Militaire - L'aide des armées au Xe Jeux olympiques d'hiver - Retrait des forces alliées stationnées en RFA - Réduction des dépenses militaires en Grande-Bretagne - URSS : rétablissement du poste de commandant en chef des forces terrestres - Le budget néerlandais de la défense pour 1968
L’aide des Armées aux Xe Jeux olympiques d’hiver
Grenoble, février 1968. – Entreprise nationale, les Xe Jeux olympiques d’hiver ont réclamé pour leur organisation et leur préparation les efforts du pays tout entier.
Les Armées y ont été associées ; de même qu’au cours de l’année 1967, une partie de leurs moyens avaient été engagés au profit du secteur civil, que ce soit sur les plages de Bretagne contre la marée noire, à Pommereuil ou à Arette.
Répondant aux demandes du Comité d’organisation des JO (COJO), les Armées ont mis à sa disposition :
– 250 officiers, sous-officiers et personnels féminins des Armées, sous les ordres d’un Commissaire en chef de 1re classe de la Marine, pour travailler à la Direction de l’Hébergement ;
– un élément du Service de Santé, sous la direction d’un médecin-colonel, pour organiser le Service sanitaire olympique ;
– postes de secours sur les sites olympiques, antenne chirurgicale de la piste de bobsleigh, évacuations par hélicoptères ou véhicules sanitaires, centre de triage à l’hôpital militaire de Grenoble devenu « Hôpital olympique », soit au total quelque 700 personnels du Service de santé des armées, dont 75 médecins et chirurgiens militaires ;
– des unités appartenant aux 5e et 6e régions militaires pour préparer et entretenir les pistes olympiques ; plus de 100 000 journées de travail ont été fournies par la 27e Brigade alpine, allant du damage de la neige sur les pistes de descente et de slalom, à la mise en glace et à l’entretien des pistes de luge et de bobsleigh, au tracé des voies du ski de fond, à l’étalement et au nivellement des tremplins de saut ;
– des éléments des transmissions militaires pour équiper, en liaison filaire, les réseaux d’organisation et de chronométrage ainsi que certaines installations, pour doubler par fil des équipements d’autres sites et doubler par faisceau hertzien des liaisons sites-Grenoble en cas de saturation ou de défaillance du réseau PTT. Ce sont plus de 460 kilomètres de câbles qui ont été posés et 12 stations hertziennes installées dont certaines à plus de 2 500 mètres d’altitude sur des sommets isolés.
– une compagnie de réparation du Matériel pour équiper une douzaine d’antennes de dépannage chargées de dégager les itinéraires routiers des véhicules en panne ou accidentés.
C’est encore aux Armées qu’incombèrent la remontée des bobs à leur point de départ après chaque épreuve, et le transport de la neige si celle-ci venait à manquer sur des sites olympiques (70 camions-bennes étaient mobilisés pour ce service).
Enfin, c’est grâce au Génie de l’Air que quelque 5 000 véhicules purent stationner sur l’immense polygone des Sablons.
Les missions confiées à la Gendarmerie. – Outre l’exploitation d’un parc de 500 mini-cars Renault qui ont exigé 8 officiers et 700 sous-officiers pour transporter athlètes, officiels, techniciens, journalistes, etc., la Gendarmerie participa aux diverses missions qui s’inscrivent dans le cadre de ses attributions traditionnelles :
– services de sécurité et d’honneur,
– missions de secours sanitaires.
Pour la première fois en France, les données fournies à un ordinateur installé à l’Institut de mathématiques appliquées de Grenoble permirent à la Gendarmerie de résoudre les problèmes de la circulation routière.
Assistance préventive, police judiciaire, services d’honneur, escortes de personnalités ont exigé 100 officiers et 2 500 sous-officiers, dont 850 spécialistes du ski et de l’alpinisme et plus de 100 motocyclistes.
En outre, 5 hélicoptères Alouette III et II ont apporté leur aide au service sanitaire des JO.
Missions avant trait aux épreuves sportives et à l’animation. – Si les Armées ont tenu une place prépondérante dans les coulisses des jeux et se sont notamment dépensées pour livrer des pistes impeccables aux athlètes du monde entier, elles ont participé à différentes épreuves : fond nordique, biathlon et bobsleigh.
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L’« opération » JO d’hiver a largement démontré la faculté d’adaptation des Armées aux tâches les plus variées. Plus de 8 000 hommes appartenant aux trois Armées et à la Gendarmerie ont œuvré pour la réussite d’une entreprise qui mettait en jeu le prestige de la France.
Retrait des forces alliées stationnées en RFA
L’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Otan, M. Harlan Cleveland, a fait une importante déclaration au cours de la réunion hebdomadaire du Conseil Permanent de l’Otan, le 17 janvier 1968 à Bruxelles.
