Russes et Américains face à la Chine
Américains et Russes peuvent, pour les mêmes raisons, considérer la Chine comme le principal rival ou le plus dangereux adversaire des prochaines années. S’unir pour s’opposer à elle, ou rechercher séparément son amitié, pourraient également être le principe général d’une politique asiatique dont on peut penser qu’elle entraînerait la politique mondiale de Washington et de Moscou. Les Russes ont sur les Américains l’avantage d’être chez eux en Asie et d’avoir pratiqué depuis des siècles des relations souvent difficiles avec les Chinois. Si le passé peut sembler révolu, si les conditions actuelles des rapports internationaux paraissent dominées davantage par le développement récent de la technique moderne que par les souvenirs et les traditions historiques, il n’en reste pas moins que certains impératifs demeurent ; parmi eux, celui de l’intégrité territoriale, de la possession du sol, incite les régimes les plus révolutionnaires à suivre, en politique extérieure, les grandes lignes des ambitions et des entreprises poursuivies par les régimes déchus.
Les États-Unis ont pris en Asie la relève des anciens pays colonisateurs dans les rangs desquels ils ont longtemps fait modeste figure. L’URSS accomplit les rêves des tsars en peuplant et en organisant de façon moderne la Sibérie et l’ancien Turkestan russe.
Dans le livre des citations de Mao Tse-Toung — le fameux « petit livre rouge » — on chercherait vainement l’énoncé d’une doctrine directement applicable à la politique étrangère. Mais on relève une affirmation qui aurait pu être faite par les anciens empereurs : « L’unification de notre pays, l’unité de notre peuple et l’union de toutes nos nationalités sont les garanties fondamentales de la victoire certaine de notre cause ». C’est une pensée qui n’a rien d’original ; tous les gouvernants, à toutes les époques, l’ont exprimée d’une façon ou d’une autre. Mais elle a une résonance particulière lorsqu’elle s’applique à un immense pays, dont la population s’accroît rapidement et dans lequel les forces centrifuges, spontanées ou favorisées de l’extérieur, sont particulièrement dangereuses.
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