Le problème monétaire international
La période d’entre les deux guerres fut caractérisée par une tendance sans cesse croissante vers le nationalisme économique. Il en résulta un déclin progressif des échanges internationaux, qui conduisit certains pays à une autarcie presque complète. Cette évolution devait nécessairement se répercuter sur les conditions d’existence des populations. Dès lors que les nations ne peuvent plus vendre leurs excédents de production, ni acheter à l’étranger ce qui leur manque, il est fatal que les consommateurs soient obligés de se restreindre et que les possibilités de travail aillent en diminuant. Dans le fait, le niveau de vie des hommes s’abaissa d’autant plus que les barrières dressées autour des économies nationales isolaient les peuples davantage les uns des autres, et un chômage massif ne put souvent être évité que par des productions économiquement stériles, destinées à la préparation de la guerre. Aussi bien, l’autarcie présente, outre ses inconvénients d’ordre social, celui d’être une menace permanente de conflits internationaux.
Aujourd’hui, une réaction se dessine contre ces tendances, sous l’impulsion des États-Unis. Il est possible que l’Amérique, lorsqu’elle cherche à provoquer une évolution plus libérale, à laquelle son protectionnisme étroit fut naguère opposé, obéisse en grande partie à des considérations égoïstes. Elle a apparemment compris qu’elle ne saurait ni assurer à ses propres populations un bien-être accru, ni réaliser chez elle cet « emploi total » des forces de travail qui figure au premier plan de la plupart des programmes gouvernementaux, si elle ne pouvait trouver pour ses produits de larges débouchés à l’étranger. Mais ce qui est vrai pour elle l’est, à plus forte raison, pour des pays comme la France, l’Angleterre, la Suisse et tant d’autres dont l’économie dépend beaucoup plus étroitement que la sienne du marché international. Il n’est pas douteux que la reprise d’échanges extérieurs actifs ne soit une condition indispensable — la condition essentielle, même — du rétablissement d’une prospérité mondiale durable, permettant aux peuples de mieux vivre et d’atténuer ainsi les tensions sociales, exaspérées par six années de souffrances et de privations sans précédent.
Cette vérité étant reconnue, — et elle l’est par la généralité des esprits tant soit peu clairvoyants, — il faut se convaincre que le retour à un internationalisme économique raisonnable ne s’accomplira pas sans que certaines conditions se trouvent remplies. L’une d’elles, et non la moindre, est la possibilité de payer, librement et aux échéances prévues, les marchandises et les services faisant l’objet des échanges entre nations, ou d’en recevoir le prix sans difficulté ni retard. C’est là que se pose le problème monétaire international, auquel les experts de Bretton Woods ont tenté d’apporter une solution appropriée aux nécessités économiques d’après-guerre, solution qui, conforme dans ses grandes lignes aux conceptions du Gouvernement américain, a été dans une large mesure inspirée par lui.
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