Réflexions sur l’évolution actuelle des transports maritimes
Par sa masse et sa puissance, le transport maritime a transformé la vie et jusqu’à l’aspect physique du globe. Instrument obligatoire des échanges entre les continents, sur une planète recouverte aux deux tiers par les mers, il a été la condition première d’un bon nombre de découvertes, de peuplements et de mises en valeur. Aujourd’hui, alors que l’avion partage désormais avec lui ce monopole incontesté pendant des siècles, ses mérites demeurent son aptitude à transporter à bas prix des quantités massives de produits. Aussi demeure-t-il l’instrument essentiel de répartition des ressources du monde, qui pallie, dans une large mesure, les caprices de la nature et qui contribue à l’unification des marchés et des prix mondiaux.
Pendant longtemps, l’industrie d’armement a pu apparaître comme un milieu stable, à l’évolution lente, qui savait seulement sagement tirer parti des progrès de la technique. Héritière de traditions séculaires, d’un droit particulier et d’usages commerciaux quelque peu ésotériques, elle avait son folklore, sa littérature, sa chanson, son climat fait de rudesse et de poésie. Elle a pu longtemps, et sans doute à bon droit, se considérer comme adaptée aux besoins de l’époque et, par-là, dispensée d’une évolution structurelle dont la nécessité n’apparaissait pas d’évidence. Elle a, ainsi, accumulé certains retards pour s’adapter au mouvement accéléré qui entraîne toute notre civilisation industrielle.
C’est pourquoi, au sens clinique du terme, l’industrie maritime est actuellement en crise. Intuitivement convaincue de la nécessité de sa mutation, elle en mesure les difficultés : difficulté parce qu’elle est une industrie libre — la seule libre dans le monde — et, partant, une industrie soumise presque sans restriction à la concurrence internationale la plus entière et la plus âpre ; difficulté parce qu’elle est une industrie lourde, pour laquelle les investissements sont onéreux et d’une durée d’amortissement en contradiction avec la nécessaire adaptation à tout nouveau progrès technique ; difficulté parce qu’elle est, aussi, une industrie de services avec un nombre de personnes employées relativement élevé par rapport au chiffre d’affaires ; difficulté, enfin, parce qu’elle s’interroge sur ce qu’elle doit conserver ou rejeter de ce qui fut sa force et sa cohésion au service de l’expansion économique du monde.
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