Mémoires d’une Européenne. T. I : 1893-1919
Mme Louise Weiss, collaboratrice immédiate du célèbre sociologue Gaston Bouthoul, initiateur de la polémologie dont il a fondé le premier Institut à Paris, n’est pas une inconnue pour ceux de nos lecteurs également familiers de l’excellente revue Guerres et Paix qu’elle dirige avec une particulière maîtrise.
Agrégée d’histoire à vingt ans, à la veille de la Première Guerre mondiale, à une époque où le destin des quelques jeunes filles nanties de ce titre était alors l’enseignement, Louise Weiss refusa de se conformer à cette règle et s’orienta très tôt vers le journalisme. En 1918, elle fonda L’Europe nouvelle dont elle assura la direction jusqu’en 1934 et où elle œuvra en vue de tenter de préserver la paix de cette Europe née de notre victoire et du médiocre Traité de Versailles. Il n’est pas d’homme politique célèbre de cette époque qu’elle n’ait connu, que ce soit les chefs de la jeune République tchécoslovaque ou ceux de la scène politique parisienne.
Dans ce premier tome, elle rassemble des souvenirs d’une étonnante fraîcheur sur son enfance au sein d’une famille bourgeoise de la Belle Époque et son adolescence studieuse pendant laquelle elle devra poursuivre ses études en dépit et presque à l’insu d’un père pour qui l’éducation des filles ne doit viser à leur donner d’autre culture que celle qui est propre à faire l’ornement d’un foyer républicain.
La guerre lui arrache ses frères, ses cousins et ses amis. Elle n’a de cesse qu’elle ait pu, elle aussi, mettre en action son civisme et elle organise, de sa propre initiative, un centre d’accueil de réfugiés puis un hôpital auxiliaire. Plus tard elle s’occupera activement de l’aide aux prisonniers. Mais, entre-temps, elle a été appelée à seconder son père, chargé par le gouvernement réfugié à Bordeaux, d’organiser le ravitaillement en charbon indispensable à l’industrie de guerre et c’est là qu’elle commence à faire connaissance avec ce monde de la politique que sa vie de journaliste engagée devait lui rendre familier.
La sérénité d’âme que manifeste Mme Louise Weiss en évoquant la tragédie de ces années n’exclut pas tantôt la vigueur du trait tantôt l’humour incisif lorsqu’elle fait le portrait de certains de ses protagonistes. Elle nous les découvre parfois sous un jour assez différent de celui de nos manuels d’histoire.
Le lecteur appréciera la verve et le charme de ces mémoires d’une très grande dame. ♦