Maritime - Les incidences maritimes des conflits du Moyen-Orient et du Vietnam - Problèmes budgétaires et de politique navale aux États-Unis et en Grande-Bretagne - Les marines secondaires de l'Otan : Scandinavie et Allemagne fédérale
Les incidences maritimes des conflits du Moyen-Orient et du Vietnam
Comme auparavant, les conflits du Moyen-Orient et du Vietnam ont pesé assez lourdement, pendant les mois de juillet et d’août, sur les forces navales des belligérants et, derrière elles, sur la politique internationale, voire l’économie maritime mondiale.
Nous ne reviendrons que pour mémoire sur les multiples violations du cessez-le-feu, dont Égyptiens et Israéliens s’accusent réciproquement, le long du canal de Suez, et spécialement à Port-Fouad dans la première semaine de juillet ; l’installation, le 17 juillet, d’observateurs de l’ONU sur les deux rives a rendu plus rares ces incidents, sans les interrompre complètement. Un autre, qui aurait pu avoir des conséquences graves si les bâtiments de guerre soviétiques mouillés à Alexandrie et Port-Saïd en témoignage de l’amitié russo-égyptienne avaient pris la mer, a opposé dans la nuit du 11 au 12 juillet, au large de la côte sinaïtique entre Port-Saïd et Gaza, 2 vedettes égyptiennes à 2 vedettes et 1 escorteur israéliens en patrouille : les 2 vedettes égyptiennes paraissent avoir été coulées.
De tels événements montrent combien la paix demeure précaire, faute d’un arrangement négocié par les puissances ou, directement, entre les deux adversaires. Mais aucune décision n’est encore sortie du Conseil de Sécurité, en faveur duquel l’assemblée générale de l’ONU s’est dessaisie le 21 juillet ; et, si la majorité des États arabes réunis à Khartoum (29 août - 1er septembre) a fait preuve d’une modération relative (il n’a été question ni de la « destruction de l’État sioniste » comme auparavant, ni de la prétendue participation des États-Unis et de la Grande-Bretagne à l’« agression » israélienne), elle a néanmoins refusé de reconnaître Israël et de négocier avec lui. Une seule amélioration véritable est à noter : le pompage du pétrole reprendra, bien qu’avec cette réserve qu’« il peut être considéré comme une arme… et permettre aux Nations arabes dépouillées de leurs ressources économiques à la suite de l’agression de faire disparaître les conséquences de cette agression » : serait-ce un premier pas, embarrassé il est vrai, vers un recommencement des exportations pétrolières, quelle que soit l’attitude de la clientèle à l’égard du monde arabe ? De toute manière, seuls les gros et très gros pétroliers empruntant la route du Cap en bénéficieraient, aussi longtemps que le canal de Suez demeurera fermé à la navigation internationale.
Au Vietnam les combats – répression de la guérilla ou engagements avec les forces organisées du Vietcong et de Hanoï – sont devenus de plus en plus âpres pendant les mois de juillet et d’août. Très durs dans la région des Hauts-Plateaux, ils ont été particulièrement meurtriers au sud de la zone démilitarisée, où les positions avancées des Marines à Dong-Ha et Con-Thien n’ont cessé d’être harcelées, sinon violemment attaquées ; le 28 juillet, les Marines ont dû, comme ils l’avaient fait au mois de mai, pénétrer momentanément dans la zone pour se donner de l’air, et ils ont souvent demandé aux bombardiers lourds B-52 basés en Thaïlande de les soutenir en détruisant les ouvrages enterrés de l’adversaire. À l’arrière, le Vietcong ne leur a guère laissé plus de répit : non seulement la grande base de Da-Nang s’est trouvée plus d’une fois sous le feu des mortiers et des roquettes du Vietcong, mais dans la nuit du 28 au 29 août une audacieuse entreprise de sabotage a fait sauter tous les ponts, routiers ou ferroviaires, qui assuraient ses communications, l’isolant pendant quelque temps du monde extérieur. S’il est exagéré de parler, avec une certaine presse, d’une « dégradation progressive de la situation », il n’en va pas moins que la pression de l’adversaire a fréquemment obligé les Marines, malgré leurs qualités combatives exceptionnelles, à demeurer sur la défensive.
