Militaire - Création d'une nouvelle division française ; matériels nouveaux - Au Vietnam - Allemagne fédérale : la Bundeswehr et les réductions budgétaires - Belgique : achat de chars Léopard - L'accord panaméo-américain - Les forces nucléaires cubaines
Création d’une nouvelle division française ; matériels nouveaux
Notre dispositif de manœuvre était basé jusqu’ici sur 4 divisions du type 1959. La création, à partir du 1er septembre 1967, d’une nouvelle division – qui prend l’appellation de 4e Division – va permettre de porter nos forces de manœuvre à 5 divisions mécanisées. Cette décision est l’aboutissement de deux efforts : l’un concerne la mise au point et la construction de matériels nouveaux, l’autre la réarticulation des grandes unités et des corps de troupe en vue d’en accroître l’efficacité sans en augmenter les effectifs.
Matériels nouveaux. – Le char AMX-30, dont les expérimentations sont terminées, est désormais fabriqué en série et livré aux unités. Les deux premiers escadrons ont été présentés au public à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet 1967. Le remplacement des chars Patton par des AMX-30 s’échelonnera sur plusieurs années, en fonction des crédits et des cadences de fabrication.
En outre, entreront progressivement en service les hélicoptères de manœuvre (SA-330 Puma) et les matériels tactiques sol-sol Pluton, le canon de 155 automouvant et, plus tard, l’engin sol-air Roland, tandis que se poursuivra l’amélioration de certains matériels : AMX-13 avec canon de 90 – matériels de transmissions, etc.
Structures nouvelles. – En vue d’accroître la souplesse d’emploi et la puissance des grandes unités, un remaniement par étapes des divisions actuelles a été décidé. Il portera sur les principaux points suivants :
• Comme les divisions du type 59, les nouvelles divisions seront articulées en trois brigades : l’une de ces brigades restera provisoirement de type motorisé, mais il est prévu, selon la planification établie, que les trois seront progressivement mécanisées.
• Les brigades mécanisées comporteront essentiellement un État-Major, une compagnie de QG, une compagnie légère de transmissions et quatre régiments : un régiment de chars, deux régiments mécanisés ayant la même composition et un régiment d’artillerie.
• Les brigades qui resteront provisoirement motorisées comporteront aussi quatre régiments : un régiment blindé, deux régiments motorisés ayant la même composition et un régiment d’artillerie (différent de celui de la brigade mécanisée).
• Les bataillons des services des brigades et des divisions seront peu à peu transformés en groupements des services et des transports à raison d’un seul groupement par division, le stationnement de ce groupement sera fractionné en fonction des besoins des unités.
• Les éléments organiques divisionnaires, outre l’État-Major et le QG, comprendront : un régiment de transmissions, un régiment Pluton, un régiment d’artillerie antiaérienne (Roland), un régiment du génie, un groupement d’Alat (Aviation légère de l’Armée de terre) et un groupement des services et des transports.
Ces modifications entraîneront notamment quelques changements dans la constitution des États-Majors de Corps d’armée et des EOCA (qui comprendront, en particulier, deux régiments de reconnaissance) ainsi que la transformation de certains régiments d’ABC/DOT (Armée blindé cavalerie/Défense opérationnelle du territoire) en régiments blindés, celle de régiments d’infanterie mécanisée et de régiments d’AMX-13 en régiments mécanisés ayant la même composition et comprenant des éléments portés et des éléments AMX-13.
Au Vietnam
L’engagement au Vietnam devient de plus en plus lourd pour les États-Unis : augmentation continuelle du coût du conflit ; effectifs de plus en plus importants pour répondre aux demandes du Haut-Commandement, tandis que les émeutes raciales s’étendent sur le territoire américain et posent au gouvernement d’autres problèmes, non moins sérieux et difficiles.
