Aéronautique - Les forces aériennes en présence au Moyen-Orient - États-Unis : lancement du programme SST (Supersonic transport) - Coopération franco-allemande en matière spatiale
Les Forces aériennes en présence au Moyen-Orient
Après le retrait des troupes de l’ONU de la frontière égypto-israélienne, Israël et les pays arabes se trouvent désormais face à face.
Leurs Forces aériennes sont constituées pour l’essentiel de matériels les plus récents et les plus évolués, fournis par les grandes nations occidentales et l’URSS. Cette situation est le résultat d’une surenchère permanente, chaque pays voulant disposer d’armements supérieurs à ceux du voisin. C’est ainsi qu’Israël a acheté des Mirages III à la France, après que l’Égypte eut reçu des Mig-21 de l’URSS. La Jordanie, redoutant les Mirages III d’Israël, a demandé et obtenu des Lockheed Star Fighter des États-Unis. Peu de temps après, les Américains ont accepté de livrer des chasseurs bombardiers Sky Hawk à Israël.
D’une manière générale, l’organisation et l’équipement de ces forces sont liés à la nature de l’aide étrangère fournie et à l’orientation politique de chacun de ces pays.
Ainsi la République arabe unie (NDLR : l’Égypte) est entièrement équipée par l’URSS, Israël par la France et les États-Unis. Certaines nations arabes, après avoir passagèrement accepté l’aide des Soviétiques, ont tendance actuellement à revenir à leurs anciennes alliances : l’Arabie séoudite achète son matériel en Angleterre et le Liban en France. L’Irak se fournit aussi bien en Grande-Bretagne qu’en URSS.
Il est peu probable que la RAU et Israël disposent d’armements nucléaires. Aucune explosion atomique expérimentale n’a jamais été décelée au Moyen-Orient. Par contre, chacun de ces deux pays semble posséder les renseignements techniques nécessaires pour la fabrication de tels armements.
Les Égyptiens posséderaient une centaine de missiles, dont le modèle le plus récent est la fusée Al Ared, à deux étages et à propergol liquide, d’une portée de 700 km. Une équipe de savants, pour la plupart d’origine allemande, travaille de longue date à la mise au point des fusées et engins nucléaires.
Quant à Israël, il dispose d’une fusée à deux étages expérimentée dès 1964, la Shavit. Chercheurs et savants ne font pas défaut à ce petit pays : l’Institut Weizmann fait autorité dans le monde en matière atomique.
Le risque d’une attaque nucléaire d’un pays par l’autre n’est vraisemblablement pas à craindre pour l’immédiat, mais il peut être pris en considération pour les années à venir.
Le tableau succinct ci-après indique les matériels qui équipent les forces aériennes d’Israël et des pays arabes (1).
I – Israël
L’Armée de l’air israélienne, groupée en un commandement unique avec la Marine, compte 350 avions, la plupart de fabrication française, servis par 8 000 hommes :
– 3 groupes de Mystères IV et Super Mystères B2,
– 1 groupe de bombardiers légers Vautour IIA,
– 3 groupes de chasseurs Mirage IIIJ équipés d’engins air-air Matra 530,
– 2 groupes d’avions de transport Noratlas et Stratocruiser,
– 2 groupes d’avions d’appui tactique Potez Magister,
– 2 bataillons d’engins Hawk.
En tout, 225 avions de combat, 20 avions de transport, 30 hélicoptères et 60 avions d’entraînement.
Une commande de Douglas A4A Sky Hawk américains a été passée en 1966 aux États-Unis et doit être livrée prochainement. Ces avions sont des chasseurs d’attaque au sol disposant d’un rayon d’action important et d’une grande capacité d’emport en bombes et roquettes.
II - Pays arabes
• République arabe unie.
L’aviation militaire égyptienne a une structure calquée sur celle des forces aériennes russes et possède presque exclusivement des matériels soviétiques : 550 avions servis par 15 000 hommes.
