Aéronautique - Le vol de Gemini V et son enseignement - Possibilités d'utilisation du Mirage IV en Grande-Bretagne
Le vol de Gemini V et son enseignement
Pendant 8 jours consécutifs, Gordon Cooper et Charles Conrad ont tourné autour de la Terre, effectuant 120 révolutions à plus de 30 000 km à l’heure de moyenne. Malgré l’incident de la pile à combustible et quelques difficultés mineures imprévisibles, ce vol a permis aux Américains de déclarer qu’ils avaient repris aux Russes la première place dans la course à l’Espace et qu’ils pouvaient espérer envoyer un homme dans la Lune avant 1970.
L’incident de la pile à combustible a tout d’abord donné l’occasion au grand public d’être informé davantage sur cet appareil qui fournira peut-être dans le futur le moyen de se passer des accumulateurs actuellement utilisés pour fournir du courant électrique.
Fonctionnant sur le principe inverse de l’électrolyse de l’eau, la pile comprend des compartiments à hydrogène, des compartiments à oxygène ; l’hydrogène et l’oxygène en se réunissant pour former de l’eau provoquent un courant électrique. Ce phénomène de création de courant et de combinaison de l’hydrogène et de l’oxygène est d’autant plus important que la pression des gaz est plus forte. Or, au début du vol, la pression de l’oxygène était tombée au dixième de la valeur prévue réduisant dans la même proportion la quantité de courant disponible.
Pour obtenir une amélioration de cette situation, il aurait fallu que la résistance électrique prévue en partie pour augmenter la pression en chauffant les composants, fonctionne correctement.
Or, pendant toute la durée du vol, ce système de chauffage a été défaillant et les responsables de l’expérience n’ont pas cessé de surveiller la pression d’oxygène déficiente, décidés à arrêter le vol si la production d’électricité tombait à un niveau dangereux pour la sécurité, car la pile devait faire fonctionner les calculateurs, le radar et les appareils de liaison radio et de contrôle du vol.
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C’est sans doute dans le domaine de l’adaptation humaine à l’apesanteur et à la vie dans une capsule que l’expérience a donné le plus de résultats intéressants et en général optimistes.
Tout d’abord les deux cosmonautes confirmèrent l’extraordinaire acuité visuelle de l’homme à 400 kilomètres de la Terre.
Conrad aperçut des avions en vol, distingua les rues de Jacksonville en Floride et le sillage des bateaux.
Il se rendit compte du lancement d’une fusée Minuteman qui s’élevait au-dessus des nuages près de Vandenberg.
La tension et le taux de battement cardiaque, qui étaient suivis de très près par les médecins du Cap Kennedy, ne donnèrent pas lieu à des constatations inquiétantes. Après avoir atteint 135 battements par minute, le cœur se stabilisa légèrement au-dessous de 80 pour tomber à un peu moins de 50 et même jusqu’à 40 pendant les heures de sommeil à partir du 4e jour. Cette constatation, si elle est confirmée lors du vol de 14 jours de Gemini 7 qui doit avoir lieu en 1966, amènera sans doute les responsables des programmes à obliger les cosmonautes à faire plus d’exercices. En définitive, après avoir atteint 180 pulsations à la minute pendant la phase de retour dans l’atmosphère terrestre, les battements redevinrent à peu près normaux 48 heures après.
Aucune sensation de vertige ou de malaise ne fut décelée chez les deux hommes qui descendirent de l’hélicoptère et marchèrent seuls sans difficultés sur le pont du Lake Champlain pour rejoindre la salle d’examen médical. Cooper avait perdu 3,5 kg, Conrad 4. Ni l’un, ni l’autre ne semblaient avoir souffert de déshydratation, comme dans les vols précédents. Ceci était dû en partie au choix de la nourriture à la suite des vols antérieurs. Les expériences sur le sommeil permettront sans doute d’améliorer encore, dans le futur, l’état des cosmonautes. En effet, d’après Cooper et Conrad, il est très difficile de dormir dans la capsule s’il n’y a pas silence total. Quand l’un d’entre eux ne dormait pas, celui qui devait se reposer était très souvent réveillé par le moindre bruit, le silence qui y régnait habituellement étant particulièrement grand. Bien que les périodes de sommeil aient été plus importantes que dans les expériences précédentes, 6 à 7 heures au lieu de 4, il semblerait utile pour le comportement humain de les augmenter encore.
Parmi les commentaires fournis par les intéressés eux-mêmes, on peut noter leur désir d’une nourriture plus proche de la normale, d’un horaire de travail moins astreignant et de vêtements plus confortables. Tous deux recommandèrent en outre de faire plus d’exercices à bord pour ne pas souffrir au retour sur la terre de douleurs dans les muscles des jambes condamnées pendant huit jours à l’inaction.
Ce vol permit, en outre, de réussir un certain nombre d’expériences : liaisons à très haute fréquence - liaisons à hautes fréquences - photographies de la surface terrestre d’objet environnant et de lumière zodiacale - étude des charges électrostatiques.
