Politique et diplomatie - Hausse de tension dans le détroit de Formose
Ce n’est pas la première fois que les événements militaires dont le détroit de Formose est le théâtre inquiètent l’opinion mondiale. Depuis qu’en 1950 les forces de Pékin ont échoué dans leur tentative de s’emparer des îles de Quemoy et Matsu, la tension internationale s’est élevée à plusieurs reprises dans cette région du fait de l’intensification des combats entre les forces de Tchang Kai Chek et celles de Mao Tse-toung. La question de Formose et du détroit comporte divers aspects stratégiques, juridiques, politiques.
Les aspects stratégiques d’abord. Ils ne sauraient être évoqués sans qu’il soit fait mention en premier lieu de quelques données géographiques. Le détroit de Formose qui sépare l’île du continent chinois est large d’environ 160 kilomètres. Dans ce détroit les nationalistes de Tchang Kai Chek occupent un groupe d’îles, les Pescadores, distant de 65 kilomètres environ de la côte formosane, et les deux groupes d’îles de Matsu, au nord, et de Quemoy, au sud ; le premier situé à 160 kilomètres de Formose et à moins de 30 kilomètres du continent ; le second à plus de 200 kilomètres de Formose et à une vingtaine de kilomètres du continent. Formose est peuplé de 10 millions (1) d’habitants environ, alors que les îles n’étaient habitées que de quelques familles de pêcheurs aujourd’hui pour la plupart évacuées. En fait, l’île de Quemoy notamment, la plus proche du continent, est devenue une place forte avancée des nationalistes qui y ont massé, dit-on, un tiers des effectifs dont ils disposent ainsi qu’un important armement. Face à Quemoy, les communistes occupent l’île d’Amoy sur laquelle ils ont établi d’importantes forces d’artillerie, de même que sur le continent. En sorte que les troupes nationalistes de Quemoy sont sous le feu des batteries côtières de Pékin quand il plaît à Pékin de les employer.
Quant aux aspects juridiques ils ne méritent pas de longs développements : Pékin revendique la souveraineté sur tout le territoire soumis antérieurement à l’autorité du gouvernement chinois et considère Tchang Kai Chek comme le gouverneur rebelle d’une province qu’il s’agit de replacer de gré ou de force sous l’autorité du pouvoir central. Tchang Kai Chek, par contre, se considère comme le pouvoir légitime, momentanément obligé par une rébellion victorieuse à se replier sur les parties les plus excentriques du territoire national mais qui n’en assume pas moins tous les droits du gouvernement chinois. On sait que les puissances ont, soit entériné le fait accompli et reconnu le gouvernement chinois de Pékin — tel fut le cas de la Grande-Bretagne en 1950 —, soit refusé de transférer du gouvernement nationaliste au gouvernement communiste la qualité d’autorité légitime, c’est le cas des USA et jusqu’à présent de la France. Cette situation a eu, jusqu’à ce jour, pour conséquence le refus d’admettre aux Nations Unies le gouvernement de Pékin et le maintien du gouvernement nationaliste au siège que la Chine occupe non seulement à l’Assemblée, mais en qualité de membre permanent au Conseil de Sécurité. On peut évidemment s’étonner de voir figurer parmi les cinq Grands de l’ONU un gouvernement qui n’a autorité que sur les 10 millions de Formosans. On doit, d’autre part, se demander quelles seraient les conséquences internationales de la substitution d’un gouvernement représentant — bon gré, mal gré — 600 millions de Chinois au gouvernement de Tchang Kai Chek.
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