– 4 escadres de chasse équipées de 52 Mig-21 et de 80 Mig-19,
– 1 escadre de 32 bombardiers légers Il-28,
– 1 escadre de 20 bombardiers lourds Tu-16 (Badger).
De plus, les Soviétiques auraient installé dans la région couvrant Le Caire, Suez et Assouan un système de défense aérienne intégré assurant, à l’aide de radars et de calculateurs, la mise en œuvre coordonnée des chasseurs d’interception et des engins sol-air SA 2 Guide line. 150 de ces engins groupés en 25 batteries seraient déjà « opérationnelles ».
Les Égyptiens disposeraient de missiles sol-sol Styx de fabrication soviétique. Ils ont développé dans leur propre industrie trois types de fusées à propergol liquide de portées variant de 300 à 700 km.
• Syrie.
Ce pays est très instable politiquement, puisqu’il a connu huit coups d’État depuis 1947. Le moral de l’armée syrienne ne serait pas excellent et son niveau opérationnel s’en ressent. Ses forces aériennes disposent de 36 Mig-21, 60 Mig-17 et 40 Mig-15, plus un certain nombre d’avions d’entraînement et d’hélicoptères de fabrication soviétique.
• Jordanie.
Le roi Hussein conduit une politique prudente, relativement tolérante vis-à-vis d’Israël et distante vis-à-vis des pays arabes engagés à l’Est, comme l’Égypte et la Syrie.
Elle bénéficie de l’aide anglo-saxonne et à ce titre, dispose d’une douzaine de chasseurs Hunter, de quelques Vampires et avions d’entraînement. Elle doit recevoir prochainement 36 F-104 Star Fighter américains, commandés en 1965. Ces avions sont considérés comme indispensables pour lutter contre les Mirages III israéliens.
• Irak.
L’armée irakienne était équipée jusqu’en 1958 par les Britanniques. Actuellement elle reçoit du matériel militaire aussi bien de ceux-ci que des Soviétiques. C’est pourquoi ses forces aériennes comprennent, outre une cinquantaine de Hunters et 40 avions d’entraînement de fabrication anglaise, 55 Mig-21, Mig-19 et Mig-17, une douzaine de bombardiers légers Il-28, des avions de transport An-12B, des hélicoptères Mil-1 et 4 et des SA-2 Guide line dont cinq bases de lancement seraient déjà opérationnelles.
La fuite d’un pilote en Israël, en 1966, à bord d’un Mig-21 a conduit l’URSS à arrêter ses livraisons, mais celles-ci ont repris depuis.
• Arabie séoudite.
L’équipement militaire de ce pays est assuré par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Équipé actuellement d’une vingtaine d’avions démodés (F-86 Sabre), il doit recevoir une quarantaine de Bac Lightning, chasseurs « Mach 2 » ultramodernes d’interception et d’attaque, de fabrication britannique.
De plus, il recevra des engins sol-air Hawk et Thunderbird.
• Liban.
L’Armée de l’air libanaise compte 600 hommes et 40 avions d’origine anglaise (Hunters et biplaces d’entraînement). Elle a actuellement en commande : 12 Mirages III, 4 avions d’entraînement Potez Super Magister, 2 hélicoptères Alouette III, et un certain nombre d’engins air-air Matra 530.
• Koweit.
Les forces aériennes de ce petit pays datent de 1960. Elles sont équipées en matériel britannique (Hunter) et doivent prochainement recevoir 14 BAC Lightning dont 2 biplaces, équipés de missiles air-air Fire Streak.
Ainsi, dans un conflit général au Moyen-Orient, Israël aurait à lutter contre des forces égales en nombre au double de ses propres forces. Cette situation lui impose une tactique particulière dans laquelle la surprise serait peut-être l’atout essentiel. Dans ce domaine, l’avion de combat, par son ubiquité, sa souplesse d’emploi et sa puissance unitaire, constitue l’arme majeure.