Alors que le général Westmoreland demandait 70 000 h supplémentaires – soit deux tranches divisionnaires – nécessaires pour contenir la menace nord-vietnamienne et assainir la situation dans le delta du Mékong, M. McNamara, secrétaire d’État de la Défense, déclarait que les renforts sollicités étaient excessifs parce que les troupes étaient mal employées. Actuellement, les effectifs américains sont évalués à 466 000 h. Un accroissement de 70 000 h obligerait à prendre des mesures impopulaires : prolongation du séjour au Vietnam, actuellement de un an ; envoi d’unités de la Réserve générale.
Prenant un moyen terme, le président Johnson a décidé l’envoi au corps expéditionnaire de 45 000 h seulement, d’ici le 1er juillet 1968. Avec l’intensification des combats, la recrudescence des coups de main du Vietcong, particulièrement efficaces en cette fin du mois d’août, ce renfort risque d’être rapidement insuffisant. D’autant que la mission envoyée en Corée et en Australie, pour obtenir que ces pays accroissent leur effort au Vietnam, ne semble pas avoir obtenu de résultats positifs.
De son côté, M. McNamara a préconisé une meilleure répartition et un emploi plus judicieux des effectifs. Actuellement, on admet que 45 % des effectifs sont employés dans les services ; 30 % en appui et seulement 25 % sont des combattants de première ligne. Il a également suggéré l’intégration d’éléments vietnamiens dans les unités américaines : formule du « jaunissement ». Un essai est en cours dans deux grandes unités (une section vietnamienne par compagnie). Cette formule pose bien des problèmes : politiques et tactiques.
De son côté, le Pentagone vient de décider la création d’une nouvelle division par incorporation d’unités stationnées au Vietnam et d’unités à l’instruction aux États-Unis et sur le point d’embarquer.
Ces difficultés d’effectifs sont à l’origine d’une campagne en faveur de l’intensification de l’action aérienne contre le Nord-Vietnam aux fins d’une diminution des actions ennemies au Sud du 17e parallèle. Une liste de 200 objectifs, qualifiés de « lucratifs », a été établie mais jusqu’ici une centaine seulement, soit 50 %, ont été attaqués. Il serait question de porter ce pourcentage à 80 %.
Au point de vue financier des mesures sont envisagées pour résorber le déficit budgétaire, évalué à 28,7 milliards de dollars pour l’exercice en cours au lieu des 8 initialement prévus. Une surtaxe de 10 % sur les revenus des particuliers et des sociétés a été demandée par le président Johnson ; elle rapporterait de 15 à 18 M$. Même réduite, elle atteindra directement, pour la première fois, le contribuable américain.
Allemagne fédérale : la Bundeswehr et les réductions budgétaires
En juillet dernier, le Chancelier, M. Kiesinger, avait estimé nécessaire de définir, avant la clôture de la session parlementaire, la politique financière de son gouvernement afin d’éliminer le déficit budgétaire que le ministre des Finances, M. Strauss, évaluait à 9 Ms de DM par an.
Les mesures envisagées sont :
– d’une part, la recherche de ressources nouvelles : augmentation des impôts et création d’une TVA de 11 % ;
– d’autre part, des réductions de dépenses qui auraient porté principalement sur le budget de la défense : 10 % environ.
Cette compression des crédits militaires aurait entraîné une réduction importante des effectifs (de 460 000 h à 400 000 h), du nombre des divisions et des unités de vecteurs nucléaires.
Un tel programme a provoqué à Washington des réactions très fermes, le département d’État ayant fait savoir qu’il était opposé à toute réduction unilatérale des forces armées allemandes. Le sénateur Mansfield, leader démocrate et partisan du désengagement américain en Europe, déclarait que les États-Unis ne maintiendraient pas leurs forces à leur niveau actuel si les nations membres de I’Otan réduisaient les leurs.
Aussitôt, le Chancelier Kiesinger s’empressait de rassurer le président Johnson par une lettre personnelle dans laquelle il affirmait que « la réduction des forces de la Bundeswehr n’était pas encore décidée », que des économies pourraient être supportées par d’autres chapitres militaires et qu’en tout état de cause le gouvernement allemand informerait ses alliés et tiendrait compte de leur avis. Puis, quelques jours plus tard, M. Kiesinger démentait à la télévision les bruits concernant une réduction des effectifs de la Bundeswehr de l’ordre de 60 000 h. Enfin, il se rendait le 14 août à Washington pour s’entretenir avec le président Johnson des problèmes allemands.
