Institutions internationales - Volontés et efforts européens - La Communauté européenne et l'Union de l'Europe occidentale (UEO) - Le cinquantième anniversaire du BIT (Bureau international du Travail) - La conférence du désarmement - La disparition du général Eisenhower
Quelles que soient leurs activités, les institutions internationales ont actuellement un dénominateur commun : toutes traversent des crises, plus ou moins graves, certes, mais qui, toutes, les affectent profondément. Dans certains cas (par exemple pour la Communauté économique européenne) il s’agit d’une crise de croissance, dans d’autres (par exemple pour l’Union de l’Europe occidentale) il s’agit d’une inadaptation aux réalités et d’un désir de jouer un rôle contraire aux statuts, cependant que pour les Nations unies, on peut évoquer un organisme humain qui, né avec des faiblesses organiques, ne parvient pas à les surmonter.
Aussi bien l’analyse mensuelle de leurs activités risque-t-elle parfois de prendre l’aspect d’une litanie. Pourtant ces activités se maintiennent, pour certaines d’entre elles, à une intensité élevée. Et certaines d’entre elles attirent particulièrement l’attention, à l’occasion de leur anniversaire. C’est ainsi que l’on célèbre celui du Komintern, que le Bureau international du Travail fête ses cinquante ans et que l’on se prépare à fêter les vingt ans du Conseil de l’Europe.
Mais, quel que soit l’intérêt qui s’attache à ces anniversaires, l’essentiel de l’attention se porte aujourd’hui sur l’activité des organisations européennes, ce qui explique que la présente chronique sera presque exclusivement « européenne ».
Volontés et efforts européens
La Commission de la Communauté économique européenne (CEE) travaille dans deux perspectives. D’une part, elle s’attache à résoudre les problèmes qui se posent journellement, et, de l’autre, elle s’efforce de projeter ses efforts sur les prochaines années. C’est ainsi qu’en remettant aux gouvernements des « Six » un programme de travail pour les mois à venir, elle n’a pas voulu se limiter à la fin de l’année, estimant qu’il ne faut pas attacher une importance symbolique à la date du 1er janvier 1970. Il serait imprudent, explique-t-elle, d’imaginer que la fin de la période transitoire signifie que la phase de construction du Marché commun est terminée. Cela étant, au moins pour satisfaire le souci de perfectionnisme des juristes, il sera indispensable d’ici à quelques mois de « légaliser une situation » qui ne correspondra pas avec exactitude avec celle décrite par les auteurs du Traité de Rome.
L’essentiel des préoccupations de la Commission de la CEE porte sur la coordination plus étroite des politiques économiques, sans laquelle l’union douanière trouverait sa fin en elle-même, et sans laquelle aussi une crise monétaire comme celle de l’automne dernier serait à craindre.
Au cours des dernières semaines, l’activité de la CEE s’est portée sur plusieurs problèmes qui, considérés isolément, ne paraissent pas posséder une importance extrême, mais qui, « regroupés », méritent attention.
• La décision qui a été prise d’engager une négociation en vue de la conclusion d’une convention internationale sur la délivrance des brevets intéresse directement les pays tiers européens. C’est la seconde fois en trois mois que les « Six » – sur initiative française – se mettent d’accord sur des formules susceptibles de renforcer les liens existant entre la CEE et les autres Nations de l’Europe occidentale (la décision précédente remonte à décembre et concerne la coopération scientifique et technologique). Sept pays européens seront invités à participer à cette négociation sur les brevets : les quatre pays candidats à l’adhésion (Grande-Bretagne, Danemark, Norvège, Irlande) et les trois neutres (Suisse, Suède, Autriche). Les autres États européens seront « informés » : s’ils réagissent favorablement, ils seront alors eux aussi conviés à prendre part aux discussions. Cette convention internationale devrait conduire à la création d’un office européen de délivrance des brevets. De leur côté, les « Six » prépareront entre eux une seconde convention, visant à uniformiser progressivement dans la Communauté les droits s’attachant à la propriété de brevets.
