Aéronautique - URSS : la journée de l'aviation - La coopération franco-britannique - Vietnam : les pertes américaines
URSS : la journée de l’aviation
Le 9 juillet 1967 a eu lieu en URSS la « Journée de l’Aviation » ; une délégation militaire française, conduite par le général Delfino, inspecteur général de l’Armée de l’air, chef du groupe Normandie-Niémen pendant la dernière guerre, assistait à cette manifestation.
Cette fête nationale, organisée à l’intention du peuple soviétique, a eu toutefois un grand retentissement dans le monde, en raison du grand nombre d’avions nouveaux présentés et des spectaculaires démonstrations en vol. Elle était la première à laquelle étaient invitées des délégations occidentales, depuis la manifestation de Tushino en 1961. Le Maréchal de l’Air Constantin Verchinine, responsable de l’organisation générale, avait choisi Domodedovo, aérodrome très éloigné du centre de Moscou mais disposant de voies d’accès commodes, en particulier d’une autoroute et d’une voie ferrée.
Plus de 250 000 spectateurs ont assisté à la fête aérienne organisée de façon extrêmement minutieuse suivant un horaire très strict : 52 numéros différents groupant au total plus de 200 avions furent effectués en 2 h 15.
Les avions nouveaux
Douze avions nouveaux, conçus selon les techniques les plus modernes, furent présentés en vol.
1/ – Deux chasseurs à « géométrie variable » :
– un monoplace biréacteur semblable au F-111 américain, pouvant atteindre une vitesse de pointe de 2,8 Mach,
– un monoréacteur d’apparence identique au Su-7.
2/ – Un avion d’assaut à décollage vertical (VTOL), ressemblant au P-1127 britannique. Il dispose d’une perche de ravitaillement en vol et d’un radar de queue.
3/ – Un chasseur de la classe Mach 3, équipé de réacteurs de sustentation derrière la place pilote. Cet équipement lui permet d’atterrir et de décoller sur des pistes très courtes. Ce même dispositif est remarqué sur des avions dérivés des intercepteurs Sukhoi et Mig-21, tous deux capables d’atteindre des vitesses bisoniques.
4/ – Un chasseur polyvalent, d’une conception originale, puisque doté de deux dérives verticales. Cet avion aurait une vitesse d’attaque de Mach 2,8 avec des pointes possibles à Mach 3.
5/ – Trois biréacteurs d’interception, un de la classe Mach 2,8, ressemblant au « Vigilante » américain, et deux versions améliorées du Yak-28 et du Tupolev Fiddler, en ce qui concerne l’augmentation de leur capacité d’emport en missiles.
6/ – Un monoplace expérimental, le Mikoyan E-166, conçu pour la haute altitude et les grandes vitesses. Cet avion aurait atteint, en 1961, l’altitude de 22 000 mètres et la vitesse de 2 600 km à l’heure.
7/ – Un avion de transport biturbopropulseur le Beriev Be-30.
Ce qui a surtout frappé et peut-être étonné les observateurs, c’est d’une part le haut degré de technicité constaté sur les matériels présentés, plaçant l’industrie soviétique à un niveau au moins égal à celle des Nations occidentales et, d’autre part l’ampleur et l’état d’avancement des programmes intéressant la presque totalité du domaine de l’aéronautique militaire. En particulier, il semble bien que les Soviétiques aient maîtrisé, depuis déjà plus de deux ans, les problèmes concernant la géométrie variable et la technique « STOL », comme l’ont prouvé les excellentes démonstrations en vol des appareils. Les avions à géométrie variable ont effectué la manœuvre de déploiement des ailes en moins de quatre secondes, et ceci dans les configurations de vol les plus délicates.
Outre des démonstrations en vol d’avions à hautes performances, la grande attraction de cette journée fut l’exercice d’ensemble monté en fin de programme et ayant pour thème l’aérotransport d’une brigade motorisée. Cet exercice commença par la mise à terre d’éléments d’infanterie par 27 hélicoptères Mil-M14, volant à basse altitude. 8 Mig-21 en assuraient la protection. Ensuite 6 Mil-16 hélicoptères géants, vinrent déposer de l’artillerie et des fusées ; 20 quadrimoteurs Antonov An-12 atterrirent les uns à la suite des autres pour livrer après de très courts arrêts des équipements divers. Immédiatement après, se posèrent 3 Antonov 22, quadrimoteurs lourds de transport pouvant emporter 80 tonnes ; du ventre de ces avions surgirent, directement prêts au combat, des véhicules chenilles transportant des Frog et des Ganef, missiles tactiques à courte portée, ainsi que des canons automoteurs ASU-85 d’un poids unitaire de 15 t.
L’exercice était si bien orchestré que sitôt après l’atterrissage du dernier An-22, le premier An-12 était vide et prêt à redécoller.
La coopération franco-britannique
L’abandon par la France du programme d’avion de combat franco-britannique à géométrie variable, annoncé aux Communes le 5 juillet par M. Healey, ministre de la Défense, a pu faire craindre que la coopération entre les deux pays ne soit sérieusement compromise. Il n’en est heureusement rien. M. Messmer, ministre français des Armées, a assuré son collègue britannique que cette décision, prise pour des raisons budgétaires, « n’aurait pas d’effet sur l’attitude de la France vis-à-vis d’autres projets, civils et militaires, sur lesquels des accords ont déjà été conclus, ni sur la possibilité d’autres coopérations dans l’avenir ». En fait, hormis celui de l’avion à géométrie variable, les programmes de coopération se déroulent de façon très satisfaisante.
