Militaire - Au Vietnam - Le Livre blanc britannique sur la Défense - La République fédérale allemande et le Traité de non-dissémination des armes nucléaires - Les rapports entre les États-Unis et la Turquie
Au Vietnam
Depuis la fin de la trêve du Têt la guerre s’intensifie au Vietnam. Devant l’attitude et les exigences des dirigeants nord-vietnamiens, les États-Unis augmentent leur pression militaire pour contraindre Hanoï à négocier. Un récent sondage d’opinion évalue à 67 % des personnes interrogées celles qui estiment nécessaire de « faire mal » à l’adversaire pour l’amener à une table de conférence. Le président Johnson partage cette opinion.
En conséquence, le Pentagone se proposerait d’accroître les attaques contre les sites de missiles sol-air, d’intensifier les bombardements des installations industrielles et le minage des cours d’eau. Le Haut Commandement américain envisagerait également d’obtenir du président Johnson l’autorisation d’attaquer les convois ennemis dans les agglomérations urbaines, où ils restent immobilisés de jour, mettant ainsi à profit les restrictions qui affectent les bombardements américains au Nord Vietnam.
Le président Johnson semble toutefois vouloir éviter les solutions extrêmes. Il paraît en particulier inconcevable qu’il puisse risquer de heurter l’URSS au moment où Washington croit déceler un assouplissement de l’attitude du Kremlin et son désir de rechercher une solution au conflit.
Quoi qu’il en soit, le conflit s’intensifie au sud comme au nord du 17e parallèle et l’on reparle du problème de l’accroissement des effectifs. Ils atteignaient au 25 mars 425 000 hommes (en augmentation de 10 000 sur les effectifs du mois précédent, et auxquels il faut ajouter 54 000 h. des Forces du monde libre) et le chiffre de 475 000 est avancé pour décembre 1967, chiffre qui ne pourra être atteint sans poser de sérieuses difficultés au Département de la Défense. Les forces rebelles compteraient 287 000 hommes.
Le Livre blanc britannique sur la Défense
Publié en février dernier, le Livre blanc sur la Défense pour l’exercice 1987-1988 confirme les grandes lignes de la politique britannique en matière de stratégie militaire. Les crédits consacrés à la Défense sont en très légère augmentation par rapport à ceux de l’année précédente : 2 205 millions de livres, soit environ 80 milliards de francs français, contre 2 172.
Le Gouvernement maintient sa position concernant une révision de la stratégie de l’Otan en fonction de la situation européenne.
L’armée britannique stationnée en Allemagne fédérale sera réduite si une entente n’intervient pas entre les deux pays sur la question d’achats de matériels en Angleterre correspondant à cent pour cent aux frais d’entretien de cette armée. Bonn vient de porter son offre initiale de 200 millions de marks à 450 millions, mais Londres la trouve encore insuffisante.
Les effectifs outre-mer seront également réduits d’environ 25 000 hommes d’ici le 1er avril 1968.
Le Livre blanc confirme le retrait britannique d’Aden dès que l’indépendance de la Fédération d’Arabie sera effective, tandis que sera renforcée l’organisation dans le golfe Persique. Chypre et Malte verront leurs garnisons réduites.
Les effectifs des trois armées seront en diminution d’environ 4 800 hommes : 2 500 pour la Marine, 2 300 pour l’Air, ceux de l’Armée de terre étant maintenus à leur niveau actuel.
La réorganisation de l’Administration centrale, le fusionnement de certains services des trois armées permettront quelques économies.
Le Livre blanc confirme les programmes annoncés l’an dernier :
Armée de terre : développement de matériels nouveaux : artillerie de campagne et chars Chieftain.
Marine : poursuite du programme des quatre sous-marins Polaris prévus opérationnels en avril 1970 et commande de trois nouveaux sous-marins nucléaires de chasse ; transformation de deux croiseurs en porte-hélicoptères.
Armée de l’air : création d’un squadron F-111 Aardvark (General Dynamics) pour 1969, modernisation et développement du Transport Command stratégique et tactique.
Le Parlement, après un débat animé, a approuvé la politique du Gouvernement en matière de défense par 270 voix contre 231. Les critiques de l’opposition – Parti conservateur – ont porté notamment sur l’abandon d’Aden en 1968, l’absence d’un programme de porte-avions, l’insuffisance des achats allemands en Grande-Bretagne en contrepartie des frais d’entretien de la British Army of the Rhine (BAOR). L’aile gauche travailliste a reproché des crédits de défense trop importants et, de ce fait, incompatibles avec le développement économique du pays, un programme Polaris et des engagements à l’Est de Suez trop coûteux.