• La Commission s’est également préoccupée des relations entre le Marché commun et certains pays du bassin méditerranéen. Le cas le plus difficile est celui d’Israël. La France n’est pas favorable à la conclusion rapide d’une association ou d’un arrangement commercial préférentiel avec le gouvernement de Jérusalem. Les Néerlandais plaident au contraire dans ce sens. Toutefois, la France a présenté un projet favorable à une formule de compromis : les avantages de l’accord commercial existant déjà entre Israël et la CEE seraient prorogés ; la CEE accorderait effectivement à Israël une réduction de 40 % des droits perçus sur ses exportations d’agrumes, en même temps qu’entrerait en vigueur l’accord commercial avec le Maroc et la Tunisie. Cet accord prévoit une réduction de 80 % des droits appliqués aux agrumes exportés par ces deux pays du Maghreb. La réduction de 40 % (dont bénéficieront également l’Espagne et la Turquie) a pour but de ne pas pénaliser les autres producteurs du bassin méditerranéen. Enfin, au cas où Israël serait compris dans le groupe des pays du « Tiers-Monde » considérés comme « en voie de développement » (ce problème est actuellement en suspens), la CEE accorderait à ses exportations de produits industriels la même préférence qu’elle s’apprête à octroyer à ce groupe de pays.
• Dans le même temps, il est apparu probable que la nouvelle convention associant aux « Six » les dix-huit États africains et malgache sera signée avant l’été. Toutefois, cette nouvelle convention sera moins avantageuse pour les Africains que celle signée à Yaoundé en 1964. L’action menée par les Néerlandais et les Allemands devrait conduire en effet à une réduction des avantages commerciaux que les « 6 » et les « 18 » s’accordaient jusqu’ici réciproquement. Avec une conviction quasi théologique, le gouvernement néerlandais demande à la Communauté de mettre en œuvre maintenant dans ses relations avec les associés africains les principes de la doctrine « mondialiste » définie à la Nouvelle Delhi par la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement. Cette nouvelle bible, d’inspiration anglo-saxonne, impose l’abrogation des préférences accordées par les pays en voie de développement aux nations riches et recommande l’élargissement à l’ensemble du « tiers-monde » des avantages commerciaux consentis par les États industrialisés à certains pays encore peu développés. C’est évidemment la négation du régime de zone de libre-échange caractérisant la Convention de Yaoundé. À partir de là, les Néerlandais et les Allemands réclament la suppression des préférences accordées par les associés à la CEE. Cette démarche est d’autant plus étrange que les partenaires africains tiennent à maintenir ces préférences : ce sont elles qui confèrent à la Convention son caractère de « contrat négocié » où chaque partie peut s’adresser à l’autre d’égal à égal. De plus, ces avantages consentis d’une façon non discriminatoire aux « 6 », et donc à la France, demeurent l’une des justifications de l’importante assistance financière bilatérale accordée par Paris à ses alliés africains. Le problème risque de se compliquer par l’intervention de considérations politiques, dans la mesure où certains ne seraient pas fâchés de voir se détériorer les excellentes relations qui unissent Paris aux capitales africaines.
• En définissant une série d’objectifs à atteindre au cours des dix premières années d’existence du Marché commun, les auteurs du Traité de Rome avaient établi une sorte de calendrier de travail. Celui-ci n’a pas été intégralement respecté. C’est pourquoi la Commission a opté pour une attitude pragmatique, en recommandant aux États de se préoccuper en priorité au cours des trois années à venir de problèmes qui n’étaient le plus souvent évoqués que de façon imprécise par le Traité : le renforcement et la coordination des politiques conjoncturelles et monétaires des États-membres ; l’établissement d’une politique commerciale commune ; la réforme des structures agricoles des six pays ; la définition de nouveaux programmes de recherche pluriannuels pour Euratom et la mise en route d’une coopération scientifique et technologique. En prorogeant la phase transitoire, on pourrait au surplus maintenir la « clause de sauvegarde » prévue par le Traité pour préserver les intérêts de telle ou telle branche de l’industrie nationale menacée par l’ouverture des frontières. Serait-il sage de renoncer à un tel garde-fou alors que dans la réalité les marchés des six pays sont loin d’être intégrés ? Enfin, cette prorogation paraît d’autant plus nécessaire que le règlement financier agricole définitif n’a aucune chance d’être adopté par les « Six » avant la fin de l’année. En effet, aux difficultés économiques résultant de la progression constante des dépenses de soutien des marchés, s’ajoutent des problèmes institutionnels malaisés à résoudre : à la création de « ressources propres » à la Communauté (c’est-à-dire l’affectation totale des prélèvements financiers perçus aux frontières au Fonds agricole) se trouve liée la question du renforcement des pouvoirs de contrôle budgétaire du Parlement européen.
