Le 26 janvier 1940, le colonel de Gaulle adressait aux généraux Gamelin, Weygand et Georges, ainsi qu’à MM. Daladier et Reynaud, un mémorandum, où il traitait, avec sa lucidité et sa hauteur de vue habituelles, l’ensemble de la situation stratégique du pays.
Documents : Mémorandum du 26 janvier 1940 (extraits)
Le 26 janvier 1940, le colonel de Gaulle adressait aux généraux Gamelin, Weygand et Georges, ainsi qu’à MM. Daladier et Reynaud, un mémorandum, où il traitait, avec sa lucidité et sa hauteur de vue habituelles, l’ensemble de la situation stratégique du pays (1). Il concluait en ces termes :
« La lutte dans laquelle nous sommes engagés implique une réforme profonde de notre système militaire. L’activité étant la condition de la victoire et la force mécanique constituant désormais, dans l’ensemble des moyens, l’élément essentiellement actif, c’est cette force qu’il faut, avant tout, créer, organiser, employer. Corrélativement, les effectifs mobilisés ne sont à conserver au front que dans la mesure compatible avec les nécessités du développement, économique requis. Il s’agit de réaliser un instrument de manœuvre, de puissance et de vitesse qui constituera le facteur principal, le critérium de notre action et que les éléments subsistants du système ancien auront à seconder suivant leurs aptitudes, bien loin de le plier à leurs propres possibilités.
Une telle réforme exige d’abord, un très vaste effort de fabrication. Du moment où nous déciderions de changer par la force mécanique le caractère de la guerre, l’étendue et le rythme des constructions qui s’y rapportent devraient être modifiés du tout au tout. À vrai dire, la force des choses se charge déjà de nous y pousser. Parmi les dépenses d’armements, la proportion de celles qui concernent les avions et les chars marque, de mois en mois, une ascension vertigineuse. Mais, au lieu de nous laisser peu à peu et comme par contrainte entraîner vers les sommets, il convient de viser tout de suite et délibérément à atteindre le maximum. L’activité industrielle des Empires français et britannique devra être multipliée à cet égard et, surtout, le concours américain obtenu dans des conditions d’ampleur et de hâte sans rapport aucun avec ce qui se fait. On doit, bien entendu, en dire autant de l’effort scientifique et technique pour ce qui concerne la recherche, l’invention et l’expérimentation. La timidité constatée à ce point de vue dans notre peuple qui, naguère, inventa l’avion, le char, le cuirassé, n’est pas la moins fâcheuse conséquence d’institutions militaires qui découragent l’esprit du temps de souffler à. leur profit.
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