Le ministre de la Défense, M. Healey, a souligné que le Gouvernement prévoyait dans l’avenir de réduire encore les effectifs britanniques stationnés hors de la métropole, mais que les matériels mis en cause seraient utilisables en Europe comme à l’Est de Suez.
La République fédérale allemande et le Traité de non-dissémination des armes nucléaires
Une certaine inquiétude se manifeste en Allemagne fédérale au sujet du Traité de non-prolifération des armes nucléaires. Les conséquences en sont très importantes pour Bonn qui y voit moins une possibilité de désarmement qu’un privilège réservé aux deux supergrands, leur assurant ainsi une domination sur l’Europe et contribuant à maintenir la division de l’Allemagne.
L’opinion publique allemande estime que le rapprochement soviéto-américain marque la fin de la guerre froide mais aussi de ses illusions quant à l’accès de l’Allemagne aux armements nucléaires. Quant à l’abandon de la force multilatérale, il a été une déception car il écartait la RFA du partage des responsabilités nucléaires qu’elle recherche avec tant de ténacité. Le gouvernement allemand se montre également déçu de son impossibilité de rallier à son point de vue tous les opposants au traité de non-prolifération et s’inquiète de voir en Europe seules la France et l’Angleterre en mesure de fabriquer et de posséder ces armes.
Certes, la Bundeswehr continuera à pouvoir utiliser certaines armes nucléaires de l’Otan suivant le système de la double clé mais elle devrait abandonner tout espoir de participation à un nouveau système d’armes multilatéral.
Au point de vue scientifique, ce traité pourrait imposer un contrôle international et, par conséquent, ralentir l’essor de l’industrie nucléaire d’outre-Rhin. Or celle-ci a effectué, depuis dix ans, des progrès considérables.
En résumé, le gouvernement allemand s’inquiète par-dessus tout du rapprochement américano-soviétique qui constitue à ses yeux un regroupement des alliés d’hier. Son refus de participer à ce traité de non-dissémination ne pourrait que renforcer cette réconciliation.
Les rapports entre les États-Unis et la Turquie
Le président de la République turque, le général Sunay, s’est rendu le 3 avril dernier en visite officielle à Washington. Les conversations devaient porter sur la révision des 54 accords bilatéraux de défense qui lient la Turquie aux États-Unis.
Dès 1966, Ankara désirait qu’ils soient refondus en un seul, sous réserve d’y apporter des modifications concernant le statut des bases et celui du personnel américain en Turquie.
La situation politique au Moyen-Orient s’est en effet considérablement modifiée ; la Turquie souhaiterait d’une part améliorer ses relations avec ses voisins, d’autre part que les moyens militaires américains stationnés sur son territoire ne servent qu’à des interventions correspondant à ses nécessités nationales.
Les revendications d’Ankara peuvent se résumer ainsi :
– contrôle des bases aériennes, des radars et des rampes de lancement de Nike stationnés sur son territoire ;
– utilisation pour ses propres besoins de ces installations ;
– augmentation des personnels turcs travaillant sur les bases américaines ;
– limitation des avantages accordés aux troupes américaines : exemption des droits de douane dont bénéficient les coopératives et les personnels américains et qui sont à l’origine d’une contrebande préjudiciable aux finances turques ;
– possibilité de livrer aux tribunaux turcs les Américains coupables de certains délits de droit commun ;
– diminution des effectifs américains stationnés en Turquie, actuellement de l’ordre de 80 000 personnes.
Ces différents points avaient déjà été l’objet de conversations à Ankara mais les Américains avaient opposé aux Turcs un refus très net en ce qui concerne l’utilisation des bases et des armes installées en Turquie.
Le gouvernement turc a besoin de l’aide des États-Unis pour parfaire la modernisation de ses armées. Cette aide a été évaluée à environ 900 millions de dollars pour la période 1966-1970 mais Washington n’avait accordé que 670 M, acceptant toutefois une réduction du prix des matériels fournis. Jusqu’ici :
– un escadron de Northrop F-5 Freedom Fighter a été livré en 1966,
– un deuxième le sera en 1967,
– enfin, un troisième en fin d’année.
– un destroyer a été remis aux autorités turques en février dernier ; le second le sera sans doute le mois prochain ;
– 1 500 chars M-48 Patton et 1 500 transports de troupes M-113 (matériel figurant dans les surplus américains et qui ont besoin d’être remis en état) seraient livrés à l’Armée de terre au cours de cette année.