Il semble bien que M. Schrœder, ministre de la Défense, ait alerté l’opinion mondiale en dramatisant les effets d’une réduction des crédits militaires afin d’obtenir un adoucissement au projet du ministre des Finances, M. Strauss. En fin de compte, le gouvernement décidait de ramener de 108,76 Mds de marks (plan quinquennal établi en 1965) à 100,6 Mds, les crédits militaires pour les années 1967 inclus à 1971 inclus :
1967 : 18,5 Mds de DM
1968 : 18,7 Mds de DM
1969 : 20,1 Mds de DM
1970 : 21,3 Mds de DM
1971 : 22 Mds de DM
M. Schrœder réclamait 113 Mds, il y a encore quelques semaines. En fait l’écart de 3 % environ, qui sépare le nouveau plan quinquennal de l’ancien, paraît peu alarmant si l’on tient compte de ce que le premier plan était prévu pour un effectif de 508 000 h alors que le second s’applique à une armée de 460 000 h.
Cependant, la faible augmentation des crédits militaires de 1967 à 1971 (8 % en 5 ans) oblige le ministre de la Défense à proposer des économies dans les dépenses de fonctionnement. Les structures mêmes de la Bundeswehr devront donc être réformées. Divers projets sont en cours.
Le ministre de la Défense, M. Schrœder et l’Inspecteur général de l’Armée de terre, le général de Maizière, recommanderaient à présent une réduction des effectifs de 20 000 h (au lieu de 60 000 h annoncés) tout en maintenant à 12 le nombre des divisions ; mais quelques-unes d’entre elles comporteraient des unités cadres (20 % de cadres d’active) qui seraient complétées en cas de tension par 80 % de réservistes. En outre, l’intégration de la défense territoriale dans l’Armée de terre permettrait d’économiser 25 000 h environ. Ainsi l’armée allemande pourrait conserver la totalité de ses vecteurs nucléaires.
La décision finale appartient au Chancelier Kiesinger, opposé à toute diminution des effectifs, tout au moins importante.
Une autre tendance officielle ayant à sa tête le ministre des Finances, M. Strauss, préconise « la rationalisation de l’organisation de la Bundeswehr », qualifiée de pléthorique :
– fusion des états-majors de région avec ceux de corps d’armée ;
– réduction de 80 à 10 du nombre des subdivisions ;
– suppression de l’échelon division et rattachement des brigades directement aux corps d’armée.
Quant à l’opposition libérale, elle propose la suppression de tous les vecteurs nucléaires d’où une économie envisagée de 4 Mds de DM. Le gouvernement n’acceptera certainement pas une telle mesure ; cependant, une réduction du volume des forces nucléaires ne semble pas exclue. En effet, la surveillance des vecteurs nécessitant beaucoup de personnel, il est donc tentant d’en diminuer le nombre.
Le gouvernement allemand ne prendra sa décision que dans quelques mois, après les débats parlementaires sur la défense et la consultation des membres de l’Alliance Atlantique. Elle sera sans doute un compromis entre toutes les mesures envisagées : une réduction très limitée des effectifs, une réforme de l’administration militaire, des abattements sur les crédits de l’aviation et de la marine. L’aviation perdrait notamment un certain nombre de ses vecteurs (avions et fusées) et, sans pour autant modifier son activité actuelle, rechercherait un accroissement d’efficacité en concentrant son effort sur la reconnaissance et l’appui au sol. La marine recevrait comme mission essentielle, la défense de la Baltique et de ce fait abandonnerait son programme de construction de destroyers à grand rayon d’action et de bâtiments lance-fusées à grande portée.
Belgique : achat de chars Léopard
Le gouvernement belge a fait connaître, le 10 juillet 1967, sa décision concernant son choix entre le char français AMX-30 et le char allemand Léopard pour remplacer les anciens Patton américains qui équipent depuis la fin de la guerre les unités blindées belges. Il a décidé l’achat de 334 chars allemands.