L’une des causes du déséquilibre de la balance américaine des paiements provient de l’importance des dépenses militaires américaines en Europe. Aussi préconise-t-il de rechercher avec les membres de l’Alliance un accord concernant la mise en place au sein de l’Otan d’un mécanisme multilatéral destiné à compenser sur le plan monétaire les dépenses militaires à l’étranger faites par les différents États. Ce mécanisme se substituerait aux accords bilatéraux actuellement en vigueur.
La réduction des dépenses extérieures américaines décidée par le président Johnson s’élèverait à 500 millions de dollars sur un total de 1,5 milliard de dollars affectés à l’Otan en 1967, dont 880 M pour les effectifs américains stationnés en Allemagne fédérale.
Le Pentagone a donné les précisions suivantes sur les réductions qu’il envisageait d’effectuer, à partir d’avril 1968, sur les forces américaines en RFA : environ 85 000 hommes appartenant aux armées de terre et de l’air (en outre, 15 200 civils représentant les familles de ces militaires). Après ce retrait ces forces n’atteindraient plus qu’un effectif de 220 000 h ; 189 000 pour l’Armée de terre et 81 000 pour l’Armée de l’air.
Cette opération de rapatriement aux États-Unis s’appliquerait à 82 unités de l’Armée de terre allant du détachement à la brigade : au total 28 000 h répartis ainsi :
– 2 des 3 brigades de la 24e DIM dont le PC est à Augsbourg ;
– la 3e brigade blindée de reconnaissance dont le PC est à Kaiserslautern ;
– 3 groupes d’artillerie de 155 mm ;
– 1 groupe d’artillerie de 203 mm ;
– 1 groupe de missiles sol-air Hawk ;
– une partie du 10e groupe des forces spéciales.
Quant à l’US Air Force, le plan de réduction prévoit le retrait de 4 escadrons de chasseurs bombardiers sur 9, soit 7 000 hommes et une centaine d’avions sur 225.
Toutes ces unités, réparties sur le territoire des États-Unis, resteront à la disposition de l’Otan et pourront être rapidement envoyées en Allemagne. Il est prévu en outre que les unités d’aviation participeront annuellement à des manœuvres en RFA.
L’administration compte ainsi réduire les dépenses extérieures américaines au cours de l’exercice budgétaire 1968-1969 de 80 M$ et le déficit de la balance américaine des paiements de 75 M$.
Le sénateur Mansfield, leader de la majorité au Sénat, a déclaré que ce chiffre de 35 000 hommes était insuffisant, et qu’il faut envisager le rapatriement (dans les 8 à 5 années à venir) de 4 divisions sur les 6 stationnées en RFA (exactement 5 divisions et 3 brigades blindées de reconnaissance).
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De son côté, M. Wilson, Premier ministre britannique, a précisé, en s’appuyant sur les accords tripartites de mai 1967, le retrait d’Allemagne, au cours du premier trimestre 1968, de 5 000 hommes sur les 62 000 qui y sont actuellement stationnés (Berlin compris).
Il s’agit :
– du 18e escadron d’hélicoptères de la RAF,
– de la 6e brigade d’infanterie qui, stationnée dans le Yorkshire, serait maintenue sous les ordres du général commandant l’armée du Rhin, dans le cadre de l’Otan. Il est envisagé qu’elle reviendra périodiquement en Allemagne pour y effectuer des manœuvres.
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Ces retraits, ajoutés à ceux envisagés par la France et la Belgique, ramèneraient, le volume des effectifs alliés stationnés en Allemagne à environ 879 000 h au lieu de 437 000 fin 1967.
Cette situation n’est pas sans inquiéter le gouvernement de Bonn, mais l’Allemagne fédérale n’a-t-elle pas déridé de maintenir, voire même de diminuer légèrement de quelque 5 000 hommes, les effectifs de la Bundeswehr qui ne comptent que 455 000 h sur les 508 000 prévus en 1970.
Il est vrai qu’à cette diminution des effectifs de l’Otan ne correspond pas une réduction des effectifs soviétiques stationnés en Allemagne de l’Est, comme le souhaitait le gouvernement de l’Allemagne fédérale. Un général allemand expliquait il y a un an que pour assurer un équilibre entre les forces adverses le rapport doit être supérieur à 8 pour l’URSS contre 1 pour les Alliés, niveau au-dessous duquel les Soviets ne tenteraient aucune action. Il considérait que la situation de 1967 représentait le rapport minimum au-dessous duquel il serait dangereux de descendre.
Bonn, qui ne pouvait s’opposer aux décisions américaines et anglaises, espère que les alliés sauront compenser cette diminution des effectifs par une amélioration de la qualité et de l’efficacité des matériels. Toutefois il ne cache pas sa crainte de voir ce processus de retrait se prolonger, voire même s’amplifier, au cours des années à venir, pour répondre à des exigences financières de plus en plus impérieuses.