• Le groupe de hauts fonctionnaires de la CEE chargés par le Conseil des ministres en octobre 1967, puis en décembre 1968, d’étudier comment pourrait se manifester de façon concrète la coopération scientifique et technologique entre les « Six » a achevé son rapport. Il a sélectionné 47 projets qui, dans les 7 secteurs-tests retenus par les ministres (informatique, télécommunications, nouveaux moyens de transport, océanographie, métallurgie, nuisances et météorologie) pourraient être développés en commun par les « Six ». Au terme de la décision du Conseil de décembre 1968 d’autres pays européens – et en particulier ceux désirant adhérer à la CEE – pourraient participer à la réalisation de ces projets. Le rapport du groupe présidé par M. Aigrain, délégué français à la recherche scientifique, a été transmis au comité de la politique à moyen terme de la CEE. Il sera soumis aux ministres, qui en délibéreront en juillet.
• Mais, dans le même temps, les « Six » ont dû s’avouer désarmés devant la surproduction de beurre. Réunis à Bruxelles pour fixer les prix agricoles applicables à partir du 1er avril, les ministres de l’Agriculture ont décidé de reporter la décision au 1er juillet. Il ne faut certes pas accorder aux décisions de fixation des prix directeurs européens plus d’importance qu’elles n’en ont. Mais tant que cette question ne sera pas réglée – ce qui apparaît techniquement facile à court terme puisque les « Six » sont favorables au statu quo – il n’est pas possible d’aller plus avant dans la négociation en chaîne concernant l’avenir de la politique agricole. Pas possible d’étudier avec sérénité les mesures à prendre pour endiguer la crue, aux proportions maintenant désastreuses, du « fleuve blanc » européen. Pas possible de feuilleter le plan Mansholt de réforme des structures agraires. Pas possible de discuter sans passion de la façon dont les « Six » se partageront le fardeau de plus en plus pesant d’une production agricole dont personne ne cherche sérieusement à maîtriser l’accroissement. C’est l’« Europe verte » qui est menacée.
La Communauté européenne et l’Union de l’Europe occidentale (UEO)
En soi, la crise de l’UEO, que nous évoquions dans notre dernière chronique, n’a pas évolué, la France s’en tenant à la position qu’elle a adoptée, et refusant de s’associer à des opérations antistatutaires, et certains de ses partenaires s’obstinant à ne pas saisir la signification de cette attitude. Au fond, il s’agit toujours de la candidature de la Grande-Bretagne au Marché commun, et l’on se souvient que, pour « tourner » l’opposition de la France, le « plan Harmel » avait, le 3 octobre dernier, proposé la mise en œuvre, dans le cadre de l’UEO, d’une coopération institutionnalisée entre les « Six » et la Grande-Bretagne dans tous les domaines non couverts par le Traité de Rome, notamment la défense et la technologie. Le 16 octobre, l’Assemblée de l’UEO avait repris cette suggestion à son compte. Le 22 octobre, la France avait repoussé le « plan Harmel ». Or, depuis, tout s’est passé comme si les partenaires de la France avaient voulu ignorer ce refus. L’absence de représentants de la France aux réunions de l’UEO depuis février s’inscrit donc dans une logique stricte, et l’on imagine mal comment Paris pourrait modifier son attitude aussi longtemps que l’UEO ne respectera pas ses propres statuts et qu’en particulier toute modification éventuelle ne résultera pas de l’unanimité des États-membres.
Pour tenter de surmonter cette crise, M. Giscard d’Estaing a, le 25 mars, suggéré la réunion d’une nouvelle « conférence de Messine ». On sait que c’est à Messine qu’en juin 1955 les ministres des Affaires étrangères des six pays membres de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) engagèrent les travaux dont les Traités de Rome du 25 mars 1957 (créant la CEE et Euratom) devaient être le résultat. En d’autres termes, cette conférence de Messine « relança » l’effort de construction européenne après l’échec du projet de CED (Communauté européenne de défense) le 30 août 1954. M. Giscard d’Estaing a notamment déclaré : « L’Europe a besoin de se recycler. À cette fin, les gouvernements devraient se réunir en une nouvelle conférence de Messine pour faire au plus haut niveau le bilan de l’œuvre accomplie et décider de la manière dont ils pourraient entamer avec l’Angleterre des négociations portant à la fois sur l’élargissement et sur le renforcement des institutions de la Communauté. »
Une nouvelle idée vient donc d’être lancée. Il ne semble pas qu’elle ait recueilli beaucoup d’approbations, les positions des gouvernements étant en quelque sorte « figées », et l’on voit mal comment, dans l’état actuel des choses, une initiative non gouvernementale pourrait aboutir à modifier la politique des gouvernements.
