La politique extérieure de la Ve République
Au cours professé aux étudiants de « Science Po », en 1964, l’auteur a laissé le ton familier et n’a ajouté qu’un chapitre, en guise de postface, pour tenir compte des événements survenus dans le monde au cours du second semestre de l’année. Il a conservé aussi ce double caractère qui doit avoir un cours : une information sur les faits et les idées qui les provoquent, un commentaire explicatif sur ce que les militaires appelleraient « un cas concret ». C’est ce qui fait à la fois la force et la faiblesse d’un semblable ouvrage, où le grand public auquel il s’adresse trouvera l’opinion de l’auteur et une dissection de la politique extérieure qui se fonde sur les explications qu’il en fournit.
Alfred Grosser juge le bilan de cette politique assez maigre sur le plan positif, assez lourd sur le plan négatif. Il en donne pour raison qu’elle n’a pas de fondements suffisamment définis, de but suffisamment vaste pour satisfaire l’esprit et pour lui apporter l’adhésion de toute une opinion. Celle-ci est flattée par la recherche et l’obtention d’un prestige, qui est indiscutablement à porter à l’actif du gouvernement de la Ve République et qui satisfait ses réactions instinctives profondes, mais à tout prendre peu raisonnées. Cette opinion ne s’intéresse pas aux « grands problèmes » difficiles des relations entre les États et les nations, en vue de construire un monde futur sur des bases solides. Elle ne se passionne pas pour la Défense (notons à ce sujet que l’auteur fait à plusieurs reprises mention d’articles parus dans la Revue Défense Nationale). En somme, elle flotte, dépassée par les concepts qui la dirigent et semblent ne pas directement la concerner.
L’analyse est très pénétrante, très intelligente. Elle est facile à suivre. Elle est évidemment discutable ; comment ne le serait-elle pas, en traitant de phénomènes qui, se déroulant sous nos yeux, ne sont pas arrivés à leur terme et dont les causes ou les motifs restent enveloppés du secret diplomatique ?
On lira ce livre avec le plus grand intérêt. Il apporte, malgré ses inévitables limites une vue claire sur l’instant que nous vivons, dans ses différentes hypothèses d’évolution. ♦