Le bombardement aérien du Nord-Vietnam, bien que contrarié par le mauvais temps et sans doute aussi par les remous de la politique intérieure américaine, a été caractérisé au mois d’août par l’attaque d’objectifs nouveaux, d’une importance considérable, à laquelle l’Aéronavale a pris part : à Hanoï même, le pont Paul-Doumer (aujourd’hui Long Bien), moyen de communication essentiel avec Haïphong et avec la Chine (11 août), à quinze kilomètres environ de la frontière chinoise la gare de triage de Langson (13 et 14 août).
C’est au cours d’une opération de bombardement que le porte-avions lourd Forrestal a été victime, le 29 juillet, d’un incendie accidentel dépassant par la gravité de ses conséquences celui de l’Oriskany le 26 octobre 1966 : 136 morts ou disparus et 64 blessés, 56 avions (plus de la moitié de l’armement régulier) détruits ou endommagés. Le bâtiment a heureusement pu rallier le 31 la base de Subie Bay (Philippines), où il subira des réparations provisoires avant de rejoindre la métropole.
Comme l’acharnement croissant des opérations de guerre permettait de le prévoir, les pertes en hommes et en matériel, dont la catastrophe du Forrestal n’est qu’un exemple, se font de plus en plus lourdes : elles atteignaient officiellement à la fin du mois de juillet (les morts du Forrestal non compris) 12 269 tués depuis le début de l’intervention américaine, dont 5 643 pour la seule année 1967, 658 avions abattus au Nord-Vietnam, 196 et 354 hélicoptères abattus au Sud-Vietnam, 1 284 avions et hélicoptères détruits à la suite d’accidents ou de sabotages, en tout près de 2 500 aéronefs.
Aussi, en dépit des réticences de M. McNamara qui, à son retour du Vietnam le 11 juillet paraissait considérer que les effectifs actuels pourraient être mieux employés (trop d’hommes sont distraits des forces de combat, ou devraient être remplacés par les Sud-Vietnamiens dans les opérations de pacification), le président Johnson a-t-il décidé le 3 août d’augmenter d’au moins une cinquantaine de mille hommes le corps expéditionnaire avant la fin de l’exercice fiscal (30 juin 1968) : il serait porté à quelque 525 000 hommes. On ignore la répartition de ces renforts entre les trois services, mais il paraît de plus en plus probable que les forces navales seront grossies du bâtiment de ligne New Jersey, tiré de la flotte de réserve et, d’après la presse spécialisée, en excellent état ; il représenterait un puissant appui de feu dans les opérations amphibies et contre les batteries ou ouvrages de campagne profondément enterrés de l’ennemi aux abords du 17e parallèle.
Problèmes budgétaires et de politique navale aux États-Unis et en Grande-Bretagne
Une chronique antérieure (mars 1967) insistait sur le poids de la guerre du Vietnam dans le budget de défense des États-Unis pour l’année financière 1967-1968 : ce poids, estimé à quelque 22 milliards de dollars dans le projet gouvernemental adopté le 22 août par le Sénat, dépassera vraisemblablement les prévisions si la force des choses oblige l’administration à accorder au haut commandement des renforts encore supérieurs à ceux qu’elle paraît à présent disposée à lui donner.
Au demeurant, le Sénat a approuvé à peu près complètement le programme de constructions neuves qui lui était proposé : 27 bâtiments, dont 3 sous-marins nucléaires de chasse, 10 destroyers d’escorte, 1 Amphibious Assault Ship – LHA d’un type nouveau (cf. chronique de mars 1967, p. 535) –, 7 dragueurs océaniques, 8 unités logistiques de fort tonnage, 1 navire de sauvetage de sous-marins ; seuls, les 2 destroyers lanceurs d’engins (DDG) demandés par M. McNamara ont été remplacés par 2 frégates à propulsion nucléaire, le Sénat ayant déjà manifesté à maintes reprises un vif engouement pour l’adoption de ce mode de propulsion dans la flotte de surface, en face d’un ministre plus résigné, semble-t-il, que convaincu.
Le Livre blanc sur la Défense publié le 16 février 1967 en Grande-Bretagne, présenté aux Communes le lendemain et approuvé par elles le 28, exposait déjà l’évolution à court terme de l’effort militaire demandé au pays (réduction du budget de 1 972 M de livres en 1966-1967 à 1 927 M en 1967-1968, prix constants de 1964, – repli esquissé sur l’Europe, assorti de l’espoir qu’un accord au sein de l’Otan permettrait de réduire les effectifs de la BAOR (British Army of Rhine), – évacuation progressive de la Méditerranée, – abandon d’Aden et de l’Arabie du Sud le 1er janvier 1968, – diminution des forces stationnées en Extrême-Orient).
