Le pétrole dans la défense et l’économie nationales
Pourla seconde fois en un peu plus de dix ans, une crise politique grave et un conflit armé ont sérieusement perturbé le ravitaillement en pétrole brut des nations d’Europe occidentale et d’Asie. À l’heure actuelle, exception faite de la fermeture du canal de Suez, l’ancien cours des choses semble avoir été rétabli au plan matériel, tandis que demeure en suspens le règlement des problèmes politiques et économiques. Il serait certes prématuré de vouloir dès maintenant tirer les leçons de la crise et de prétendre en prévoir toutes les conséquences. D’ores et déjà, on peut affirmer pourtant que celle-ci a conduit les gouvernements à une approche plus réaliste des problèmes pétroliers.
Longtemps indispensable aux transports pétroliers, le canal avait pris peu à peu les dimensions d’un mythe, où les considérations politiques et stratégiques de naguère l’emportaient peut-être exagérément sur les réalités économiques d’aujourd’hui. La crise a eu le mérite de rendre au canal ses vraies mesures, celles d’une conduite à ciel ouvert où circule le pétrole par quantités discontinues. Il appartient aux experts d’établir si cette noria peut être encore exploitée de façon économiquement valable, soit que les progrès de la technique permettent d’en augmenter la capacité, soit que la modicité des péages demandés puisse compenser pour l’utilisateur le faible tonnage des navires qui peuvent y transiter. Il n’en demeure pas moins que, du jour où les industriels du pétrole, contraints de se passer du canal, ont vu qu’ils pouvaient le faire de manière économique grâce aux super-pétroliers de 100, 200 ou 300 000 tonnes, l’ère de l’exploitation politique du canal s’est définitivement close. Il n’est que de regarder le tonnage des navires en construction dans les chantiers navals du monde entier pour constater que les prochaines unités des flottes pétrolières seront toutes en mesure de passer avec économie par le cap de Bonne Espérance. Le canal de Suez n’est plus qu’une entreprise commerciale qu’il faudra désormais gérer comme telle.
La crise a eu pour effet plus notable de faire brutalement prendre conscience aux nations industrielles d’Europe du niveau de dépendance inquiétant où elles étaient vis-à-vis des pays producteurs. Jamais les nations consommatrices n’ont davantage éprouvé à quel point leur activité était liée au bon vouloir des pays producteurs du Moyen-Orient.
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