Les masses de granit : Napoléon et l’héritage institutionnel de la Révolution
Napoléon exposant au Conseil d’État son plan de reconstruction de la France déclarait : « Nous sommes épars, sans système, sans réunion, sans contact. Des grains de sable ! Nous n’avons pas la République définitivement acquise, et nous ne l’aurons pas si nous ne jetons pas sur le sol de la France quelques masses de granit ». Napoléon voulait donc édifier des institutions qui dureraient plusieurs siècles. Mais, par ailleurs, dans sa proclamation au peuple français, qui accompagnait la constitution de l’an VIII, lorsqu’elle fut soumise au plébiscite, il affirmait : « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée, elle est finie ». Et par là, il voulait montrer que les institutions qu’il allait établir puiseraient leurs sources dans les créations de la Révolution et les consolideraient de telle sorte qu’il ne serait plus nécessaire de les bouleverser. Ces deux déclarations montrent bien les intentions de Napoléon, et les limites de son action : il s’agissait pour lui de retoucher, voire de transformer l’œuvre de la Révolution, afin de lui assurer la durée. Dans son entreprise, Bonaparte a tantôt été amené à modifier si profondément le legs de la Révolution qu’il s’est agi de véritables créations, tantôt à remanier sérieusement les institutions révolutionnaires, tantôt au contraire, à n’y apporter que de faibles retouches.
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Les créations, ou les modifications profondes concernent essentiellement la constitution, les rapports des églises et de l’État, l’instruction publique, l’information et la culture, c’est-à-dire le gouvernement et l’opinion publique. De ces créations, certaines devaient être éphémères (la constitution), d’autres, au contraire, durer, du moins dans leurs grandes lignes, jusqu’au début du XXe siècle, parfois jusqu’à nos jours.
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