De plus, d’autres accords viennent d’être conclus concernant la réalisation d’un Air Bus européen, Français et Britanniques s’efforçant d’étendre la coopération à d’autres européens, en particulier à la République fédérale allemande (RFA).
1 – Les Programmes en cours.
– Le Concorde. – Le prototype n° 2 est en avance de deux mois sur son programme d’achèvement. Il a quitté le 8 juillet son berceau d’assemblage de Filton pour rejoindre la zone d’achèvement. Cette avance pourrait permettre d’effectuer le premier vol un mois avant la date prévue, en août 1968. Le prototype 001 de Sud-Aviation doit voler fin février 1968 à Toulouse.
Les deux appareils de présérie, identiques aux appareils de série et notablement plus longs et plus lourds que les prototypes, doivent effectuer leur premier vol en décembre 1969 et février 1970. C’est au début de 1968 que commencera l’assemblage des premiers éléments des avions de série. Des approvisionnements sont déjà constitués à cet effet. La cadence de production prévue est de 3 à 4 unités par mois.
– Le Jaguar. – Le contrat permettant de passer à la phase 2 du programme a été récemment signé. Les deux firmes British Aircraft Corp et Breguet sont en avance sur les travaux d’assemblage du premier prototype dont le vol est prévu au printemps prochain.
La phase 2 concerne la fabrication de trois prototypes supplémentaires, qui s’ajouteront aux quatre prévus dans la phase 1 : deux au profit des Britanniques, dans leur version avion de combat tactique, et un pour l’aéronavale française.
2 – L’Air Bus
Réunis à Londres le 25 juillet, M. Jean Chamant, ministre français des Transports, M. John Stonehouse, ministre britannique de la Technologie et M. Johann Schollhorn, ministre allemand de la Technologie, se sont mis d’accord pour la construction de l’Air Bus européen.
La phase d’établissement des clauses techniques a immédiatement commencé pour aboutir à la réalisation d’un projet détaillé. L’avion sera réalisé en commun par Sud Aviation, Hawker Siddeley et un groupe allemand créé spécialement. Sud Aviation sera l’adjudicateur principal pour la cellule et Rolls Royce pour le moteur, qui sera en définitive le RB 207 préféré à son homologue américain JT9D de Pratt & Withney. La construction de ces moteurs sera assurée conjointement par la firme anglaise, la SNECMA et la société allemande MAN.
La répartition du travail sera la suivante :
– cellule : 37,5 % à la France et à la Grande-Bretagne, 25 % à l’Allemagne.
– moteur : 75 %, à la Grande-Bretagne, 25 % répartis par moitié entre la France et l’Allemagne.
La répartition des dépenses sera proportionnelle. Selon les estimations, 2 milliards de francs seront nécessaires pour assurer le développement de cet avion, comprenant les études, les essais au sol, l’outillage de série, la réalisation des prototypes et les essais en vol.
Le projet définitif sera achevé en juillet 1968 et la construction des prototypes commencera immédiatement, ce qui permettrait d’effectuer le premier vol en 1971 et d’obtenir l’homologation en novembre 1972. La date de juillet 1968 a été choisie pour permettre aux trois compagnies nationales – Air France, Lufthansa et British Europenn Airways – d’étudier et d’accepter certaines clauses techniques du protocole d’accord. La réussite du programme est en effet liée à l’achat par chacune de ces trois compagnies d’au moins 25 unités. Il est toutefois probable que le total de leurs commandes atteindra 150 unités. Sans doute plusieurs pays européens seront associés à l’opération dans la mesure où leurs compagnies nationales passeront des commandes.
Cet avion ne se présente pas comme un concurrent éventuel des gros avions de transport transatlantiques, comme les Boeing 747 à 500 places. Véritable autobus de l’air, il est surtout conçu pour transporter 260 à 300 passagers sur de courtes étapes de 400 à 600 km, à une vitesse subsonique de l’ordre de 900 km/h. Cette formule présentera un avantage important pour les passagers : l’abaissement des tarifs de 20 % environ.
Ainsi, après des pourparlers qui ont duré de longs mois, l’avenir de l’Air Bus européen semble maintenant assuré. Il faut souhaiter que cet avion arrive au stade de la série le plus tôt possible car les Américains, eux aussi, travaillent actuellement sur trois projets différents d’Air Bus.
Vietnam : les pertes américaines
Les États-Unis ont perdu plus de 1 500 avions au Vietnam depuis le début du conflit. 800 avions, 600 au Nord et 200 au Sud-Vietnam, ont été abattus par la DCA. 700 autres avions ont été détruits ou gravement endommagés par des sabotages, des accidents ou des attaques contre des aérodromes. De plus, 800 hélicoptères environ ont été perdus par les Forces Armées américaines sur ce théâtre d’opérations.
En ce qui concerne plus particulièrement les bombardements sur le Nord Vietnam, ces opérations ont coûté la perte de plus de 500 avions, dont le coût global est estimé à un milliard de dollars (cinq milliards de francs).
390 aviateurs ont été perdus au Vietnam depuis le début des hostilités : 250 ont été tués ou sont portés disparus ; 140 sont prisonniers. Sur le plan purement financier, cette perte en pilotes coûte aux États-Unis plus de 1,5 Md de francs. En effet, la formation aérienne, l’entraînement et l’équipement de chaque pilote engagé au Vietnam représentent une dépense estimée à 4 millions de francs.
Il faut ajouter à ce chiffre, le prix des 50 000 tonnes de bombes, de roquettes et de missiles « consommés » chaque mois, à une cadence identique à celle de la dernière guerre mondiale. Ainsi, à chaque minute, 24 h/24, il est dépensé au Vietnam 2 000 $ (10 000 francs) de munitions aériennes.