La nouvelle stratégie navale soviétique
La parution en 1962 de la première édition de l’ouvrage « La Stratégie Militaire » rédigé par un groupe d’auteurs soviétiques sous la direction du Maréchal Sokolovski a provoqué dans les milieux militaires occidentaux un vif intérêt et de nombreux commentaires. Cet intérêt est légitime, car il y a peu de doute que cet ouvrage, par sa large diffusion en U.R.S.S. même, n’est pas seulement une arme de propagande et de dissuasion à l’intention de l’Occident. Il faut cependant prendre garde : sa valeur n’est que relative et sa validité est limitée dans le temps.
Il est en effet très probable que cette publication officielle a été suscitée pour mettre un terme à une sérieuse polémique, nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, née du fait nucléaire et de l’avènement des armes nouvelles ; comme tout arbitrage, c’est un compromis qui n’a satisfait personne, et les discussions n’ont pas manqué de continuer. Au demeurant, il est normal que la doctrine ne soit pas figée et que son évolution accompagne celle des faits et de la technique. Aussi a-t-on vu en 1963 paraître une nouvelle édition assez fortement remaniée, que d’autres pourraient suivre ; des articles de la presse soviétique sont venus compléter l’ouvrage, notamment un article du Maréchal Sokolovski lui-même, paru dans « l’Étoile Rouge » (1) des 25 et 28 août 1964. Avec ces restrictions qu’il importe de ne pas perdre de vue, et en les confrontant sans cesse avec les faits comme avec ce qu’on connaît par ailleurs de la pensée militaire soviétique, l’ouvrage du Maréchal Sokolovski peut servir de fondement à toute étude générale sur la doctrine militaire soviétique.
Cette doctrine, compromis entre la théorie de la guerre courte et celle de la guerre prolongée, admet désormais qu’à une période initiale essentiellement nucléaire et d’importance capitale, sans être nécessairement décisive, pourrait succéder une période d’hostilités prolongées, et que dans tous les cas la victoire ne peut être obtenue que grâce aux efforts conjoints de toutes les composantes des Forces Armées dans le cadre d’opérations coordonnées sur terre, en l’air et sur mer. Postulant que c’est l’Occident qui déclencherait les hostilités, et estimant que les armements nucléaires à base de missiles constituent un moyen décisif à tous les échelons (du stratégique au tactique), elle conclut que la guerre sera nécessairement nucléaire et qu’elle s’étendra au monde entier.
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