La recherche française a gravement souffert des deux guerres, qui ont entraîné d’une part une ponction sur les élites et des destructions que n’ont connues aucun autre pays, d’autre part, l’isolement de nos chercheurs pendant cinq ans, et bien souvent la dislocation des équipes existantes. Tel a été le cas notamment de notre recherche atomique.

Un autre élément a longtemps pesé lourdement sur notre recherche : la dépression démographique si caractéristique de la période qui s’est écoulée entre les deux guerres. Nous avions, sans nous distinguer par là des autres nations, formé peu de scientifiques avant la première guerre mondiale. La population scientifique française compte donc peu de vieillards. Mais, chose beaucoup plus grave, du fait du déclin démographique d’entre les deux guerres, nous avons aussi très peu de scientifiques d’âge mûr. C’est maintenant seulement que la base de recrutement des chercheurs commence à s’élargir. Et si l’on y prend garde, c’est depuis dix ans seulement que se sont dissipées bien des craintes pernicieuses éveillées par la dépression démographique, — crainte d’un crépuscule du capitalisme, crainte du déclin d’une société parvenue à maturité, crainte d’une stagnation économique durable —.

Autant le climat général de cette période était peu propice à la poursuite d’un effort de recherche vaste et soutenu, autant les circonstances actuelles lui semblent favorables, les séquelles économiques de la guerre étant effacées. Une expansion économique presque continue permet, sans grever l’économie d’une charge insupportable, de doter la recherche des moyens matériels qui lui sont nécessaires. D’autre part, la reprise démographique commence à faire sentir ses effets. Une jeune génération de scientifiques, de formation très solide, consciente de son rôle, ouverte aux contacts avec l’étranger, surgit peu à peu. C’est sur elle évidemment que reposent tous nos espoirs.