L’aggravation récente de la situation rend nécessaires de nouveaux sacrifices : la crise du Moyen-Orient a compromis le relèvement économique et financier qui se dessillait au printemps, les sorties de devises ont abaissé la livre à un niveau dangereusement bas et le malaise de l’industrie laisse prévoir que le nombre de chômeurs, actuellement de 500 000 personnes, approchera du million à la fin de l’année.
Aussi un nouveau Livre blanc, intitulé Déclaration supplémentaire sur la politique de défense de 1967, a-t-il été publié le 18 juillet et approuvé par les Communes le 27, à peu près dans les mêmes conditions que le précédent : 297 voix contre 280, au lieu de 270 contre 230, une poignée de travaillistes « rebelles » qui voulaient des économies encore plus sévères ayant rallié les conservateurs, hostiles à une réduction massive des forces permanentes d’outre-mer où ils voient une abdication du rôle mondial de la Grande-Bretagne.
Caractérisé cette fois par des prévisions à long terme, le second Livre blanc ne diffère guère du précédent dans ses principes ; mais il estime que le budget de défense ne devra pas dépasser 1 900 M en 1970-1971 et 1 800 en 1975 ; il fixe le niveau des effectifs à 380 100 hommes en avril 1971, au lieu de 417 860 en avril 1967, la Royal Navy tombant de 97 050 hommes à 88 400 (– 8,9 %), l’Army de 196 200 à 181 200 (– 7,6 %) et la RAF de 124 110 à 110 500 (– 10,9 %). Cette diminution totale d’environ 37 000 hommes pourrait être presque doublée en 1975 par l’évacuation quasi complète de la Malaysia et de Singapour. Un des traits essentiels de la politique militaire de MM. Wilson et Healey pour la prochaine décennie est, en effet, qu’ils considèrent la défense des intérêts britanniques outre-mer, où la Grande-Bretagne n’interviendrait sans l’aide de ses alliés que dans des conflits mineurs, comme parfaitement conciliable avec la disparition des grandes bases et des forces permanentes :
– la constitution en métropole d’une réserve stratégique interarmées importante et rapidement transportable (qui pourrait être renforcée par le redéploiement en Grande-Bretagne d’une brigade de la BAOR et d’un squadron de la RAF rapatriées, si les Alliés y consentaient),
– le maintien à l’Est de Suez de quelques unités navales et amphibies volantes, l’octroi de « facilités » tactiques et logistiques en Australie,
– enfin l’équipement d’escales aériennes insulaires dans l’océan Indien suffirait à assurer la contribution anglaise à l’Otase (Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est) et à la réserve stratégique du Commonwealth, ainsi que le respect de l’accord défensif passé avec la Malaysia.
Aden sera donc abandonnée en 1968, une petite force navale et aérienne demeurant toutefois dans la zone pendant un temps très court pour faciliter l’accès de l’Arabie du Sud à l’indépendance. Quelques bâtiments légers flanqués de 4 squadrons de la RAF retirés d’Aden continueront de protéger les émirats pétroliers du golfe Persique. En Extrême-Orient, les effectifs entretenus à Singapour et en Malaysia tomberont de 80 000 à 40 000 hommes dans une première étape avant 1970-1971, mais en 1975 l’évacuation – établissements à terre et forces permanentes – deviendra totale. Hong-Kong seul sera épargné jusqu’à nouvel ordre, en raison de l’importance des intérêts à la fois britanniques et internationaux dans cette place.
Le Livre blanc fournit de nombreux renseignements sur l’avenir de la Royal Navy. Elle ne conservera pas de porte-avions au-delà de 1975, le Victorious et l’Hermes devant être désarmés respectivement en 1969 et 1971, l’Ark Royal et l’Eagle vers le milieu de la prochaine décennie. « Après la disparition du dernier porte-avions, la Navy, comme l’Army, devra compter sur le seul soutien des appareils basés à terre de la RAF ».
