Outre-mer - La Guinée équatoriale, nouveau point chaud d'Afrique centrale - Mise en chantier de la route Tanzam en Afrique orientale - Avenir prometteur pour le port d'Assab en Éthiopie
La Guinée équatoriale, nouveau point chaud d’Afrique centrale
Cinq mois seulement après avoir accédé à l’indépendance, la Guinée équatoriale vient de traverser une crise grave qui menace sa stabilité interne, qui affecte ses relations avec l’Espagne ex-colonisateur, et qui inquiète tout naturellement ses voisins.
La Guinée équatoriale compte en effet parmi les derniers États nouveau-nés sur la scène africaine. Le pays, reconnu indépendant le 12 octobre 1968, comprend en fait deux territoires très dissemblables : d’une part, les riches îles de Fernando-Po et d’Annobou dans le golfe de Guinée, 2 000 km2 et 70 000 habitants environ, Bubi et autochtones voisinant avec une majorité d’Ibos venus du Nigeria, d’autre part l’enclave continentale et pauvre du Rio Muni, entre le Gabon et le Cameroun, et à laquelle se rattachent les petites îles de Coriso et d’Elobey, 26 000 km2 et 200 000 habitants environ, en majorité Fang.
Dans le cadre de la nouvelle Constitution, une certaine autonomie avait été reconnue à Fernando-Po où prédominent les intérêts étrangers, espagnols pour la plupart : florissantes plantations de cacao, exploitations forestières ou même pétrolières.
Sur le plan de la défense et du maintien de l’ordre, deux compagnies de gardes civils espagnols – au total 260 hommes – restaient stationnées à Fernando-Po et à Bata.
Né à Nsegayong, petit village du Rio Muni et d’ethnie Fang, le président Macias avait été élu, au début d’octobre, chef du nouvel État, grâce à la coalition des trois principaux partis guinéens, le MONALIGE (Mouvement national pour la libération de la Guinée équatoriale), le MUNGE (Mouvement d’union nationale de Guinée équatoriale) et l’IPGE (Idée populaire pour l’indépendance de la Guinée équatoriale). Il avait, à cette occasion, éliminé de la scène politique son concurrent malheureux, l’ancien Premier ministre du temps du gouvernement autonome, M. Ondo, mais n’avait pas manqué d’aviver d’autres rivalités de personnes, en précisant petit à petit un programme politique qui visait, non seulement au maintien de l’unité de l’État, mais aussi à une plus grande indépendance économique qui, selon lui, allait de pair avec une ouverture de l’éventail de la coopération avec d’autres pays que l’Espagne, pays de l’Est compris.
C’est ainsi que, dès la fin de 1968, il prit l’initiative d’une campagne attisant le mécontentement populaire contre l’ancien colonisateur. C’est dans ce cadre que des manifestations anti-espagnoles ont éclaté le 25 février dernier, entraînant à Bâta notamment, des accrochages entre Guinéens et résidants espagnols dont l’un d’eux devait être tué.
Tandis que le déchaînement des violences entraînait un véritable exode de la grosse majorité des Espagnols – plus de 3 000, dit-on – évacués progressivement par voie aérienne ou maritime sur les Canaries ou sur Madrid par des moyens hâtivement mis en place par le gouvernement madrilène, le Président Macias exigeait le rappel de l’Ambassadeur espagnol, le retrait des troupes « étrangères » et demandait à l’ONU, pour les remplacer, l’envoi d’un contingent de « Casques bleus ». Soucieux de ne pas aggraver la situation, le gouvernement espagnol nommait un nouvel Ambassadeur, mais refusait de retirer ses troupes tant que les évacuations de ses ressortissants ne seraient pas terminées. L’ONU, de son côté, dépêcha sur place une mission d’information qui constata que si les incidents entre Guinéens et Espagnols avaient à peu près cessé, l’économie du pays était paralysée. Sans doute les troupes espagnoles restaient dans leurs cantonnements, mais un compromis paraissait difficile à dégager ; cependant les négociations entre les deux gouvernements n’étaient en tout cas pas rompues. C’est alors que le ministre guinéen des Affaires étrangères, M. N’Dongo, qui rejoignait en cela d’autres opposants au Président Macias, tentait, le 5 mars, en s’appuyant à Bata, sur des éléments de la Garde nationale, de s’emparer du pouvoir. Il échoua devant la réaction vigoureuse du Président Macias, lequel s’appuyait sur ses milices et sur les éléments de la Garde nationale qui lui étaient restés fidèles. Depuis, ayant profité du complot pour éliminer ses principaux adversaires politiques, le Chef de l’État s’est employé à consolider son pouvoir à l’intérieur et recherche maintenant, avec le concours de la mission de l’ONU, des rapports nouveaux avec Madrid qui lui permettront dans l’immédiat de faire face à la dégradation de la situation administrative et économique consécutive à l’exode des ressortissants espagnols. À cet effet, une mission espagnole a négocié sur place les principes d’une nouvelle coopération technique et d’une aide financière importante.
