L'auteur fait le point sur la situation en Allemagne : ravitaillement et production agricole, reconstruction, industrie et saisies alliées, dénazification, enseignement, presse, politique,
Notes sur l'Allemagne
En parcourant l’Allemagne, on s’aperçoit que la question la plus embarrassante, dans la zone française et dans toutes les zones, est celle du ravitaillement : pour le moment et pour un ou deux ans. L’Allemagne a toujours été déficitaire au point de vue agricole. Elle produisait jadis, d’après les statistiques officielles, 83 % de sa consommation. Ce chiffre m’a toujours paru exagéré. Aujourd’hui il ne répond plus à rien, la guerre et ses suites ont tout changé.
Les dégâts subis par la terre ne sont pas énormes. La récolte de céréales est assez bonne. Mais de vastes territoires sont annexés à la Pologne, les habitants en ont été chassés, souvent les récoltes n’y ont pas été faites. Une grande partie de la population allemande s’est déplacée. Les transports sont presque inexistants ; dans la faible mesure où ils subsistent, ils sont gênés par la séparation des zones. D’autre part les Allemands avaient pillé toute l’Europe ; il doit y avoir des stocks cachés, nul n’en connaît l’étendue.
Lorsqu’on s’entretient avec des autorités alliées chargées du ravitaillement, on a l’impression que leurs calculs manquent de base réelle. Dans la zone française, par exemple, on n’avait pas encore pris contact, lorsque j’y suis passé, avec les Bauernführer, chefs de la paysannerie, mis en place par les nazis et naturellement nazis, mais qui connaissaient mieux que quiconque la répartition des cultures, la production moyenne de leur secteur, etc. Dans cette zone, il y aurait un léger excédent de bétail, de produits laitiers, de vin, un déficit de pommes de terre et de sucre. Le programme ébauché pour l’an prochain comporte une augmentation de 25 % des surfaces plantées en pommes de terre, aux dépens des céréales et des herbages. Notre zone, qui ne comprend pas de grandes villes, se trouverait donc relativement favorisée. Cependant elle doit nourrir, outre ses 8 millions d’habitants, près de 300.000 hommes de troupes d’occupation, 250.000 prisonniers allemands, 150.000 prisonniers et déportés polonais, etc. Nous devons nourrir aussi les 500.000 habitants du secteur français de Berlin. Le déficit pourra être considérable. Les Américains y pourvoiront, mais il faudra les payer en dollars.
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