Les photographies de la terre qui ont déjà été révélées font preuve d’une qualité telle que les Russes, à l’issue du vol de Gemini 5, ont déclaré que les Américains avaient pris des risques pour la vie de leurs pilotes et avaient profité des passages au-dessus du Nord-Vietnam, de Cuba et de la Chine pour faire de l’espionnage.
Enfin, bien que l’incident de la pile à hydrogène et oxygène n’ait pas permis d’effectuer la mission d’interception qui était prévue et devait encore marquer la suprématie américaine, il est intéressant de noter l’exercice fait sur un objectif fictif. Après avoir utilisé une fusée, Cooper modifia l’apogée de la courbe de Gemini de 20 km. Il éleva ensuite le périgée de 16 km. Il put ensuite changer le plan de l’orbite dans laquelle il se déplaçait et se trouva à une cinquantaine de kilomètres de son objectif, suffisamment près, semble-t-il, pour réussir une opération de « rendez-vous » à vue.
En faisant le bilan des progrès réalisés par les Américains depuis le 21 juillet 1961, date du premier « saut de puce » de Grissom, et le 20 février 1962, date du premier vol orbital de John Glenn, on peut envisager avec optimisme l’avenir de l’homme dans l’espace et prévoir sérieusement maintenant, avant une dizaine d’années, l’exploration des planètes du système solaire.
Possibilités d’utilisation du Mirage IV en Grande-Bretagne
Au moment où l’industrie aérospatiale britannique traverse une des périodes les plus sombres de son histoire, on peut se demander si, comme certaines informations de presse l’ont laissé prévoir, le Mirage IV, légèrement transformé par l’utilisation de réacteurs Rolls-Royce Spey et d’un équipement électronique conçu et fabriqué en Grande-Bretagne, ne pourrait pas être commandé par la Royal Air Force.
La RAF s’est montrée jusqu’à présent assez réticente à l’égard de l’avion français pour trois raisons principales qui sont inhérentes au Mirage :
– la longueur de la piste nécessaire au décollage et à l’atterrissage,
– le faible rayon d’action,
– le manque de solidité pour des missions à basses altitudes.
Pour répondre à ces accusations, les défenseurs de cet avion estiment que le Mirage IV avec des réservoirs supplémentaires emporte déjà 19 000 litres de carburant dans sa version actuelle et a une distance franchissable qui, dans certains cas d’utilisation, peut déjà atteindre plus de 3 500 km, ce qui n’est pas négligeable. Les réacteurs Rolls-Royce Spey 25R, qui pourraient être montés à la place de l’Atar 9K de la Snecma, ont une poussée équivalente pour une dépense bien moindre en pétrole à cause de leur double flux ; ils augmenteraient ainsi les possibilités de l’avion dans ce domaine.
Il n’est pas impossible, en outre, d’envisager un renforcement de cellule pour supporter les efforts supplémentaires demandés par les vols à basse altitude.
Quant à l’utilisation de pistes plus courtes, on peut prévoir des fusées d’appoint pour le décollage et un parachute-frein plus efficace que celui actuellement en service à l’atterrissage.
Le General Dynamics F-111 Aardvark, qui répond davantage aux desiderata de la RAF, a naturellement pour lui d’être destiné à remplacer des avions rapides comme le McDonnell Douglas F-4 Phantom II ou le Convair B-58 Hustler et d’être plus moderne. L’expérience de la guerre au Vietnam a remis l’accent sur l’importance des bombardiers par rapport aux fusées sol-sol et il n’est pas douteux que l’industrie aéronautique américaine, dont les possibilités sont bien supérieures à celles de la Grande-Bretagne et de la France, sera capable de sortir cet avion en grande série d’ici peu. Mais actuellement le F-111 n’est pas encore en formation et fera certainement l’objet de mises au point qui retarderont encore sa livraison.
D’autre part, le prix du Mirage IV serait 2 à 3 fois inférieur à celui du F-111, ce qui dans la conjoncture actuelle de l’économie britannique peut avoir une importance considérable.
Les possibilités de livraison des cellules ne devraient pas poser de problèmes.
En tenant compte des besoins de la RAF, qui se montent à environ 80 pour un tel type d’avion, il serait possible de prévoir une production conjointe entre la compagnie Marcel Dassault et la British Aircraft Corporation (BAC). L’industrie de la Grande-Bretagne n’y perdrait pas et son Gouvernement pourrait ainsi se libérer un peu de l’énorme emprise américaine dans ce domaine.
La partie n’est certes pas encore gagnée pour le Mirage, mais il n’est pas impossible qu’elle le soit ; dans ce cas les industries aéronautiques de la France et de la Grande-Bretagne, qui ont déjà collaboré sur la réalisation du Concorde et sur les projets d’un avion à géométrie variable, en tireraient un bénéfice incontestable. ♦