Le 50e anniversaire du BIT
Il est normal que, dans une telle ambiance, le prochain anniversaire – le 50e – du Bureau international du Travail ne suscite guère d’intérêt. Il mérite pourtant attention, et peut-être les gouvernements utiliseront-ils les semaines qui viennent pour s’entendre afin de donner un certain éclat à cet anniversaire.
Voici un demi-siècle la Conférence de la Paix, siégeant au quai d’Orsay, décidait la formation d’une Commission de la législation internationale du Travail, dont les conclusions devaient former la célèbre « Partie XIII » du Traité de Versailles. En octobre 1919, le Bureau international du Travail naquit de la première Conférence internationale du Travail, tenue à Washington. Le BIT a grandi par l’élargissement de ses compétences aussi bien que par l’extension de ses activités. Composé de délégations des États-membres de la Société des Nations – une trentaine à l’origine – il compte aujourd’hui 119 membres. À dire vrai, il n’est plus exactement ce qu’il était, puisqu’après la Seconde Guerre mondiale il est devenu l’« Organisation internationale du Travail », premier en date des organismes spécialisés associés aux Nations unies.
Dès le début, il reposa sur le principe d’une représentation tripartite : gouvernements, patrons, ouvriers. Cette formule répondait au dessein d’associer, au sein d’une institution officialisée par la participation active des gouvernements, le monde du travail et les employeurs en vue de la protection des salariés de toutes nationalités et de leur émancipation, de l’amélioration des conditions de leur travail et de celles de leur existence. Ce que l’on a appelé « l’esprit de Genève » inspira la déclaration constitutive du BIT, qui proclamait qu’« une paix universelle ne peut être fondée que sur la justice sociale ». L’OIT a continué l’œuvre du BIT. Ce n’est pas outrepasser les règles de l’objectivité que rappeler le rôle considérable joué par la France – décisif même dans les débuts – avec Léon Jouhaux, Louis Loucheur, Colliard, ministre du Travail du cabinet Clemenceau. Le premier Président en fut Arthur Fontaine, le premier Directeur général Albert Thomas…
La Conférence du Désarmement
La conférence des « 17 » sur le désarmement (le « 18e », la France, n’y occupe pas son siège) a repris ses travaux le 18 mars à Genève, après s’être ajournée le 28 août dernier. Elle a déjà une longue histoire, puisqu’elle s’est ouverte pour la première fois le 15 mars 1962. Sans être parvenue à un traité sur le désarmement général, elle se targue d’avoir contribué à la conclusion d’accords qui ont permis de détendre l’atmosphère et de prévenir une « escalade » sans fin dans la course aux armements nucléaires.
En fait, cette conférence, qu’il est question d’élargir par l’admission de nouveaux membres, offre surtout aux deux États coprésidents, États-Unis et URSS, l’avantage de donner une sorte de couverture collective et de caution démocratique à des accords qui, pour l’essentiel, sont préparés et établis de manière strictement bilatérale entre Washington et Moscou.
Que peut-on attendre de cette reprise des travaux de la conférence ? Probablement rien de positif. Elle se bornera sans doute à étudier des questions collatérales au désarmement, telles que l’extension aux expériences souterraines de l’interdiction partielle édictée par le Traité de Moscou du 5 août 1963, l’interdiction de la production et de l’utilisation des armes biologiques et chimiques, l’interdiction d’installations militaires fixes sur les fonds sous-marins, etc.