Pour discutable que soit cette option, elle ne signifie pas que les prévisions à long terme du gouvernement travailliste sacrifient la Marine. D’une part, le Livre blanc voit dans les 4 sous-marins Polaris de la force de dissuasion et dans les sous-marins de chasse à propulsion nucléaire (SSN) les assises fondamentales de la puissance navale britannique dans l’avenir. Les premiers ont commencé à recevoir au mois d’août les engins Polaris A3 achetés aux États-Unis et dont les têtes nucléaires doivent être fabriquées en Angleterre ; mais on ne sait s’il y en a assez de prêtes pour armer le SSBN Resolution, dont l’entrée en service est prévue pour le mois d’octobre prochain. Quant aux SSN, ou Fleet Submarines, 6 sont en service, en construction ou commandés et l’on attend d’une semaine à l’autre la commande d’un 7e. Fort appréciée, semble-t-il, malgré quelques défauts constatés à l’origine (légères fissures dans les coques), la série sera certainement continuée.
D’autre part, les forces de surface, dont le Livre blanc reconnaît l’aptitude particulière à « remplir des missions importantes de pacification hors d’Europe en raison du caractère discret et souple de l’exercice de leur puissance », elles consisteront essentiellement, dans un premier temps, dans les excellentes frégates polyvalentes du type Leander dont le nombre sera augmenté ; une petite frégate, à présent à l’étude, armée d’artillerie, d’un missile sol-air supérieur au Sea Cat et d’un hélicoptère « Utility » substitué au Wasp, remplacera plus tard les Leander. Le prototype en commande de destroyer lance-engins baptisé DDG-82 sera achevé, mais ne connaîtra pas de répliques de sa classe, car on projette d’en adapter les plans corrigés, à deux catégories différentes de bâtiments : l’un, qui aurait les dimensions d’un croiseur, succéderait aux Tiger convertis en porte-hélicoptères, il recevrait le système d’arme surface-air Sea Dart et les nouveaux hélicoptères ASM Sea King ; l’autre serait, au contraire, un petit destroyer, équipé du Sea Dart et d’un hélicoptère de modèle réduit. On notera la place importante faite à l’hélicoptère de reconnaissance et de combat dans les matériels neufs en préparation.
Si le plan de défense à long terme du gouvernement travailliste a des mérites incontestables, financiers et même militaires, il prête aussi le flanc à la critique et au scepticisme. Les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les membres du Commonwealth riverains de l’océan Indien accepteront malaisément le repli sur l’Europe ; l’instabilité économique et financière du pays permet de douter du réalisme des projets de constructions neuves, d’autant plus coûteuses peut-être qu’elles n’ont pas subi la sanction de l’expérience. Enfin, une marine qui n’exclut pas les interventions lointaines dites « mineures » trouvera-t-elle dans l’aviation basée à terre l’assurance d’une présence permanente, l’ubiquité, la puissance de feu et les capacités logistiques qui caractérisent le porte-avions ?
Les marines secondaires de l’Otan : Scandinavie et Allemagne fédérale
Parmi les marines secondaires impliquées pour le compte de l’Otan dans la défense alliée de l’Atlantique Nord, de la mer du Nord, du Skagerrak, des Belts et des atterrages de la Baltique, la danoise et la norvégienne ne représentent par la force des choses qu’une minime puissance d’appoint. Bien que groupées sous un commandement unique à Oslo, elles ne disposent à elles deux que d’une soixantaine de mille tonnes de bâtiments de combat, échelonnés de la frégate (2 200 t au maximum) et de la corvette (750 à 950 t) à la vedette lance-torpilles. Mais la plupart de ces bâtiments, construits dans les chantiers nationaux ou, comme les sous-marins norvégiens, en Allemagne avec l’aide financière américaine, sont âgés de quelques années seulement, ayant été commencés après 1960 ; seuls, les dragueurs côtiers ex-américains dépassent une douzaine d’années. La marine norvégienne est particulièrement riche en sous-marins (15 de 470 t, construits, comme nous venons de le dire, en Allemagne) et en vedettes lance-torpilles (26, dont 20 postérieures à 1958), la danoise en vedettes (25, dont 19 neuves) : ni l’une ni l’autre ne seraient à dédaigner dans des opérations côtières.
Il n’en va pas de même, évidemment, de la marine allemande qui, avec quelque 90 000 t de navires de combat, dont 19 escorteurs rapides en service ou en construction, pourrait passer pour une marine du large.