États-Unis : lancement du programme SST
Au début du mois de mai, le président Johnson a donné son accord pour la construction et la mise au point de deux prototypes d’avions de transport supersoniques (SST). Cette décision met le point final à une série de discussions et d’études au cours desquelles le programme SST fut vivement controversé pour deux raisons principales :
– les inconvénients dus au bang sonique produit par ces avions,
– leur rentabilité aléatoire sur des lignes commerciales.
Le bang sonique
L’utilisation intensive d’avions supersoniques sur les routes aériennes aura pour conséquence la création de vastes zones où la production des « bangs » soniques sera un phénomène permanent. Or, il ne peut être question d’imposer cette servitude aux régions à grande densité de population et particulièrement aux grandes agglomérations urbaines, points de focalisation « obligés » des appareils commerciaux. Le domaine de vol de ces avions est évidemment ouvert sans restrictions au trafic transocéanique aboutissant à des aéroports situés près des côtes. Au-dessus du continent, par contre, ces avions devront suivre des itinéraires soigneusement étudiés et se conformer à certaines procédures (diminution de vitesse, par exemple), de façon à réduire au maximum les effets des bangs. Ces restrictions limitent à 500 le nombre d’avions de ce type susceptibles d’être utilisés sur les lignes intérieures des États-Unis, alors que 1 200 seraient nécessaires.
La rentabilité
Étant donné le prix unitaire très élevé de ces avions, le prix du billet sera de 15 à 25 % supérieur à celui pratique sur les avions subsoniques à grande capacité, comme le Boeing 747. De plus, l’exploitation de lignes commerciales ne devient compétitive avec les avions subsoniques que pour des étapes supérieures à 6 000 ou 7 000 km. Enfin, les investissements de l’État ne seront récupérés qu’après la construction et la vente du 309e avion de série et commenceront à fournir un intérêt de 4 % seulement après la sortie du 500e avion.
Les défenseurs du projet, en particulier les fonctionnaires de la FAA (Federal Aviation Administration), estiment tout d’abord qu’il est prématuré de penser que les effets des bangs doivent limiter de façon prohibitive l’emploi d’avions supersoniques sur les lignes commerciales. Seule une expérimentation en vraie grandeur effectuée avec les prototypes au cours de vols réels pourra conduire à une estimation précise de la nature et des méfaits des bangs produits et, en définitive, à l’élaboration des mesures propres à en limiter les effets. De plus, les critiques concernant la rentabilité de l’avion sont discutables. L’augmentation du tarif passager de 15 à 25 % sera compensée par la diminution, estimée à 24 %, des tarifs sur les avions subsoniques prévue dès 1978. De ce fait, les prix pratiqués sur les SST seront, à cette date, du même ordre que ceux exigés sur les avions en service à l’heure actuelle. La FAA estime d’autre part que le « taux de remplissage » du SST sera supérieur à celui du transport à grande capacité (60 % contre 58 %). De plus dans le cas le plus probable d’une « série » de plus de 500 appareils, le prix des places sur SST ne sera que de 10 à 15 % supérieur à celui de l’avion subsonique.
Mais il semble que l’argument le plus important ait été, plus que les considérations techniques, l’appréhension de voir s’installer dans le domaine du transport commercial une concurrence sérieuse, matérialisée par la mise en service prochaine du Concorde franco-britannique. Aussi, dans sa lettre au Congrès accompagnant sa demande de crédits nécessaires au lancement du programme, le président Johnson a déclaré que la réalisation du SST était seule « capable de maintenir la supériorité américaine dans le domaine aéronautique ».
À cet argument sentimental, la FAA n’a pas manqué d’ajouter des considérations financières, basées sur des études de recherche opérationnelle. La FAA évalue ainsi la rentabilité de l’opération SST dans les deux éventualités suivantes, et compte tenu de la mise en service du Concorde :
1) de sérieuses restrictions de survol réduisent l’emploi des avions supersoniques. – S’ils ne fabriquent pas de SST, les États-Unis abandonnent le marché au Concorde. Ils devront en importer 448 et ne pourront vendre que des avions subsoniques.
