniques, linguistiques et sociales peuvent s’effacer d’un seul coup, mais dont il est logique de croire qu’elle doit réussir à surmonter son morcellement et les rivalités ou les hostilités qu’il entraîne. La France et l’Allemagne, sur le continent, sont les deux grandes puissances européennes actuelles ; si l’entente ne pouvait se réaliser entre elles, toute tentative d’unification culturelle, économique, sociale et politique perdrait d’emblée toute chance de réussite. Les peuples européens, que leur unification soit ancienne comme en France, ou récente comme en Allemagne et en Italie, peuvent trouver dans leur évolution historique un guide vers les modifications nécessaires à la situation récente ; mais c’est sans doute la France, centralisée et uniformisée, qui a le plus de chemin à parcourir, car ses partenaires ont l’habitude de l’union de collectivités autonomes ou indépendantes. C’est par les relations économiques qu’il importe de commencer l’unification de l’Europe, car l’abaissement des tarifs douaniers correspond à un besoin entre des économies nationales, au fond, similaires. Il est hors de doute que l’intégration politique devra suivre tôt ou tard. Mais il serait dangereux de la vouloir réaliser trop rapidement. Le temps doit faire son œuvre et permettre aux oppositions ou aux hésitations de s’effacer d’elles-mêmes.
La plupart de ces idées sont devenues maintenant presque banales. Cette banalité est leur titre de noblesse, car il suffit de faire un retour en arrière pour imaginer facilement à quel point elles auraient désorienté le lecteur si elles lui avaient été présentées il y a un quart de siècle.
Le livre de Robert Schumann est donc à la fois un abrégé et une synthèse du problème de l’unification européenne et des voies à suivre pour le résoudre. ♦