La politique française d'immigration
La France est par tradition un pays ouvert à l’immigration étrangère : d’abord en vertu de la géographie qui la situe au carrefour de l’Europe occidentale, en vertu de l’histoire qui en a fait une terre de rencontres, de conflits et d’accueil ; mais aussi en raison de sa propre démographie dont les défaillances passées, accentuées par les pertes qui ont atteint notre pays au cours des deux conflits mondiaux, n’ont pu être réparées que par d’importants apports extérieurs. Mais l’on ne peut plus guère évoquer et le rôle et la portée de l’immigration étrangère en France en termes de tradition sans prendre le risque de méconnaître la réalité : ce phénomène est en effet l’objet d’une double mutation quantitative et qualitative, et cette mutation oblige les responsables à déterminer au sens le plus large du terme une nouvelle politique d’immigration.
La mutation des phénomènes d’immigration
En 1966 les étrangers représentent 6 % de la population française ; seul le dépouillement complet du recensement de 1968 permettra de procéder à une vérification des évaluations actuellement admises. Mais en tenant compte des résultats du recensement de 1962 et des mouvements enregistrés au cours des dernières années, l’on peut estimer à plus de 3 millions de personnes le nombre des étrangers établis en France. L’on sait d’autre part que 11 % des travailleurs actifs salariés sont des étrangers. Ces données générales ne rendent pas compte d’un fait important : la concentration de la population étrangère dans les zones de développement urbain et industriel intense ; 100 000 étrangers vivent à Lyon et 250 000 dans la région Rhône-Alpes. La Moselle compte 12 % de population étrangère, la région parisienne accueille plus de 30 % de l’immigration totale.
Ces chiffres prennent leur véritable signification si l’on prend une vue dynamique de l’immigration en examinant sa contribution à l’accroissement de la population française. Pour 45 %, cette croissance est due au fait de l’immigration étrangère. En effet, l’augmentation annuelle de notre population se situe depuis 1964 aux environs de 1/2 million de personnes. Elle est imputable d’une part à l’excédent des naissances sur les décès (320 000 à 350 000 par an), mais ce développement démographique naturel est tributaire de l’immigration. L’Institut national d’études démographiques estime que les naissances dans les familles étrangères, plus fécondes en moyenne que les familles françaises, représentent 12 % des naissances annuelles en France. Les mêmes experts chiffrent à 65 000 en moyenne le solde positif des migrations entre la France et l’étranger, c’est-à-dire la différence entre les arrivées et les départs d’immigrants constatés à nos frontières ; ainsi, l’immigration, directement ou indirectement, contribue d’une façon décisive à l’accroissement de la population de notre pays. La France est à cet égard plus proche qu’on ne l’imagine de pays neufs comme le Canada ou l’Australie, où l’immigration annuelle est d’un volume sensiblement égal à celui des naissances annuelles.
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