S’ils fabriquent des SST, les États-Unis pourront en exporter 281 et vendre 688 « jets » subsoniques. Ils ne devront importer que 52 Concorde.
2) Les avions supersoniques peuvent circuler sans restrictions.
Dans ce cas, s’ils ne construisent pas de SST, les États-Unis perdent 6,5 milliards de dollars ; ils devront acheter 947 Concorde et ne pourront exporter que 744 avions subsoniques.
Par contre, s’ils réalisent le programme SST, les bénéfices peuvent être estimés globalement à 82 Mds $, compte tenu de l’exportation de 490 SST et de 425 jets subsoniques et de l’importation de 160 Concorde.
Le financement
La réalisation du programme ne peut être assurée par les seules entreprises industrielles. Le coût de la fabrication et des essais des deux prototypes est estimé à 1 144 Mds $, soit environ 6 Mds de francs, à dégager en quatre ans. L’aide de l’État est donc nécessaire et elle doit être substantielle : le gouvernement américain en effet assurera le financement de cette « phase prototype » à raison de 90 %, le solde étant fourni par les constructeurs et les compagnies aériennes. Dans la phase « production de série » la participation financière du gouvernement sera de 75 %.
Caractéristiques du SST
Le choix définitif de l’avion s’est porté sur le projet présenté par Boeing. De ce fait, le futur SST américain s’appellera désormais le Boeing 2707. C’est un quadriréacteur muni d’une aile à géométrie variable : les deux demi-ailes pivotent autour d’axes verticaux et peuvent ainsi prendre un angle de flèche correspondant à différentes conditions de vol. À grande vitesse, les ailes sont repliées sur le fuselage et rejoignent même le plan fixe arrière, de façon à former une aile « delta » unique. Dans sa position déployée, l’aile présente une envergure maximale. L’avion peut alors évoluer à basse vitesse dans des conditions de sécurité acceptables.
Il sera équipé de turbo-réacteur Général Electric d’une poussée unitaire de 80 t. D’un poids total de 302 t au décollage, cet avion pourra transporter 813 passagers à une distance de 6 100 km, à la vitesse de 3 000 km/h (Mach 2,7).
Calendrier de production
Le premier vol du prototype est prévu pour décembre 1970. La mise en œuvre des premiers SST sur lignes commerciales ne sera effective qu’en 1974-1975. À ce jour, le nombre de commandes fermes est de 112 appareils.
On peut signaler que le programme Concorde est en avance de deux ans sur celui du SST. Le premier vol du Concorde sera effectué en février 1968.
Coopération franco-allemande en matière spatiale
La France et la République fédérale d’Allemagne viennent de conclure un accord pour la construction en commun d’un satellite de télécommunications, dénommé Athos.
Ce satellite sera lancé du site de Guyane par une fusée Europa 2 construite et mise au point sous l’égide de l’Eldo (European Launcher Development Organization). Il sera placé en orbite stationnaire au-dessus de l’Équateur et couvrira une zone comprenant l’Europe, le Moyen-Orient, l’Afrique et une partie de l’Amérique du Sud.
Ce projet est la combinaison du projet français Saros et du projet allemand Olympia.
La France envisageait depuis un certain temps déjà de réaliser un satellite lui permettant de diffuser en Afrique et eu Amérique du Sud des programmes de radio et de télévision. De leur côté, les Allemands étudiaient un satellite du même genre destiné à retransmettre les images des Jeux olympiques qui se dérouleront à Munich en 1972.
Un premier lancement expérimental aura lieu en 1970. Le coût de l’ensemble du projet, y compris la réalisation de deux satellites et d’une ou deux stations d’émission, sera partagé également entre les deux Nations. Il est évalué à 200 millions de francs.
(1) Cette chronique a été rédigée avant le commencement du conflit. Nous pensons cependant intéressant de donner la situation exacte des forces aériennes des pays du Moyen-Orient – dont l’intervention a été décisive – pour permettre à nos lecteurs de mieux juger du déroulement des opérations