Carte de la Guinée équatoriale et de la baie du Biafra
Ces événements ont été suivis avec attention dans les pays limitrophes. Si le Cameroun et le Gabon sont intéressés en raison de l’importance de l’ethnie des Fang qui déborde des frontières, ils sont soucieux néanmoins de respecter le principe de non-ingérence, très chère à l’OUA. Le Nigeria et le Biafra de leur côté ne peuvent rester indifférents. Cela tient non seulement au rôle joué par l’aérodrome de Santa Isabel dans l’acheminement vers le Biafra des secours de la Croix-Rouge Internationale, secours un instant suspendu, mais aussi à la présence dans Fernando-Po d’une importante colonie nigériane considérée en majorité comme favorable aux Biafrais.
En bref, la crise qui vient de secouer la Guinée équatoriale paraît actuellement surmontée. Elle n’est cependant pas entièrement enrayée. L’Espagne s’est efforcée d’éviter l’affrontement. Son effacement, s’il devait s’accentuer, ne pourrait que favoriser l’apparition de nouvelles activités étrangères dans ce petit pays encore instable qui, comme partout ailleurs en Afrique, doit faire face aux problèmes difficiles de sa construction nationale et de son développement.
Mise en chantier de la route Tanzam en Afrique orientale
Enclavée au centre de l’Afrique, face au Congo-Kinshasa, aux provinces portugaises de Mozambique et d’Angola, à la Rhodésie et à la Tanzanie, la Zambie, pour exporter ses richesses minières, s’efforce de diversifier ses voies d’accès à la mer. Elle s’est tournée vers la Tanzanie en qui elle trouve un partenaire soucieux de développer ses propres communications en même temps que d’accroître l’importance du port de Dar Es Salam, sa capitale.
Déjà un pipeline construit avec l’aide italienne relie Dar Es Salam à Ndola. Déjà elle a rencontré l’adhésion tanzanienne pour construire, avec l’aide de la République populaire de Chine, un chemin de fer qui doit relier les deux capitales et la dégager de la tutelle de la Rhodésie pour son commerce extérieur et du compromis portugais grâce auquel elle évacue actuellement une partie de son cuivre.
En attendant, l’accord s’est fait une fois de plus aujourd’hui entre les deux pays africains pour doubler cette future voie ferrée par une route moderne à double voie, longue de 1 600 km, la Tanzam, qui était jusqu’ici le principal itinéraire emprunté en Zambie par les véhicules détournés de Rhodésie depuis la déclaration unilatérale d’indépendance de 1965. Le mauvais état de la route entrave l’écoulement du trafic malgré des dépenses considérables d’entretien.
Aussi, la Tanzanie vient d’obtenir l’aide de la Suède, de la Banque mondiale et de l’AID (Association internationale de développement) pour reconstruire 500 km de cet itinéraire. La Suède a consenti à cet effet, à des conditions avantageuses, un prêt de 15 millions de dollars, la Banque Mondiale de 7 M$ et l’AID de 8 M$. La participation tanzanienne a été fixée à environ 8 M$.
La Zambie, de son côté, a obtenu l’aide de la Grande-Bretagne et de la Banque mondiale pour reconstruire 575 km de l’itinéraire défectueux. Aussi, suivant les estimations présentes, la Tanzam, qui sera achevée en 1971, devrait permettre à l’économie zambienne de se dégager des circuits rhodésiens et portugais en écoulant ainsi une part de plus en plus importante du commerce zambien, tout en drainant par ailleurs vers la côte la région fertile du Sud-Ouest de Dar Es Salam.
Avenir prometteur pour le port d’Assab en Éthiopie
Malgré les troubles qui persistent en Érythrée, le gouvernement éthiopien s’est efforcé, ces dernières années, de promouvoir le développement du port d’Assab qui est appelé à desservir cette province littorale.
Déjà les Soviétiques, à la demande de l’Éthiopie, y ont construit une raffinerie inaugurée en avril 1967 et dont on estime aujourd’hui la capacité de production à plus de 500 000 tonnes de produits finis, essence, gasoil, kérosène ou bitumes.
Aujourd’hui divers autres projets qui intéressent d’autres puissances sont à l’étude pour favoriser le développement du port et de son arrière-pays. Tandis que la marine de guerre éthiopienne désirerait pouvoir s’y implanter, il a été envisagé d’y créer un chantier naval avec dock flottant, doublé d’ateliers de réparations et de réservoirs de combustibles. Dans le même temps, les études ont porté sur l’amélioration des communications, agrandissement de l’aérodrome, développement des routes, sur la construction d’une usine électrique et d’une usine des eaux, la construction d’un grand hôtel de tourisme, la planification d’un projet de développement agricole que justifient les perspectives prometteuses de cette zone portuaire en expansion. Cependant des impératifs financiers viennent freiner ces projets que les Éthiopiens souhaiteraient vivement mener à bien, afin de faire d’Assab dans les années qui viennent, le principal port commercial éthiopien de la mer Rouge. ♦