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Arrivés au terme de leur union douanière, les « Six » doivent aborder maintenant des chapitres (dont certains n’ont même été prévus par le Traité de Rome) qui mènent à des interactions économiques profondes. Lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, M. Couve de Murville avait demandé l’accélération du désarmement tarifaire. M. Debré réclame aujourd’hui l’accélération du « renforcement interne » de la Communauté. On ne peut que se réjouir que la France rappelle à leurs devoirs des partenaires trop enclins à attendre que le cercle de famille s’élargisse pour faire quelque chose. Le gouvernement français rejoint ainsi les préoccupations de la Commission de la CEE, qui insiste depuis des mois sur la nécessité de mettre sur pied une véritable politique industrielle communautaire, en mettant en lumière trois exigences fondamentales :
– pour donner aux industries de pointe des avantages de grand marché, il faut une certaine division du travail entre les pays membres ;
– l’action dans le secteur des industries en difficulté doit également être coordonnée, faute de quoi des aides financières à certaines entreprises défaillantes pourraient créer des distorsions de concurrence ;
– n’étant pas encore de taille, dans de nombreux secteurs, à lutter contre les Américains, les entreprises européennes doivent multiplier les accords de concentration, et préparer l’« entreprise européenne ».
N’en déplaise à certains puristes de l’Europe, on mise aujourd’hui sur « l’Europe à la carte » – l’expression de Louis Armand venant d’être reprise par Willy Brandt, ministre allemand des Affaires étrangères. L’« Europe à la carte », c’est l’accumulation de réalisations fonctionnelles. En d’autres termes, l’Europe se bâtira moins par un drapeau ou par un timbre que par la multiplication d’accords communautaires qui, considérés isolément, peuvent paraître de peu d’envergure, mais qui, considérés dans leur ensemble, illustrent l’Europe des réalités. La controverse n’est pas nouvelle. Il y a vingt ans, alors qu’allait être créé le Conseil de l’Europe, elle dominait les discussions. De ce Conseil de l’Europe, nous traiterons dans notre prochaine chronique.
La disparition du général Eisenhower
Au moment où nous terminons la rédaction de cette chronique, nous avons été, comme tous les Français, douloureusement frappé par la mort du général Eisenhower. Comment pourrions-nous ne pas évoquer son souvenir dans cette chronique des institutions internationales, puisqu’il fut le premier Commandant suprême des Forces alliées en Europe ?
Le déclenchement de la guerre de Corée avait incité les membres de l’Otan à intensifier et plus encore à accélérer leurs efforts de défense. Lorsque le Conseil Atlantique se réunit à New York le 15 septembre 1950, ses discussions se concentrèrent sur un seul problème : comment défendre la zone de l’Otan contre une agression semblable à celle qui avait été commise en Extrême-Orient ? Le Conseil décida d’adopter une « stratégie vers l’avant », ce qui signifiait que la résistance à une éventuelle agression se situerait le plus à l’Est possible. Or ceci impliquait, d’une part un effort supplémentaire des pays membres, de l’autre la participation de la République fédérale, et c’est alors que se posa, officiellement, le problème du réarmement allemand.
Lors de sa réunion suivante – à Bruxelles le 18 décembre 1950 – il déclara que « la contribution de l’Allemagne aurait pour effet de renforcer la défense de l’Europe sans modifier en quoi que ce soit le caractère purement défensif de l’Otan », et il prit les premières mesures destinées à assurer cette participation.
C’est au cours de cette réunion de Bruxelles que le Conseil créa le Standing Group, et qu’il décida de créer une force intégrée placée sous le commandement d’un officier américain. Les mots « force intégrée » et « commandement suprême » évoquèrent immédiatement le nom d’Eisenhower. M. Churchill avait dit de lui, dans une lettre au Président Truman : « En la personne du général Eisenhower, nous avons un homme qui a placé l’unité des armées alliées au-dessus de toute préoccupation d’ordre national »… Le Conseil Atlantique demanda au Président Truman de désigner le général Eisenhower pour assumer les fonctions de Commandant suprême des Forces alliées en Europe. Le Président Truman accéda à cette demande. « Ike » s’installa à Paris dans les premiers jours de 1951… Voltaire disait : « On doit des égards aux vivants, on ne doit aux morts que la vérité ». La vérité, pour Eisenhower, ce fut, à l’Otan, le respect de l’idée dans le cadre de laquelle il avait été nommé. Pas un seul jour, il ne se départit de sa loyauté à l’égard de la notion de communauté atlantique. Les alliés étaient pour lui des amis, il était fidèle à cette amitié parce qu’il était exigeant à l’égard de lui-même. ♦