Il est indispensable de partir du statut juridique de l’Allemagne parce que toutes les questions actuelles se greffent sur ce statut. Pour cela il faut revenir en arrière : en effet, le 5 juin 1945, les vainqueurs ont pris en main la souveraineté de l’Allemagne ; ils se sont en quelque sorte déclarés l’Allemagne. En 1967 encore, ce statut quadripartite de 1945 continue à constituer la base de la compréhension de la situation allemande. En effet, d’une manière extrêmement curieuse, même au plus fort de la guerre froide et aujourd’hui au milieu de la détente, ni l’un ni l’autre camp n’ont renoncé complètement à ce statut. En 1949, ils ont bien en quelque sorte rétrocédé la souveraineté qu’ils avaient assumée en 1945 à « leur » Allemagne, mais il reste des éléments importants du statut de 1945.

Par rapport à l’Allemagne de 1945, telle qu’elle est définie le 5 juin, c’est-à-dire l’Allemagne des frontières de 1987, il y a aujourd’hui plusieurs « morceaux » allemands :

— Le premier n’est plus allemand. C’est toute la région de la Prusse orientale et des territoires à l’Est de la ligne Oder-Neisse, à peu près 1/5^e — pas tout à fait le quart — du territoire allemand de 1937, devenu aujourd’hui soit russe, soit polonais.
— Deuxième Allemagne : la République Démocratique Allemande, environ 17 millions d’habitants.
— Berlin, divisé en deux et dont la nature politico-juridique est extrêmement étrange. D’abord, en 1945, c’est une enclave dans la zone soviétique d’occupation, gouvernée par un système quadripartite. En 1948, coupure politique ; il y a une municipalité de Berlin-Est, une de Berlin-Ouest. La coupure physique ne vient que le 18 août 1961 par la construction du mur. Aujourd’hui encore, ni l’un ni l’autre Berlin ne sont entièrement intégrés à leur Allemagne, mais Berlin-Est est beaucoup plus intégré à l’Allemagne communiste que Berlin-Ouest à la République Fédérale.