Quand, à la suite des accords de Paris du 28 octobre 1954, l’Allemagne fut intégrée à l’Otan le 8 mai 1955, les Alliés pensèrent confier à la Bundesmarine la seule défense des Belts et des atterrages de la Baltique, le tonnage de ses bâtiments de surface étant limité par les Puissances à 3 000 t Washington et celui de ses sous-marins à 350 t. Mais ces restrictions stratégiques et techniques devaient être balayées par les progrès inquiétants de la flotte russe et son évolution progressive vers une doctrine de défense offensive : les Alliés concédèrent successivement à la Bundesmarine le droit de porter le tonnage individuel de ses navires de surface à 6 000 t et celui de ses sous-marins à 1 000 t, de se doter d’un train d’escadre important, d’introduire des engins dans son armement (les charges atomiques lui restant toutefois interdites), bref de devenir, sinon une marine océanique, du moins une marine capable d’exécuter des opérations de haute mer dans les secteurs septentrionaux de l’Otan.
La nouvelle flotte allemande est le fruit de deux programmes à long terme, celui de 1955 à peu près achevé, celui de 1964 à peine ébauché mais dont elle escompte, à tort ou à raison, la réalisation vers 1970-1972.
Le gros de ses forces de surface consiste en 4 escorteurs du type Hamburg (4 400 t pleine charge) et 6 du type Augsburg (2 500 t), les uns et les autres achevés entre 1959 et 1966. Une demi-douzaine de destroyers ex-américains de la classe Fletcher (2 750 t ) paraît encore capable de rendre de bons services, bien qu’elle date de la guerre, et 5 escorteurs ex-anglais sont affectés aux écoles. Outre cette force principale, la Bundesmarine possède un grand nombre de petites unités spécialisées dans la défense ou l’attaque des côtes et des mers étroites, comme il était naturel eu égard à sa mission primitive, qui est restée pour elle une mission essentielle : 5 escorteurs côtiers fortement armés pour la lutte ASM, 54 dragueurs côtiers et dragueurs-patrouilleurs rapides, 20 vedettes de surveillance, une quarantaine de vedettes lance-torpilles dont les plus remarquables sont les Jaguar et les Zobel (Jaguar améliorés) filant plus de 40 nœuds ; toutes ces unités sont neuves ou relativement récentes.
La flotte sous-marine comprend 12 unités, de 350 à 370 tonnes, en service ou en achèvement à flot, dont la construction a donné lieu à bien des déboires dans ses débuts, à cause de la mauvaise qualité de l’acier amagnétique employé (l’U1 et l’U2 ont dû être reconstruits en acier ordinaire) ; 12 autres sous-marins, de 450 tonnes ont été autorisés au titre du programme de 1965, mais il semble qu’aucun d’eux n’a encore été mis sur cale.
Si la flotte amphibie est encore dans l’enfance (5 unités livrées seulement sur 56 en construction, commandées ou projetées), la Bundesmarine a travaillé assidûment à se doter d’une flotte logistique capable à la fois de soutenir les forces de combat dans des opérations de longue durée en haute mer et de rendre ces forces indépendantes de leurs bases terrestres, les plus exposées de l’Otan aux coups de l’ennemi. Elle dispose aujourd’hui de 13 bâtiments de soutien logistique de 2 500 tpc, d’un type analogue à celui de nos Rhin et Rhône, remarquablement homogènes, de 5 transports de matériels, 4 transports de combustibles et 8 transports de divers en service ou en construction, mais dont le plus vieux compte à peine douze ans d’âge ; peu de marines secondaires peuvent se flatter d’être aussi richement pourvues.
Parfaitement entraînée et disciplinée, la Bundesmarine souffre cependant de maux divers (difficultés de recrutement, mésaventures techniques, inévitables dans une marine renaissante ; embarras financiers surtout). Ceux-ci sont, en effet, les plus difficiles à surmonter, parce qu’ils résultent de circonstances devant lesquelles les chefs de la Marine ne peuvent que s’incliner : le malaise économique ; l’hostilité de certains hommes politiques qui, considérant l’Allemagne comme plus menacée sur terre et dans l’air qu’à la mer, refusent à la Bundesmarine les crédits de matériel nécessaires ; l’obligation budgétaire, enfin, de compenser par des commandes d’armement aux États-Unis, l’aide américaine et les dépenses des troupes stationnées en Allemagne. C’est pourquoi l’ambitieux programme naval de 1964 (6 escorteurs rapides du type américain Charles Adams, dont 3 en construction aux États-Unis et 3 à construire dans les chantiers nationaux, – 10 corvettes équipées d’engins Tartar, – 6 sous-marins de chasse de 1 000 t) voit son exécution différée d’année en année : la construction de 4 des 10 corvettes Tartar, recommandée par la commission parlementaire de la Défense au mois d’avril dernier, n’a même pas encore été approuvée par le Bundestag.