Réduction des dépenses militaires en Grande-Bretagne
Le 16 janvier, aux Communes, M. Wilson a précisé les mesures d’économie à long terme décidées par son gouvernement. En ce qui concerne la défense, le gouvernement travailliste reconsidère sa participation aux grands pactes militaires : Otan, OTASE (Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est), CENTO (Central Treaty Organisation).
Outre les réductions que nous avons exposées dans notre précédente chronique et qui portent sur l’exercice 1968-1969, d’autres mesures concernent l’évacuation, échelonnée sur quatre ou cinq années, des forces britanniques stationnées à l’Est de Suez.
Il est prévu que, d’ici 1971 au lieu de 1975, 6 000 h stationnés dans le golfe Persique et 80 000 h stationnés en Malaisie et à Singapour seront rapatriés.
Dans ce même laps de temps, les effectifs globaux des trois armées seront ramenés de 410 000 h à 885 000, tandis que 80 000 employés civils seront licenciés. La brigade de Gurkhas ne comptera plus que 4 bataillons au lieu de 8, 6 000 h au heu de 14 000.
Les crédits affectés aux matériels des trois armées seront également réduits, ce qui entraînera :
– l’annulation de la commande des 50 F-111 aux États-Unis ;
– une réduction de la capacité de transport de l’Air Support Command, par le retrait anticipé d’appareils anciens ;
– la mise hors-service, en 1972, des 3 derniers porte-avions ;
– un étalement dans le temps des tranches du programme naval, notamment en ce qui concerne les sous-marins nucléaires de chasse ;
– des réductions importantes des stocks et équipements de l’Armée de terre.
Mentionnons que les programmes franco-anglais, Jaguar, Concorde, hélicoptères, sont maintenus, ainsi que certaines commandes passées aux États-Unis concernant les fusées Polaris, les appareils C-130 Hercules et F-4 Phantom II.
On évalue que les économies ainsi réalisées sur le budget de la Défense s’élèveront à environ 300 M de livres en 1972 : ce budget, évalué en 1967 1968 à 1 927 M, ne dépasserait pas 1 600 M environ en 1972-1973.
Des grandes bases britanniques qui reliaient l’Angleterre à l’Extrême-Orient, il ne restera plus, dans 4 ans, que Gibraltar, Chypre, Gan, Hong-Kong et peut-être Masirah. Ainsi, pour des raisons économiques, la Grande-Bretagne se replie sur l’Europe, l’Atlantique et la Méditerranée.
URSS : rétablissement du poste de Commandant en chef des forces terrestres
Ce poste supprimé en 1950, recréé en 1960, supprimé de nouveau en 1964, vient d’être rétabli et confié au général d’armée Pavlovski, vice-ministre de la Défense. Quelque peu déconsidérées au moment du développement des armes nucléaires, les forces terrestres semblent ainsi reprendre de l’importance en tant que composantes du potentiel militaire soviétique, d’autant qu’à ce poste est rattachée la responsabilité de la préparation militaire à l’échelon national.
Le général Pavlovski a publié récemment un article dans lequel il traite de la réorganisation de l’instruction militaire dans les forces terrestres. Tenant compte de la réduction du temps de service actif qui a été décidée et de l’incorporation qui désormais a lieu deux fois par an, il conçoit une première période d’instruction d’un mois, consacrée à l’instruction individuelle de base, une deuxième période de quatre mois et demi réservée à l’instruction collective dans le cadre des petites unités, enfin le reste du service militaire, soit 18 mois, destiné au perfectionnement des spécialistes et à l’entraînement tactique des unités jusqu’à l’échelon régiment.
Il met l’accent sur l’instruction du tir sous toutes ses formes et dans toutes les situations du combat, sur les conditions dans lesquelles l’instruction doit être menée et qui doivent se rapprocher autant que possible de la réalité. Il insiste sur le fait que cette instruction doit être conduite aussi bien en ambiance classique que nucléaire.
Le budget néerlandais de la défense pour 1968
Ce budget, qui a été approuvé par la 2e Chambre en décembre dernier, s’élève à 3 184 511 000 florins. Il est en augmentation de 7 % sur celui de 1967 et représente 18,70 % du budget global de l’État. Il prévoit notamment :
– pour l’Armée de terre : la mise sur pied, fin 1968, d’une 6e brigade, la mécanisation des unités d’infanterie et du génie, la modernisation des matériels de transmissions (une décision concernant le remplacement des chars Centurion sera prise au cours de cette année).
– pour l’Armée de l’air : la mise en service d’appareils Northop F-5 Freedom Fighter, l’acquisition d’engins Hawk et peut-être d’engins Nike, la constitution de stocks de munitions et d’armes conventionnelles pour les chasseurs-bombardiers F-104 Starfighter et F-5, l’entrée en service de 4 stations néerlandaises dans le cadre des réseaux du plan Nadge.
– pour la Marine : la poursuite de la construction de 2 sous-marins monocoques et la transformation de 2 dragueurs côtiers en chasseurs de mines.
Les effectifs des trois armées demeurent inchangés pour 1968.