Bruxelles a déclaré avoir préféré le Léopard pour des raisons économiques :
• Le prix du Léopard est de 11,6 millions de francs belges l’unité contre 15,7 pour l’AMX-30 (d’où une économie globale de 1 700 M de francs belges soit 170 M de francs français).
• La Belgique recevra des commandes allemandes pour un montant égal à la dépense occasionnée par l’achat des chars. En outre, ces compensations ne seront valables que si elles sont acceptées comme telles par le gouvernement belge tandis que les Allemands accepteraient que, pour ces commandes, l’industrie belge soit 3 % plus chère que les offres concurrentes.
• Les paiements belges à l’Allemagne ne commenceront qu’en 1968 alors que la France exigeait un acompte à la commande.
• La livraison des chars allemands – qui arrivent en fin de série – débutera immédiatement et sera rapidement terminée alors que le char français n’est qu’en début de série et n’aurait pu être livré qu’à un rythme très lent.
À ces considérations financières, il faut ajouter un aspect politique – sinon une pression – d’autant que le ministre de la Défense nationale belge avait reconnu lui-même la supériorité technique du char français.
L’accord panaméo-américain
Après 2 ans 1/2 de négociations, un accord est intervenu entre les gouvernements des États-Unis et de Panama sur trois points :
– le statut du canal et de la zone du canal ;
– la construction éventuelle d’un nouveau canal à niveau ;
– la défense du canal.
La presse nord-américaine et panaméenne a donné des précisions sur ces traités, qui cependant ne doivent être rendus publics qu’après avoir été approuvés par les Chefs d’État et ratifiés par les Assemblées législatives.
Statut du canal. – Le traité de 1903 est aboli. La souveraineté de Panama sur la zone du canal est rétablie, mais en fait à partir de 1999 seulement. Jusqu’à cette date, l’administration du canal et de la zone sera confiée à un Conseil de 9 membres : 5 Nord-Américains, et 4 Panaméens. L’annuité versée par les États-Unis au Panama passera de 2 à 17 M de dollars.
Nouveau canal. – Un nouveau canal remplacera l’ancien. Sans doute utilisera-t-il le territoire de Panama. Mais aucune décision ferme ne semble avoir été prise à ce sujet.
Défense du canal. – La défense du canal était confiée au Southern Command dont les responsabilités d’ailleurs s’étendaient à l’ensemble de l’Amérique du Sud et comprenaient l’assistance aux forces armées latino-américaines. L’accord conclu à ce sujet doit en partie rester secret. Il ne semble pas que l’évacuation des bases par les Américains ait été envisagée. Il est prévu au contraire qu’une commission mixte, composée du Commandant du Southern Command, et de celui de la Garde nationale du Panama, pourra décider de l’extension de ces bases.
Les forces nucléaires cubaines
Lors de la crise de Cuba, en 1962, il existait dans l’île :
– 3 sites de lancement d’IRBM (sol-sol de 2 200 miles nautiques de portée) ;
– 6 sites de lancement de missiles à moyenne portée (sol-sol de 1 000 miles nautiques de portée).
Les Soviétiques ont procédé au retrait de ces engins et au démantèlement des sites. Il ne reste plus à Cuba que des missiles tactiques (sol-sol et sol-air), utilisés de la façon suivante :
• Le gouvernement cubain a installé un système de défense des villes principales et des complexes militaires comportant 24 sites de lancement équipés de missiles soviétiques SA-2 Guideline : au total environ 600 fusées.
• Les forces armées cubaines disposent de 20 rampes mobiles fusées tactiques sol-sol Salish : au total une centaine de fusées.
• La marine utilise 18 vedettes Komar équipées de missiles téléguidés pour l’attaque des navires. Portée : 20 miles nautiques.
• L’Armée de terre enfin est dotée de 6 à 8 rampes pour roquettes non guidables Frog 5, montées sur châssis de chars amphibies.